Ca y est ! Il en aura fallu des mois de retard, mais il est enfin arrivé. Magna Carta, le beau, le reluisant RPG coréen traduit en français qui plus est. L’utopie n’est plus, mais gardons un minimum la tête froide.
Ah, il est loin le temps où le RPGiste européen était une espèce montrée du doigt qui se cloîtrait chez lui avec sa cartouche US de
Mother 2. Car si le genre, le RPG console donc, existe depuis 1986 au Japon, il aura fallu attendre près de 20 ans et un cataclysme nommé
Final Fantasy VII pour goûter aux côtés nobles du jeu vidéo (dixit certains) sans passer par l’import. Que de chemin parcouru donc ! Si certaines licences restent encore si lointaines comme
Sakura Wars ou quelques
Tales of, il faut avouer que les temps ont changé et personne n’aurait pensé, même il y a cinq ans, que nous allions trouver dans les étalages français du
Shin Megami Tensei,
Disgaea,
Atelier Iris ou, et là chapeau bas, du RPG coréen. Encore merci à 505 Games Street et
Codemasters de nous offrir un tel cadeau.
Jouer du côté Dark ?
Parce que nous ne sommes pas obligatoirement tous fanatiques de RPG sur Windows Japonais, il serait bon de faire un petit rappel sur
Softmax, une des plus grosses sociétés coréennes en matière de jeux vidéo créée en 1994. Alors qu’elle parvenait déjà à percer avec des titres comme Lychnis (un Ys-like) et Sky & Rica (un shoot’em up mignon), la boîte explose vraiment en 1995 à la sortie de
War of Genesis, premier épisode d’une série de Tactical à succès dont le troisième opus leur vaudra de recevoir une foultitude de récompenses, dont le prix du meilleur jeu de l’été 99, ainsi que le grand prix du jeu du mois décerné par le Ministère de la Culture et du Tourisme. Loin de s’arrêter en si bon chemin et ne souhaitant pas probablement pas se cantonner à l’univers PC,
Softmax crée une branche au Japon (qui gardera le même nom) chargée jusqu’à maintenant des portages PC/consoles comme l’a laissé entrevoir celui de
The Rhapsody of Zephyr sur Dreamcast et Playstation 2, dont la qualité ne faisait aucun doute sauf pour les puristes qui criaient au scandale face au changement de design des personnages.
Vous l’aurez donc compris,
Magna Carta est originellement un jeu PC qui rencontra également un vif succès en Corée grâce à un système de jeu très « console » : un graphisme d’une finesse exemplaire et surtout un chara design magnifique, parfois à la limite de l’érotique, mais on ne s’en plaindra pas. Parlons un peu du scénario, bien plus complexe qu’il peut laisser paraître : l’histoire du jeu prend place sur les terres d’Efferia, continent verdoyant s’il en est, et surtout teinté de paix où prospère le peuple Yason, de véritables humains ayant pour seule caractéristique distincte leurs oreilles pointues légèrement plus grandes que la normale. Parallèlement à ce paradis perdu, et donc de l’autre côté du monde, la race humaine est à la limite de l’anéantissement total à cause d’une maladie mortelle incurable. Pourtant, contre toute attente, un nombre important d’entre eux parvient à en réchapper en fuyant à travers mers et océans pour finalement échouer sur Efferia. Les années passent et les Yasons ont laissé une partie du continent à leurs nouveaux colocataires afin qu’ils puissent y vivre tranquillement, sans pour autant que les deux races se mélangent, mais seulement, incarnant encore une fois le virus de cette planète, les humains se reproduisent à un rythme effréné, si bien que leur territoire augmente sans cesse au point de cloîtrer les Yasons dans un endroit infime. Révoltés, ces derniers commencent à ne plus tenir en place et face au manque de diplomatie des humains, une guerre sanglante finira par éclater, une guerre qui ne prendra fin que lorsque qu’un groupe de guerriers humains s’emparera du pouvoir de l’arbre des lumières Yasons. Toutefois, certains ne faiblirent aucunement malgré l’absence de l’arbre et redoublèrent de puissance pour fonder les Blast Worms, une unité spéciale sous les ordres de la reine Amila du royaume Yason, qui retourna la situation à leur avantage. Dans cet holocauste sans pareil, vous incarnez l’humain Calintz, capitaine des forces d’élite Tears of Blood, dont le principal but est d’éliminer les Blast Worms et de reprendre le contrôle sur Efferia.
