Un an et demi seulement après avoir signé ce qui restera comme l'un des meilleurs RPG de ces dernières années, Bioware revient à la charge et nous livre une suite pas aussi bonne qu'on pouvait l'espérer.
« Hawk, ma vie, mon œuvre », ainsi pourrait s'appeler
Dragon Age II. En effet, le scénario de ce nouvel épisode, qui sort tout juste un an après l'unique extension de
Dragon Age Origins, nous entraîne en plein cœur d'une vie d'aventurier mettant en scène Hawk, un réfugié de Ferelden alors que sa contrée natale est attaquée par l'Engeance. Vous l'aurez compris, n'espérait pas retrouver votre personnage du premier, et ce malgré l'importation des sauvegardes. Nous y reviendront. Quoiqu'il en soit, notre jeune ami arrive à Kirkwall, une puissante cité, protégé de la guerre que mènent les Gardes des Ombres, mais aussi une cité pourrie jusqu'à la moelle par des événements sanglants et par la corruption. Inutile d'aller plus loin dans les révélations, sachez une chose, vous allez passer 10 ans de votre vie au service d'une nation qui n'a que faire de vos agissements.
Débarrassée de l'Engeance (même si elle restera plus ou moins présente via quelques quêtes), la licence peut désormais se concentrer sur un seul et unique personnage. Et ce qui déçoit le plus lorsque l'on commence une partie, c'est sans aucun doute le cruel manque de choix des races. Le titre vous oblige à incarner un humain, fille ou garçon, et seule la classe pourra faire l'objet de votre délibération. Évidemment, il est inutile de préciser que ces changements sont très dommageables pour l'aventure, car ils limitent fortement la rejouabilité, un comble pour un jeu Bioware. Quoi qu'il en soit, vos origines sont ici contées par un nain, qui deviendra votre confident durant votre épopée. Incarcéré par la Chantrie afin de livrer des révélations sur le Héraut (vous, en l'occurrence), il va se livrer à un récit plus ou moins exact. Étant donné que vous êtes le sujet principal de ce dernier, vous prenez donc part aux quêtes que Varic - le nain, vous met entre les mains. Pas le choix, vous êtes un réfugié. Le scénario de
Dragon Age II est découpé en trois parties, chacune représentant un peu plus de trois ans dans la vie de Hawk. La première se déroulera alors que le héros de Ferelden fait des siennes (oui, vous, pendant
Dragon Age Origins). Si vous avez fait le choix d'importer les sauvegardes de votre gloire lointaine, sachez que seules des références à votre ancien personnage viendront apporter un zeste de nouveauté au récit. Pas de quoi fouetter un chat pour autant, et par rapport à la série
Mass Effect, on était clairement en droit de s'attendre à une meilleure gestion des choix que vous avez pu faire à l'époque.
Chaque partie donne lieu à un affrontement final, dans un fil rouge plutôt bien mené. Et c'est sans doute ça qui fait la force du titre. Car si on aurait évidemment aimé une quête épique où le destin d'une civilisation entière est entre vos mains, ce recentrage autour d'un seul personnage est plutôt plaisant. Surtout qu'il permet de mieux cerner les protagonistes que vous rencontrerez et ainsi d'être plus attristé qu'avant en cas de mort de l'un d'eux. Ce point est sans doute aidé par l'une des nouveautés du jeu : votre personnage parle désormais et répond donc à ses interlocuteurs. Fini donc les longues phrases à choisir, ici, on revient à un système qui a fait ses preuves, celui de
Mass Effect en l'occurrence. Via un cercle où il faudra la plupart du temps évaluer trois réponses (bonne, moqueuse ou mauvaise) avec parfois la possibilité d'enquêter, votre héros aura de quoi faire. Seul problème, quoi qu'il arrive, les choix que vous ferez et les solutions de dialogues que vous choisirez n'auront la plupart aucune incidence sur l'histoire. C'est principalement cela qui fait que l'aventure ne peut se terminer plusieurs fois de suite, car le scénario en lui-même reste scripté de par sa longue quête principale qui pourra être plus bourrine ou plus réjouissante selon votre humeur, mais jamais vraiment différente. En terme de durée de vie, l'aventure solo sans faire attention aux quêtes secondaires dépasse les 35 heures de jeu, c'est plutôt pas mal, mais très largement en dessous de ce qu'avait effectué Bioware sur
Dragon Age Origins qui reste difficilement terminale en long et en large encore aujourd'hui. On pourrait alors se dire que les quêtes annexes elles, rattrapent le tout, mais ce n'est qu'à moitié vrai. Effectivement, elles rajoutent de nombreuses heures de jeu (environ une trentaine d'heures également) et touchent à la fois à la recherche d'objets ou d'ingrédients, en passant bien sûr par l'exploration de grottes remplies de monstres. Mais là encore, on est surpris par le manque de variété de ces dernières et surtout par le bourrinisme aigu qui fait que l'on se retrouve à constamment combattre les mêmes ennemis dans les mêmes situations, où seul l'objectif change. Même les quêtes de compagnon sont insipides à souhait et n'offrent pas beaucoup plus de diversité.
