Habitué depuis quelques années aux productions où l’on meurt beaucoup,
From Software ne semblait rien avoir à faire du coté de la réalité virtuelle, un secteur où le challenge n’est pour l’heure pas un argument souhaité par la majorité, préférant les expériences assez posées quel que soit le genre. Mais bon, il faut bien à un moment étendre son catalogue à autre chose que de l’action dite exigeante et plutôt que de faire dans la facilité avec un spin-off rapide d’une IP existante, les développeurs ont donc voulu tenter le coup d’une expérience pleinement neuve. Pour eux du moins, car le narratif, ce n’est pas non plus le style le plus inhabituel dans la VR.
Il y avait d’ailleurs une certaine interrogation sur ce point car on ne peut dire que
From Software soit spécialiste de la narration. Il y a toujours un certain background dans les Souls, le « lore » comme aiment le dire les fans, mais distillé dans la suggestion et les rares indices pour laisser les plus acharnés recouper tout cela. Un procédé loin d’être inédit dans le genre purement narratif, surtout chez les indépendants (car au-delà du style, c’est surtout plus économique à mettre en place), mais qui ne plaît pas forcément à tout le monde. Dans
Déraciné, on assiste heureusement à quelque chose d’assez clair sans être dans le limpide. On a les bases, on comprend vers où l’on file et ce que représente la fin, mais cela n’empêche pas que plusieurs questions resteront en suspend pour laisser la communauté tirer ses propres conclusions.
Dans tous les cas, ça a le mérite d’être original. On y incarne un esprit, appelé tel un aimant par une jeune fille en détresse, l’une des rares résidentes d’un orphelinat qui sans que vous ne compreniez trop pourquoi sur l’instant, va vous proposer de prendre sa vie, ou plutôt le temps qu’il lui reste à vivre. Car dans ce monde, les esprits ne sont pas soumis au passage du temps, et ne peuvent d’ailleurs pas réellement cohabiter avec les vivants. Pour être précis, l’esprit ne peut évoluer qu’à un « instant T », avec donc une scène totalement figée mais où ses rares interactions pourront légèrement affecté le moment et permettre au temps de reprendre son cours le temps de quelques secondes. L’esprit ne peut donc évoluer que de séquences en séquences à travers le temps (ce qui correspond donc à des « niveaux » dans le jargon JV), progressant toujours par ordre chronologique sauf lorsqu’il prend une vie, lui octroyant du coup la possibilité de faire l’inverse : revenir en arrière.

Vous avez donc deviner que la scène initiale va vous faire revenir dans le passé pour permettre de comprendre pourquoi cette jeune fille a souhaité en arriver là, et donc l’occasion au fur et à mesure de découvrir les divers représentants de l’histoire, tous attachants si tant est que vous appréciez le coté bon enfant qui se dégage de tout cela. Prenez l’école de
La Petite Maison dans la Prairie, dégagez les rejetons Oleson, et vous n’aurez aucun mal à deviner le résultat : une demi-douzaine d’adolescents souriants et gentils, aux cotés d’un vieillard en train de vivre ses derniers jours. Ça surprend un peu à notre époque mais ça fonctionne bien car on a droit à des personnalités réellement différentes et une ambiance loin d’être commune (les enfants se vouvoient entre eux). Dommage que la VF soit tout juste passable, car souvent très caricaturale.
Avec une expérience qui ne prend qu’une demi-douzaine d’heures, difficile d’en dire plus sur l’univers sans spoiler, chose qu’on évitera donc de faire, se contentant juste d’affirmer que si le dernier chapitre est un peu usant (la faute à un enchaînement de mini-séquences ponctuées de gros temps de chargement), celui qui précède a le mérite de surprendre avec des passages totalement inattendues, loin de ce à quoi on s’attendait en débutant l’aventure. Dans son genre, la narration mixée à ce que l’on appelle vulgairement le walking-simulator,
Déraciné fait donc plutôt bien le taf mais a surtout beaucoup de défaut qui l’empêcheront de briller à une époque où l’on a déjà digéré une masse de jeux dans le même style.
Des erreurs de jeunesse dans certains cas, et probablement budget moindre pour éviter une grosse prise de risque, mais toujours est-il que sorti de quelques séquences intéressantes,
Déraciné manque d’ambition. Le gameplay est évidemment simpliste mais déçoit au regard de ce que suggérait le point de départ : comme dit plus haut, l’esprit peut (via un anneau) prendre une vie, mais cela ne vaut pas que pour les humains puisque vous pouvez par exemple récupérer l’essence vitale d’un fruit et la transférer ensuite dans une fleur desséchée (qui du coup reprendra son aspect normal). A partir de là, il n’était pas difficile d’imaginer dans quelle direction allaient partir les puzzles mais en fait pas du tout : ce système est totalement mis de coté, n’étant que rarement exploité et uniquement pour le scénario lui-même.
On pourrait également citer une progression qui tourne un peu en rond puisque le trois-quart du jeu se situe dans cet espèce d’orphelinat, où l’on est toujours limité dans ses mouvements par quelques restrictions (l’esprit ne peut traverser une porte fermée, ou passer devant un chat) mais même si d’une séquence à l’autre, des accès s’ouvrent, toujours est-il qu’on a très vite vu l’essentiel et qu’on passe donc une bonne partie du temps à se promener dans les mêmes endroits. La lassitude est donc là, mais la VR a le mérite d’apporter ce qu’il faut même si c’est loin d’être le jeu qui exploite le mieux la réalité virtuelle. C’est forcément mieux avec mais autant les PS Moves (obligatoires, notez le) sont bien utilisés, autant la VR n’a qu’un but immersif sans jamais essayer de jouer dessus. Limite, à deux passages près, vous pouvez même y jouer avec une minerve autour du cou.