Alors que l’avenir semblait sombre pour les fans d’infiltration l’année dernière à la même époque, entre la « fin » de MGS, l’absence de nouvelles sur la série Splinter Cell et un IO à l’avenir incertain, force est de constater que les derniers mois de cette d’année 2018 sont porteurs d’espoirs avec un Hitman 2 automnal et le remastering du meilleur jeu d’infiltration 2D de tous les temps (oui, rien que ça), à savoir Mark of the Ninja. Originellement réservé aux supports PC et Xbox 360 (via le Xbox Live Arcade), le titre des canadiens de Klei inonde aujourd’hui la nouvelle gen’ de toute sa classe tactique.
MotN vous place donc dans la peau d’un apprenti ninja, dont l’ancestral clan est attaqué par un conglomérat moderne. Après avoir libéré vos compagnons prisonniers, vous vous lancez à la poursuite des coupables, en ayant pris soin de vous faire tatouer via une encre spéciale : si elle vous octroiera des pouvoirs surhumains, elle fait aussi basculer dans la folie les porteurs de ces marques. Mais la situation étant grave, le sacrifice semble acceptable pour le protagoniste.
Un scénario animé :
Outre les dialogues avec votre accompagnatrice, ou les rouleaux historiques récupérés dans les niveaux (et bien planqués), le titre utilise des séances animées afin de narrer son histoire (en 60 ips comme le reste du jeu, hors Switch où les séances de gameplay sont en 30 images par seconde), avec le style visuel propre à Klei, bien que les contours et plus généralement l’aspect cartoon soient plus prononcés que sur des titres comme Invisible Inc. Les illustrations sont dues aux pinceaux de Jeff Agala, déjà à l’œuvre sur Shanks, Don’t Starve ou encore le récent Oxygen not Included.
Le titre se présente donc comme un jeu d’infiltration en 2D dans des environnements citadins (pour la majeure partie de l’aventure, bien que leurs influences varient entre Occident et Orient), découpé en niveaux aux multiples objectifs (optionnels mais vous permettant d’établir de meilleurs scores, d’obtenir des badges et de vous octroyer ainsi une sorte de monnaie utilisable pour débloquer de nouveaux mouvements et de nouveaux accessoires), où vous passerez l’essentiel de votre temps à abuser de la verticalité des environnements, tout en avançant à pas (ou pattes) de loups dans la pénombre afin d’échapper aux oreilles et aux regards inquisiteurs.
Votre
shinobi est capable de sauter, d’attaquer les ennemis (si possible
de manière discrète, les affrontements directs n’étant pas votre point fort), d’utiliser un grappin pour s’accrocher à différents endroits, de s’accrocher et de se déplacer sur les murs (ainsi que certains plafonds), de se cacher dans certains éléments du décor (c’est bien connu, les
ninjas sont comme les chats, un vase leur suffit) et possède divers objets fort utiles pour se faufiler discrètement dans les complexes à explorer : vous disposerez par exemple de fléchettes (pour détruire les sources de lumières ou encore les compteurs électriques de certains systèmes de sécurité), de fumigènes (pour obstruer le champ de vision des ennemis, rendre inoffensifs les rayons lasers mortels rencontrés…), de mines, de gadgets sonores pour détourner l’attention des adversaires soumis à leurs champs d’action et autres accessoires garantissant une infiltration optimum et discrète.
Pagodes, bâtiments industriels, coupoles byzantines… Les développeurs ont réussi à introduire suffisamment de variété pour donner l’impression d’un véritable voyage.
Si les premiers pas ne vous demanderont pas vraiment d’utilisation de capacités ou accessoires, il n’en sera pas de même sur la fin de vos aventures : le jeu est en effet conçu avec une véritable évolution et renouvellement de
gameplay, et les zones d’apprentissage des débuts cèdent vite place à des tableaux où il va falloir non seulement mettre à profit les susnommés outils mais aussi réfléchir et agir de manière intelligente (à moins que vous ne soyez un dieu du
pad ayant décidé de jouer austèrement, ce qui reste possible). Le titre se réinvente en effet sans cesse et vous jette dans les pattes de nouvelles situations pour le plus grand plaisir de la variété et de l’amusement du joueur.
