Ce qui commence comme une respiration lente et régulière devient plus lourd et saccadé. En fond sonore j'entends les bips d'un moniteur cardiaque.
Il y a une étrange absence de tout autre bruit, bien que les sons de respiration et des bips semblent se renforcer en remplissant ce vide. "Est-ce que je vais mourir?"
"Pas encore. Tend le bras."
La respiration s'accélère maintenant, les inspirations deviennent plus douloureuses et plus brusques. "Tu dois t'en rapprocher. Tu dois en fait aller là-bas et le prendre."
Un sifflement.
La respiration brusque cesse.
Un silence pendant une demie seconde ...
… et le son revient avec un souffle désespéré, une grande inspiration, une pause puis une respiration régulière constante qui ralentit jusqu'à ce que je ne puisse quasiment plus l'entendre. "Nous nous sommes passés des indications à l'écran parce qu'on les déteste et avons tous mis sur le HUD. Tu peux te débarrasser de la bouteille d'oxygène maintenant."
La respiration est de retour, lente au début mais bientôt plus rapide. Je sais ce qui va se passer. Je flotte maintenant vers une bouteille, vers l'oxygène dont j'ai besoin. "Est-ce que ces bouteilles en dessous de moi, est-ce qu'elles sont ce que je pense ? »
"Ouais."
Je ne peux m'empêcher de dire « Merde ! »
Je dérive au delà de la cuve qui tourne lentement sur elle-même, la respiration est rapide et dure. Je tournoie et réussit à accrocher la boîte en métal, je l'insère.
Un sifflement.
La respiration ralentit.
C'est la deuxième fois en un an que j'essaie Adrift, le jeu d'expérience à la première personne de Adam Orth et de 3.1.0. Il a quelque peu changé, a évolué pour devenir une interprétation bien plus intéressante d'un concept déjà fascinant.
A la dérive dans l'espace, je dois explorer les débris d'une station spatiale en utilisant des ressources d'air limité, à la fois pour rester en vie et à la fois pour me propulser dans l'espace sans gravité [rempli] de débris tournoyants qui est maintenant mon monde.
Déjà vu
A l'occasion du même évènement dans la même ville pendant le même mois, peut-être même dans la même chambre d'hotel, j'ai rencontré Orth l'année dernière pour parler de ce que serait le premier jeu de son studio : Adrift.
Il a commencé son existence en tant que jeu décrivant l'expérience d'Orth en 2013 d'être dans l'oeil du cyclone social suite à l'envoi d'un tweet sur la connexion obligatoire en ligne [de la Xbox One] qui déchaîna Internet, entraîna des menaces de mort sur lui et sa famille et réduisit en lambeaux son sentiment de sécurité et d'intimité.
Mais le jeu a évolué.
La métaphore du jeu est toujours présente : Adrift commence par une scène de destruction confuse dans l'espace et jette le joueur dans la combinaison spatiale d'une femme qui lutte pour comprendre une puissante force invisible qui vient de détruire tout ce à quoi elle tenait vraiment. Mais aujourd'hui ce lien avec les expériences véritables de Orth est masqué par des couches d'habiles mécaniques ludiques, une conception audio évocatrice et une narration astucieuse.
Adrift n'est plus seulement destiné à être une simple allégorie interactive, un conte de mise en garde pour ceux qui pourraient se retrouver à devoir faire face aux masses informes de Twitter. C'est un jeu qui espère, et c'est bien plus important, faire naître et évoluer un nouveau type de jeu : « l'expérience à la première personne », ou le jeu FPX.
En accord avec ce que Orth et l'équipe du tout jeune studio 3.1.0. m'avaient dit en Novembre, Adrift n'est pas destiné à être une expérience unique mais plutôt la première étape dans une longue lignée de titres FPX.
Avant que je ne m'assois avec la manette et joue à une courte section du jeu recréé et retravaillé, Orth me tient au courant de l'évolution du studio. Selon lui, Adrift est quasiment achevé et sortira cet été. Mais ce n'est pas tout. . "Nous commencerons le travail sur notre second jeu en Août. Ce sera exactement ce que nous avons dit que nous ferions, un autre jeu FPX. Nous avons déjà un éditeur de prévu pour le second."
"Nous sommes en fait ici à DICE en train de présenter notre troisième jeu."
Orth refuse de me dire le sujet du second jeu ou son éditeur, mais Richard Leibowitz, le directeur commercial du studio, déclare que l'équipe est très heureuse avec 505 Games, l'éditeur d'Adrift. "Ils ont été supers avec nous, ils nous ont permis d'être indépendants" selon lui. "Ils ont financé notre jeu et nous ont donné une liberté créative." "C'est génial et nous voulons continuer cette relation d'affaire mais nous voulons aussi être complètement indépendants."
