Sorti il y a presque deux ans au Japon, le dernier épisode de la première trilogie des aventures du professeur Layton et du jeune Luke débarque enfin en France. Intitulé en V.O. 'le dernier voyage dans le temps' (saigo no jikan ryokô), il a donc été traduit dans la langue de Molière par 'le destin perdu'. Plus court et concis, ce sous-titre français fait somme toute bon écho aux aventures 'temporelles' que traverseront nos héros dans ce troisième opus.
Le voyage dans le temps, voilà en effet le thème imaginé par
Level-5 pour servir de toile de fond aux nouvelles aventures de nos compagnons. L'aventure commence alors que Luke et Layton assistent à une démonstration très copperfieldienne d'un inventeur savant qui s'apprête à exhiber à Londres son nouveau bébé : une machine à remonter le temps. Ni une ni deux, le premier Ministre, également sur place, est invité à monter dans la machine, et là, c'est le drame. Une explosion se produit, ne laissant aucune trace du premier Ministre et du scientifique, tous deux volatilisés. Une semaine après l'incident, Layton reçoit une lettre mystérieuse, dont l'expéditeur affirme être son acolyte Luke, vivant dans un futur de dix ans ultérieur à l'époque actuelle. Nos deux amis décident alors de suivre la piste de ce Luke du futur, et après quelques péripéties, ils sont 'téléportés' (par une machine semblable à la précédente) dans un Londres parallèle, après avoir visiblement fait un saut de 10 ans dans le futur. C'est là qu'ils s'apercevront que des choses pas nettes se trament dans cette ville, comme à l'accoutumée pleine de mystères. 12 chapitres + 1 épilogue pour un total de plus de 165 énigmes, voilà de quoi est constitué ce
Layton 3.
Pas bien différent des deux premiers épisodes sur la forme, les habitués comme les néophytes (re)trouveront leurs marques en l'espace de quelques secondes. Arrêtons de tourner autour du pot et venons-en à ce qui différencie un bon Layton d'un moins bon Layton : 1) la qualité de l'histoire ; 2) l'écriture et la diversité des énigmes ; et 3) d'une manière générale, l'équilibre entre phases d'aventure et énigmes. Sur chacun de ces trois points,
Le Destin Perdu fait encore mieux que les deux premiers épisodes (pourtant déjà excellents !). Voilà,
Layton 3 est donc, selon moi, le meilleur épisode à ce jour, en ce sens qu'il réunit ces trois qualités essentielles (en plus de bien d'autres, comme l'esthétique, la musique, la durée de vie, etc.). En plus d'une histoire longue et joliment narrée (portée par d'excellents flashbacks pleins d'émotion dans le passé de Layton), d'énigmes suffisamment variées (elles font appel à la logique et se basent sur différents thèmes dont les mathématiques, la langue et l'écriture, les jeux de cartes, etc.) et à la difficulté bien dosée, le joueur progresse sans accroc dans l'aventure, les développeurs ayant à nouveau réussi à trouver le juste équilibre entre la progression linéaire d'un tableau à l'autre, l'exploration, et les énigmes, qui apparaissent très souvent lorsque l'on parle à une personne.
Parmi les nouveautés, on peut noter un léger changement au niveau du système d'indices : il est désormais possible de faire appel à un 'S! Hint', un quatrième indice souvent décisif (qui va parfois jusqu'à donner la réponse toute mâchée), au cas où l'énigme pose vraiment problème. J'ai pour ma part dû à quelques reprises chercher la réponse sur le net, mais rares sont les énigmes pour lesquelles ces quatre indices n'ont pas été suffisants. D'une manière générale, la difficulté est plutôt bien dosée, même si tout cela est très subjectif (les facultés de résolution d'une énigme et les affinités avec les différents types de problèmes variant évidemment énormément d'une personne à une autre). Ceci dit, avec 153 énigmes (sans compter les énigmes bonus une fois l'aventure terminée), il y en a forcément qui sembleront trop faciles, d'autres trop dures, ou mal énoncées, mais globalement, les développeurs ont fait du bon boulot. Il y a également moins de redites au niveau du contenu des énigmes que dans les deux premiers épisodes (surtout le second, qui était assez pénible à ce niveau).