Ce qui frappera le joueur après quelques minutes de jeu, c’est la maturité palpable des différents protagonistes. Ici, pas de niaiserie à la
Tales of Symphonia : c’est la guerre, la vraie. Chaque personnage est donc hautement intéressant et ne révélera les détails de son passé qu’en avançant dans le jeu, mais leur principale idéologie est claire, et ce, dès le début de l’aventure : la destruction pure et simple du peuple Yason. Calintz, le héros donc, a vu son village et ses amis se faire annihilés par les Blast Worms ; Azel a également vu ses proches mourir sous les attaques ennemies et ne doit sa vie qu’à Calintz, qui n’a à l’époque pas hésité à le sauver ; Eonis est orpheline (toujours les Yasons…) et travaille avec acharnement pour devenir mage de haut niveau et mettre fin à la guerre ; Haren est une brute épaisse qui tue par vengeance depuis le meurtre de sa fiancée ; Chris et Maya ont également vu leurs familles se faire assassiner et si le premier supporte la chose comme il le peut, la jeune Maya fut si traumatisée qu’elle en est devenue muette, ce qui ne l’empêche pas néanmoins d’être une experte en différentes magies. La personne la plus intéressante du groupe restera Reith, dont le charme et l’intérêt reposent sur son amnésie. Hormis son nom, elle ne sait rien ni d’elle-même, ni de la situation politique qui ravage le monde dehors. Un élément qui enclenchera des dialogues paradoxaux, dans lesquels l’incompréhension de la jeune fille se dressera face à la détermination des Tears of Blood : mais pourquoi continuer cette guerre au final ?
Trinity System, Detect Mode, Zone de Chi… Argh !
Le jeu se déroule à la manière d’un RPG classique, plus particulièrement de
Final Fantasy X pour ses déplacements dans de jolis « couloirs colorés » aux embranchements assez peu nombreux, avec finalement comme seule différence l’absence d’indication de la destination suivante sur la Map en haut à droite de l’écran. Pas de carte du monde donc, hormis le bout de papier qui indiquera plus ou moins votre position. Revenons-en à la Map, qui sera à plus d’un titre votre meilleure amie tant la caméra, gérée automatiquement, ne nous permet pas de voir ce que l’on souhaite : entrée des bâtiments, coffres, personnages importants… Tout est indiqué avec différents points dans ce petit carré bleu sans qui le jeu aurait été bien plus difficile d’accès (déjà que le système de combat se charge de nous faire suer comme nous allons le voir plus bas). Les promenades valent tout de même le coup, les décors étant suffisamment enchanteurs et variés pour décorer notre pèlerinage sans pour autant nous décoller la mâchoire comme l’avait pourtant fait
Final Fantasy X (encore lui) à l’époque. C’est beau sans plus donc, un constat mitigé qui vaut également pour les personnages qui manquent cruellement de textures, notamment au niveau du visage, même si le chara design rattrape le tout. Un mot d’ailleurs sur celui-ci qui en déroutera plus d’un par son côté on ne peut plus androgyne : c’est simple, le héros est une femme… en apparence uniquement. Visage très fin, taille de mannequin, coiffure extravagante, vêtements ornés de plumes et laissant entrapercevoir les cuisses du « monsieur »… Wow tout simplement. Heureusement, les demoiselles n’ont rien d’un camionneur endurci et sont incroyablement féminines, surtout au niveau de la poitrine. On se rattrape comme on peut.
Passons au système de combat qui est probablement l’un des plus durs de l’histoire du RPG. A l’instar d’un
Breath of Fire : Dragon Quarter, les ennemis sont visibles à l’écran et vous pouvez les frapper pour avoir l’avantage… Seulement, il arrivera très souvent que la situation inverse s’applique, car dès que l’ennemi vous apercevra, votre personnage sera bloqué sur place en attendant que l’ennemi vienne lui porter le premier coup. Pire, il existe deux types de déplacements qui influent chacun sur votre champ de visibilité : si vous courez, vote personnage ne verra pas l’ennemi même s’il est à un mètre devant vous et si vous marchez, vous disposerez d’un cercle de vision beaucoup plus large. Faîtes votre choix. Ce que l’on remarque rapidement lors des combats, c’est l’abondance d’informations à l’écran et la platitude de l’action : se déroulant dans une zone assez petite, les batailles vous permettent de vous déplacer où bon vous semble, mais, aussi décevant que ça puisse paraître, les deux équipiers ne bougeront pas un pouce vu qu’ils sont dénués d’IA ! Bref, ils se feront attaquer sans riposter si vous ne prenez pas le contrôle de l’un d’entre eux. Aberrant, à croire qu’un mode multijoueur aurait pu être implémenté. Passons. Deux jauges sont visibles en haut de l’écran, les deux signifiant quand l’attaque sera possible, l’une pour vous, l’autre pour l’ennemi, et plus vos coéquipiers auront confiance en vous (discutez avec eux au niveau des points de sauvegarde pour améliorer votre relation), plus vous pourrez attaquer souvent. Lorsque c’est possible et qu’un ennemi se trouve dans votre champ d’attaque, le Trinity System débutera : un cercle semblable à celui des
Shadow Hearts où sont inscrites trois touches apparaît à l’écran et il suffit d’actionner la première, puis d’appuyer au bon moment sur les deux autres pour réussir l’attaque.