On sent donc bien le manque de diversité heureusement bien rattrapé par une aventure solo plus divertissante qu'il n'y parait. Son côté épique, s'il n'est pas aussi impressionnant que dans
Origins ou
Awakening, met beaucoup de temps à se dévoiler. Une fois que l'on y est, certains affrontements sont particulièrement bien fichus et les situations font plaisir à voir bien que l'on ne puisse renier le côté action du jeu. Car avec
Dragon Age II, Bioware a semble-t-il voulu se rapprocher de ce qui a été fait pour
Mass Effect 2. Catégorisé comme trop dur, même en normal,
Dragon Age Origins avait subi les foudres de non-initiés aux jeux de rôles. Qu'à cela ne tienne, on change complètement la donne avec sa suite en « offrant » aux fans un condensé d'action baignant dans le RPG et doté d'une difficulté à la limite du néant. En 40 heures de jeu, votre humble serviteur n'est mort qu'une seule fois. Trop facile ? Sans doute, une fois vos personnages dotés d'un équipement plus que convenable, le titre n'offre plus aucun challenge, et les nombreuses potions que l'on trouve sur les ennemis ne témoignent pas du contraire. On reste très loin de la castration de
Mass Effect 2 car le côté JDR est toujours très présent, mais dans tous les cas, il y a eu de la coupe dommageable pour la licence tout entière.
Voyez plutôt : votre personnage peut être customisé dans son intégralité. Comprenez que vous pourrez lui coller un casque, des bottes, ou encore une jolie armure. Pour les autres personnages se joignant à votre groupe, seul l'équipement secondaire pourra être modifiable, à savoir l'armure, le collier les anneaux ou encore la ceinture. Bref, on aurait espéré mieux, surtout que le boulot effectué sur les branches de talent est stupéfiant. Beaucoup plus claire que dans
Origins, cette partie est une vraie réussite et offre des possibilités d'attaques inégalées jusqu'à présent, et tous les protagonistes y ont droit, de quoi satisfaire les amateurs du genre… en grande partie en tout cas.
Pour autant, on notera des améliorations souhaitées de longue date par les joueurs et notamment du côté des graphismes. Le jeu s'offre une cure de jouvence bien méritée, car il faut bien se le dire, sans pour autant être moche, le premier épisode et son extension n'étaient pas ce qui se faisait de mieux dans le domaine. Les développeurs ont donc écouté les joueurs et offre à ces derniers une refonte graphique à double tranchant, notamment en raison du fait que tout n'est pas parfait. On appréciera certes l'aspect plus « adulte » des personnages, plus réaliste même, et le redessinage des elfes qui fait regretter l'impossibilité de se créer un héros à leurs couleurs. Les personnages deviennent ainsi plus expressifs avec des expressions faciales plus en adéquation avec telle ou telle situation (même s'ils restent assez rigides dans l'ensemble). Certains décors sont splendides et font vraiment carte postale… mais à quoi bon ? Car lorsque l'on s'aventure plus en amont dans le scénario, on se rend compte que la diversité est loin d'être l'une des qualités de ce second opus. Pour ainsi dire, vous n'aurez le droit qu'à Kirkwall comme ville, là où
Origins en proposait plusieurs à la fois, et malgré un nombre de quartiers plutôt exhaustif, on se sent bien à l'étroit. Surtout que les couloirs sont omniprésents et qu'il y a un net sentiment de vide, et ce ne sont pas les rares tentatives d'attaques en « pleine rue par des brigands » qui font la différence.