Un autre point fort de
Professeur Layton et le Destin Perdu, c'est la qualité des trois 'mini-jeux' annexes accessibles dans le menu. Outre les habituelles listes des énigmes et des 10 mystères qui se dévoilent au fur et à mesure que l'on progresse dans le jeu, on nous propose ici trois mini-jeux vraiment complets et bien foutus.
1) Le premier est une sorte de puzzle-game sous forme de tableaux à cases qui m'a vaguement rappelé
Chu-Chu Rocket dans le principe. Le but est de faire avancer la voiture de Layton de la case départ à la case arrivée, tout en ramassant l'intégralité des objets disséminés sur le tableau. Pour y parvenir, il faudra poser des flèches sur certaines cases tout en prenant soin d'éviter les obstacles. Sympathique, et vraiment prenant. Dommage que le nombre de tableaux soit si réduit (une dizaine, qui se débloquent petit à petit jusqu'à la fin du jeu).
2) Le second consiste à reconstituer 3 petites histoires de livres pour enfants, à l'aide d'autocollants que l'on obtient après avoir résolu certaines énigmes, au fur et à mesure que le jeu avance. Une fois obtenus tous les autocollants d'une histoire, on peut alors s'atteler à la tâche : en correspondance avec l'histoire qui est écrite sur l'écran du haut, le joueur doit choisir le ou les autocollants qui conviennent sur chaque page du livre. Original, ce mini-jeu achèvera de vous faire retomber en enfance, si ce n'était pas déjà fait.
3) Enfin le dernier petit jeu fait intervenir un personnage que l'on rencontre en cours d'aventure : un perroquet (dont on choisit soi-même le nom). L'objectif est de lui faire apprendre des mots pour pouvoir, à terme, le faire communiquer avec les habitants de la ville. Une fois le vocabulaire appris, on pourra alors, vers la fin du jeu, s'amuser à discuter avec les passants en devant à chaque fois trouver le mot approprié en réponse à leurs discussions. Plutôt marrant, ce jeu permet de s'amuser avec la langue et devrait plaire à ceux qui aiment le français.
Cela me permet d'enchaîner sur le paragraphe suivant, consacré à la traduction et au doublage. Si l'on perd la qualité des doublages originaux interprétés par des acteurs connus dans la version japonaise, pas d'inquiétude : les doubleurs français ont fait globalement un bon boulot, et il en va de même pour les traductions des textes et des énigmes. Et justement, dans ce troisième épisode, un nombre important d'énigmes (qui mettent en scène, d'une manière ou d'une autre, une ou plusieurs lettres de l'alphabet) étant relatives à la langue, cela a nécessité un gros travail de traduction et surtout d'adaptation pour la localisation (un paquet d'énigmes ont dû être réécrites du tout au tout). Enfin, un petit mot sur la bande-son, toujours composée par le talentueux Tomohito Nishiura : elle reprend nombre de musiques de la série, tout en accueillant un nouveau thème magnifique pour ce troisième épisode. J'oubliais presque de mentionner la bonne durée de vie du titre (plus ou moins 15 heures, et jusqu'à 20 avec les bonus de fin de jeu) : un sans faute.
Les aventures de l'inséparable duo londonien Layton et Luke concluent la première trilogie de la série de la plus belle des manières. On peut dire que Professeur Layton et le Destin Perdu fait au moins aussi bien que ses deux prédécesseurs, sinon mieux sur la plupart des aspects primordiaux : qualité d'écriture et variété des énigmes, originalité/mise en scène de l'histoire, rythme de la narration et, plus globalement, équilibre entre aventure, exploration et énigmes. Malgré quelques rebondissements scénaristiques abracadabrantesques, l'histoire se laisse apprécier sans accroc du début à la fin. Et si quelques énigmes restent tirées par les cheveux ou dont l'énoncé est clairement sujet à débat, l'écrasante majorité des problèmes proposés est réussie. S'il y a un Professeur Layton à faire, c'est celui-ci.