Manquer une seule touche annule l’attaque, alors qu’appuyer exactement au bon moment vous gratifiera d’un petit pourcentage sur votre jauge de furie qui, une fois arrivée à 30%, permettra à un de vos combattants d’enclencher une attaque bien plus puissante qu’à l’accoutumée. Un dilemme se présente alors : vaut-il mieux profiter de la furie dès qu’elle a atteint ses 30% ou atteindre qu’elle atteigne un plus haut score (donc plus puissant) en sachant qu’au moindre échec du Trinity System, elle reviendra à zéro ? Vous arrivez à suivre ? Bien, car nous attaquons maintenant le haut du pavé avec le système de Chi, à obligatoirement prendre en compte si vous voulez avancer dans le jeu. Comprenez bien que le Chi représente les huit éléments de ce monde et est donc présent partout de manière parfaitement logique (soyez près d’une rivière et l’endroit sera chargé de Chi d’eau alors que le Chi de Terre l’emportera dans une caverne). Dans l’instance, rien de compliqué vu que des dizaines de lanternes sont dissimulées dans le monde pour indiquer le Chi de chaque zone, c’est dans les combats qu’il faudra être prudent, car, les monstres étant dans la plupart des cas du même élément que la zone en question, vous devrez calculer à l’avance si vos personnages (surtout les mages) auront le dessus. Car, comme tout RPG qui se respecte, les Chi (étant donc les magies du jeu pour ceux qui n’auraient rien compris) s’opposent ou peuvent être en adéquation l’un à l’autre. Ainsi, au début du jeu, lorsque vos personnages n’auront qu’un seul Chi (les attaques armées en utilisent également), il faudra faire attention de ne pas tomber malencontreusement dans une zone où les ennemis pourraient avoir le dessus sur vous sans que vos attaques ne les atteignent vraiment. Vous pourrez heureusement anticiper ce problème en déposant dans une lanterne un talisman particulier pouvant changer le Chi de toute la zone et ainsi prendre le dessus sans mal. Dernier détail, lors d’un combat, chaque Chi a son propre réservoir, toujours en rapport avec la zone, qui s’usera à mesure des coups attitrés jusqu’à ne plus pouvoir attaquer avec cet élément. Seule solution alors, changer le Chi du combattant (s’il en a plusieurs) ou carrément changer de personnage pour laisser reposer le premier, voire en terminer rapidement avec le combat et vous reposer via la touche carré : votre personnage reprendra son souffle au risque de se refaire attaquer quelques secondes plus tard.
Aïe, mes oreilles !
Soufflons un peu après ces quelques explications et attaquons les derniers détails comme la difficulté vraiment aléatoire de l’aventure. Sans parler des différentes heures passées à comprendre le système, il faut avouer que le jeu peut paraître d’abord d’une facilité étonnante du fait que votre équipe peut regagner ses HP à n’importe quel moment (voir un peu plus haut) avant de nous faire baisser les bras face des adversaires trop forts capables de nous balayer en quelques coups. Toujours au niveau des défauts, signalons également l’abondance de temps de chargement, présents même en plein combat (juste avant chaque attaque), n’améliorant pas vraiment la lenteur de ses derniers. Un mot également sur la traduction qui, si elle est de qualité au niveau des textes (en français, nous ne le dirons jamais assez), nous laissera bouche bée à l’écoute du doublage (anglais) qui est probablement l’un des pires de l’histoire du RPG, détruisant complètement certains personnages comme le vieux maître de Calintz, dont la voix rappelle celle des commentateurs sans vie de vieux documentaires sur les dinosaures. Très déroutant.