A gauche : la démo 2015. A droite : un sacré chantier
A la dérive
Orth est un peu inquiet lorsqu'il me tend la manette. Il me dit que je suis l'un des premiers en dehors du studio à jouer au jeu retravaillé.
Adrift est toujours caractérisé par ce design claustrophobique qui alimentait le jeu et l'anxiété légère de la démo originelle, mais ça a été renforcé par une paire de choix de conception intelligents. Proéminent parmi eux est le besoin de non seulement utiliser votre oxygène pour respirer pendant que vous explorez les débris de la station spatiale, en flottant de manière autonome à travers l'espace, mais aussi de devoir utiliser ce précieux air pour vous propulser en l'absence de gravité. "Dans le cadre des évènements, nous utilisons l'oxygène comme votre vie et votre propulsion" me dit Orth. "Chaque mouvement que vous faites vident votre oxygène. Ca crée un mini-jeu unique qui vous force à prendre des décisions à chaque mouvement que vous faites. Dois-je utiliser mes modules de propulsion pour récupérer cette bouteille d'oxygène ou bien dois-je essayer de flotter jusqu'à là-bas ?" "C'était déjà un jeu vraiment amusant en se contentant de flotter à droite à gauche : maintenant nous avons vraiment trouvé un moyen de l'amplifier."
Je ne suis pas sûr qu' « amusant » soit le terme que j'utiliserais, mais c'est captivant, exigeant et plus que palpitant, une espèce nerveuse de façon de faire.
Adrift a pour héroïne une femme, une chose que les joueurs ne remarqueront peut-être pas tout de suite jusqu'à ce qu'ils l'entendent parler. Enveloppée dans les couches d'une combinaison spatiale, ma première expérience avec la protagoniste se fait via sa respiration saccadée et ses mouvements maladroits dans le vide. Ma vision est à travers ses yeux dans un casque chargé des informations importantes et de la vision du monde. Je vois parfois lentement dériver un bras ou une jambe enveloppés dans une combinaison.
Je demande à Orth si le personnage principal fut toujours une femme. Il me dit que c'est quelque chose qu'ils n'avaient pas déterminé lorsqu'ils créèrent la démo. "Nous avions essayé de trouver une façon de laisser les joueurs choisirent leur sexe mais c'était trop perturbant pour la manière dont nous voulions monter leur histoire. Je préfère personnellement jouer avec des personnages féminins. Je ne sais pas pourquoi. C'est juste plus intéressant pour moi et je ne voulais pas faire un jeu d'astronautes traditionnel. Ca semblait simplement être la bonne décision." "Il y a aussi des raisons narratives."
Je m'entretiens plus ou moins avec Orth alors que je chemine en flottant paresseusement au début de la démo. Je me suis déjà entretenu avec des développeurs alors que je jouais à des jeux de stratégie, de combat, des FPS mais je n'ai jamais été autant distrait que maintenant.
Je me surprends à retenir ma respiration alors que mon astronaute approche de sa fin en s'asphyxiant. Je me tortille dans mon siège alors que j'essaie de la diriger doucement et avec précaution vers des bouteilles d'oxygènes dérivantes en utilisant de courtes expulsions d'air déjà capturé.
Je remarque souvent que la mort est proche mais Orth m'encourage toujours. "Tu peux y arriver" me dit-il à l'occasion. "Tu peux le faire".
Je lui demande parfois de m'indiquer les réserves. Elles sont comme une sorte de ligne de vie (et de propulsion) qui me guide parmi le labyrinthe des débris jusqu'à mon premier objectif. L'ordinateur principal m'indique initialement que je dois trouver une capsule d'évacuation et l'utiliser pour retourner sur Terre.
Ces fichues bouées de sauvetages tournoyantes semblent de plus en plus distantes, ce qui limite mes chances de survivre à la moindre erreur.
J'en vois finalement une si loin que j'en conclus que ma réserve actuelle ne durera pas assez longtemps pour empêcher l'hypoxie puis la mort. Orth n'est cependant pas d'accord : "Tu as une chance, Brian."
Je me lance en utilisant les pare-chocs et alors que ma vision commence à décliner et que le son augmente, je lâche ma dernière bouffée d'air et flotte doucement à côté de la bouteille, à deux doigts de son contenu vital. "Tu avais un essai"
"Meeeeeeeeeerrrrrdddeee."