Vos sorties à l'extérieur se résumeront à 3 ou 4 emplacements maximum où grottes et plages infestées de brigands ou d'ombres venues du voile vous attendront de pied ferme. On en oublierait presque les multiples références au premier épisode de la saga. Certains joueurs se plairont à retrouver certains lieux connus du premier épisode, et notamment les tréfonds, ancien théâtre d'une bataille acharnée contre les Engeances. Elles s'y cachent encore, mais ne sont guère intéressantes, et ce voyage dans le monde souterrain des nains n'est pas franchement de première fraîcheur : on a vu mieux. Le voile des mages est aussi mis à contribution, notamment en raison du fait que les mages sont clairement mis en avant dans
Dragon Age 2. Vous devrez d'ailleurs très souvent prendre partie pour les Templiers ou pour les mages alors que ces derniers pourraient être les sujets d'un démon venu d'ailleurs. Le nouveau moteur graphique aide en tout cas à mieux apprécier une mise en scène plutôt bien menée malgré tout,
Autre amélioration notable, son gameplay. Avec le choix de privilégier l'action plutôt que l'aspect tactique, Bioware a sans doute voulu faire plaisir aux fans de
Mass Effect. On ne peut pas leur en vouloir vu le succès de la série du développeur canadien, et si tout n'est pas aussi bien que son illustre aînée, ça ne veut pas dire que l'on ne prend pas de plaisir pour autant. Pour ainsi dire, l'interface a été complètement revue, et parait plus allégée. La gestion des attaques à la souris se fait plus facilement, et les raccourcis clavier sont plus lisibles. Le système de combat est lui, simple comme bonjour avec des personnages donnant des coups à tout va, sans que vous soyez obligé d'interférer. Votre utilité se fera plus importante lorsque vous devrez lancer des sorts ou des attaques plus importantes, permettant alors d'asséner un coup fatal à vos ennemis. L'I.A. a évolué et même si le soigneur (ici, il s'agira d'un mage) reste bête comme ses pieds malgré l'utilisation des tactiques, on appréciera l'indépendance de ses coéquipiers dans les situations délicates. Mais ça ne veut pas dire pour autant que l'on abandonnera ce qui avait fait la force de Origins : l'aspect tactique. Autant vous le dire tout de suite, cette partie du gameplay a été réduite à peau de chagrin, tant et si bien que vous n'utiliserez pratiquement plus les « tactiques » prédéfinies par vous-même. Elles n'ont plus aucun intérêt et on nous le prouve assez facilement, car le jeu ne nous invite jamais à les personnaliser. L'une des fiertés de la version PC de Origins, la « vue tactique », a elle aussi disparu. Il n'est plus possible d'avoir une vue d'ensemble de la zone de combat, et seule une vue légèrement plus éloignée de votre personnage est disponible en dernier recourt. La visibilité en prend un coup, et l'égo des joueurs PC également à cause de cette régression inutile et incompréhensible (rappelons en effet que la vue tactique n'était pas disponible sur consoles à l'époque d'Origins). Côté bande-son, Inon Zure signe encore une fois une bande-originale d'exception, et la VO est à conseiller face à une VF qui fait franchement peur à entendre, surtout qu'il est enfin possible nativement, dans les options sur PC, de mettre le jeu en Vostfr. Un vrai bonheur.
Le bouleversement orchestré pour ce second opus aura fait une victime : la licence en elle-même. En faisant le choix de tout bousculer, du gameplay jusqu'aux graphismes, Bioware s'est fait un certain nombre d'ennemis. Ennemis qui n'apprécieront guère l'action à outrance, le manque de diversité dans les situations ou encore la difficulté revue à la baisse. Seulement voilà, en dépit de tous ces défauts, Dragon Age II reste un bon RPG avec un scénario principal un poil court, mais suffisamment bien ficelé pour être intéressant, doté de personnages réussis et d'une ambiance sans pareille que l'on prendra sans nul doute plaisir à retrouver.