D'une façon ou d'une autre je me débrouille pour revenir sur les rails et attrape la bouteille alors que l'écran vire au noir. Il y a un sifflement, une profonde inspiration et je suis reparti, à la recherche de la prochaine miette. "Tu as une quantité maximum limitée d'oxygène vu qu'actuellement ta combinaison est cassée" m'explique Orth. "Alors que tu progresseras dans le vaisseau, tu vas trouver une station de réparation et ça te permettra d'augmenter la quantité maximum, l'oxygène devient donc au fur et à mesure de la progression du jeu un problème de moins en moins important."
C'est une astuce de conception habile, qui pousse les joueurs dans les premiers instants du jeu à de la simple survie alors qu'ils en apprennent un peu plus sur qui ils sont et les raisons pour lesquelles ils doivent s'en soucier, et qui rend ce sentiment d'urgence moins important quand l'histoire prend son envol. "Meeeeeeeeeerrrrrdddeee."
Le début est conçu pour être un jeu mental permanent de « prendre et donner » lié à un jeu basé sur la physique et l'habilité.
Je me rends compte du jeu mental quasiment immédiatement. Au début, je gaspille une bouteille entière pour en atteindre une autre, et je réalise que je ne peux récupérer toutes celles que j'aperçois : tu dois prendre en compte le ratio valeur/coût. "C'est tout un art de récupérer ces bouteilles" me dit Orth.
Je remarque que c'est aussi tout un art de ne pas envoyer son astronaute dans le décor avec l'inertie et l'absence de gravité.
Cette habilité commence à être familière au bout d'un moment. "Les contrôles sont en gros un Asteroids à la première personne" me dit Orth. "Tu peux seulement le faire parce qu'il n'y a pas de gravité. Nous étions inquiets que ce soit trop exigeant pour les gens mais nous les avons vraiment adorés. Aujourd'hui c'est la première fois que des personnes extérieures à l'équipe jouent au jeu."
Cet instant où des personnes de l'extérieur jouent est si important : "les gens ne semblent pas comprendre pourquoi un jeu d'expérience à la première personne peut être amusant tant qu'ils ne l'ont pas essayé."
"Lorsque tu parles des FPX, les gens pensent que ce sera un simulateur ennuyeux de marche. C'est important pour nous d'avoir à la fois de l'amusement et des mécaniques de jeu."
Ce que ce jeu et les autres de 3.1.0 n'auront pas, c'est des armes avec lesquelles interagir, mais ça ne signifie pas que la tension n'en fera pas partie. "Nous ne voulons pas que vous flottiez simplement à travers une station spatiale sans être capable de faire quelque chose. Nous avons des bras et des mains entièrement animés et vous êtes constamment en train de toucher l'environnement. Il y des trucs vraiment sympas qui se passent."
S.S.B. Aka Simulateur de Sandra Bullock et non Super Smash Bros.
Réalité virtuelle
Pour Adrift, le plan est de porter le jeu sur chaque plateforme qu'il le sera possible pour 3.1.0. Ce qui veut dire la PS4, la Xbox One et Steam. Ca signifie aussi la réalité virtuelle. Alors que le studio bidouille avec le projet Morpheus et a pour intention de tester HoloLens, l'équipe fait tourner la majorité du jeu sur Oculus Rift.
Et les développeurs ont de grands projets pour la plateforme virtuelle. "Notre objectif est de faire d'Adrift le meilleur jeu de R.V. à ce jour" me dit Orth. "Nous voulons que si vous achetiez Oculus vous ne pouviez l'avoir sans ce jeu."
J'ai eu la chance de tester un peu cette expérience, mais pas le jeu : en gros un terrain de jeu construit dans le monde d'Adrift, conçu spécifiquement pour que les développeurs puissent tester le casque de l'astronaute. "L'un des trucs le plus sympa est que vous allez voir le casque, que vous allez être à l'intérieur du casque. L'objectif ici est de voler à travers une série de pièces et d'atteindre cette porte à la fin. C'est plus un terrain de jeu, un terrain de test pour le casque."
"Nous venons juste d'implémenter le casque dans le jeu et nous sommes très enthousiastes que vous puissiez avoir cette impression d'être [à l'intérieur]."
C'est un peu irrésistible de se lancer dans le jeu mais cette fois-ci en réalité virtuelle. La sensation de grandeur et de contrôle m'écartèle un peu. La Terre, en rotation lente en dessous avec les systèmes météorologiques réels en mouvement à sa surface, était déjà distrayante : elle est maintenant captivante.
Je flotte de partout, en remarquant que lorsque je regarde en bas je peux apercevoir à travers les bords de mon casque mes jambes lentement rattraper mon corps.
C'est surréaliste.
Alors que la version simple du jeu aura bientôt une date de sortie, rien ne peut être avancé pour la version Oculus Rift. "Nous attendons l'annonce" me dit Orth."Nous sommes très proches et de bons partenaires d'Oculus, nous avons beaucoup de soutien de leur part. Ils semblent s'intéresser grandement à notre jeu. Nous sommes super heureux de notre relation."
Mais comme tous ceux qui développent pour les kits encore provisoires, Adrift est dans une sorte de purgatoire technique. "Nous ne savons pas quand nous pourrons sortir une version R.V.. Nous ne savons tout simplement pas. Nous avons ce jeu et nous attendons."
A gauche ou à droite ? La bouteille d'air ou la pièce pour réparer le système ?
Souvenirs des morts tournoyants
Le gameplay du début d'Adrift est très orienté sur les objectifs et assez léger quant à l'histoire, mais je saisis quelques fragments de l'histoire alors que j'essaie de survivre au vide de l'espace.
Après qu'une station de réparation ait un peu remis en état ma combinaison, on m'octroie un léger meilleur contrôle de mes mouvements et une plus grande capacité de stockage d'oxygène.
J'arrive finalement à me frayer un chemin jusqu'au vaisseau de fuite seulement pour le trouver endommagé. J'ai besoin de trouver des pièces pour le réparer. L'ordinateur, un système qui évoque légèrement 2001 : L'Odyssée de l'Espace, commence à avoir une sorte de panne et mon objectif prioritaire devient la réparation de l'unité centrale.
Alors que je dérive vers mon but, j'entends quelques interférences : des nouvelles de la Terre mentionnant la catastrophe dans l'espace. "C'était une brève d'un réseau d'information qui émet depuis la Terre" m'explique Orth. "C'est à sens unique, une sorte de Twitter audio qui recouvre le globe. Elle les reçoient dans sa combinaison, vous pouvez donc entendre ce qui se passe en bas sur Terre."
Un peu plus tard je repère un objet de type différent dans l'espace. Orth m'indique que c'est un journal de bord personnel. "Tu peux ramasser des journaux audios et les écouter alors que tu continues à avancer" me dit-il.
Le peu que je trouve proviennent tous de collègues décédés. Ils semblent décrire la solitude de l'espace et un profond désir de retourner chez soi.
Il y aura aussi des corps et des objets personnels dans l'espace me dit Orth : ils seront tous reliés à l'histoire du jeu et serviront de trophées. "Chaque personnage a un objet personnel important significatif quant à son histoire et vous en entendez parler dans leurs récits. Et si vous choisissez de collecter ces objets et de les ramener à la maison aux personnes aimées, c'est quelque chose que vous pouvez faire" me dit-il. "C'est ainsi que fonctionneront les trophées. Il y a très peu de trophées, seulement quelques uns. Ce n'est pas un jeu de chasse aux trophées : ils sont plutôt reliés aux destins de ces personnes et à des moments importants du jeu."
Dans la prochaine zone de jeu, un peu après celle à laquelle j'ai joué, le [centre de] contrôle de la mission, basé sur Terre, une voix que j'ai pu entendre parfois durant ma démo, jouera un rôle plus important. "Le [centre de] contrôle mission sait que quelque chose s'est passé mais ils n'ont pas eu de vos nouvelles et ils essayent d'avoir une réponse de votre part. La seconde zone de jeu vous verra réparer les systèmes de communication. Puis le [centre de] contrôle mission découvre que vous êtes vivante. Mais vous ne pouvez communiquer avec eux, et ils font donc une sorte d'accord de type « les aveugles dirigent les aveugles »."
Ce sera un changement plaisant. Le silence du début du jeu le transforme en une expérience quasiment stressante.
Orth fait remarquer le silence et indique que 3.1.0. a délibérément conçu la bande son du jeu de manière minimaliste et que la musique a « vraiment vraiment une raison d'être ».
Alors que la démo approche de sa fin, je trouve un autre journal audio et l'écoute. Un spécialiste système parle de son désir d'être chez lui, du temps perdu sur Terre. Puis un concert de piano démarre. Beethoven résonne dans mon casque, recouvrant les bruits métalliques et les efforts physiques, et emplit le monde alors que je regarde ma petite île de destruction flottant dans le noir infini de l'espace.
Ce jeu avec l'Oculus ce doit être dément