Les premiers niveaux ne comportent donc pas vraiment de difficultés mais plus l’on progresse et plus des éléments viennent entraver le
run discret et parfait: gaz létaux, plateformes branlantes, orages illuminant toute la zone et vous-même donc lorsque ses éclairs tonnent, éclairages blindés, rayons lasers vous demandant de jouer à Spiderman pour les débrancher (vous pouvez en effet vous suspendre à certaines plateformes et descendre le long de votre filin), nouveaux ennemis aux capacités améliorées, avec des cônes de visions élargies ou spéciaux… Du classique mais en nombre, agencé parfaitement et parfois surprenant : des éléments typiques des jeux de plateforme ne manqueront pas par exemple, et certains niveaux bonus (un
torii bien planqué vous permet d’y accéder) n’auraient pas dépareillé dans les ténors du genre.
De manière générale, la synergie du
level-design et du
game-design est le gros point fort du titre, avec à votre disposition toujours plusieurs chemins d’accès et plusieurs approches actives possibles pour un même objectif. Vous pourrez tout à fait tracer mais le système de badges (la monnaie citée en début de test) encourage l’exploration et l’expérimentation: entre les parchemins, les reliques et les divers objectifs optionnels, chaque niveau dispose de recoins ou façons d’agir aisément omis par les moins fouineurs et/ou plus directs d’entre nous.
Le jeu vous demandera par exemple à un certain moment de terroriser vos ennemis pour obtenir un badge : cette mécanique, assez originale, peut aisément être mise de côté durant toute l’aventure ou totalement occultée pour les plus discrets d’entre nous. Si vous lancez un cadavre sur un vivant, si vous laissez en évidence un pendu (pouvoir de pendaison que vous devrez préalablement débloquer), les soldats de base auront tendance à prendre peur et mitrailler dans tous les sens, au risque de tuer leurs collègues.
Différents mécaniques de danger seront ajoutées progressivement, jusqu’à la toute fin du jeu, avec un renouvellement suffisant pour ne pas introduire de sentiment de répétition.
Toutes ces possibilités demandent une clarté maximum afin de ne pas perdre le joueur en cours de route et qu’à chaque instant, il soit en mesure d’appréhender les dynamiques et prendre des décisions judicieuses. Fort heureusement, la lisibilité de l’action ou des environnements est exemplaire grâce à une interface utilisateur particulièrement réussie. La non-visibilité de votre personnage par les ennemis est par exemple indiquée en le rendant intégralement noir avec ses traits en blanc. C’est simple mais ça fonctionne à merveille, le tout étant en outre esthétique et en adéquation avec une certaine vision romantique des
ninjas. Les différentes phases et durées de comportement des ennemis sont indiqués par des pictogrammes aux couleurs universelles entourés d’un cercle temporel (oranges pour l’interrogation, rouges lorsque les choses chauffent réellement), les différents points d’accroche de votre grappin apparaissent (toujours via un pictogramme) dès lors que vous pouvez les utiliser, les chemins d’aération accessibles sont en surbrillance…
Vous ne serez jamais pris à défaut par une confusion entre ce sur quoi il est possible d’interagir et les simples décors, et chaque mort ne sera donc du qu’à votre gourmandise excessive, la maniabilité du titre étant rarement prise en défaut, hors
joy-cons à la course ridiculement courte (et à la sensibilité trop élevée conséquemment) et quelques mouvements de transition entre différentes faces des objets cubiques. Votre ninja se contrôle donc quasi parfaitement et vous pourrez même bénéficier d’une sorte de pause temporelle lorsque vous souhaitez utiliser vos accessoires, afin de garantir une visée non atténuée par l’urgence et la panique de la situation.
Bien que l’aventure soit bouclée assez rapidement, les défis annexes permettent de prolonger le plaisir. Il existe aussi un mode NG+, plus ardu avec la disparition de nombreuses aides bien que vous conserviez les pouvoirs et accessoires débloqués.
Au niveau graphique, pour peu que la DA ne vous rebute, vous devriez en prendre plein les mirettes grâce à son style efficace et ses sublimes arrières-plans. La palette de couleurs utilisées et différents effets météorologiques, dans un jeu où vous passerez un bon tiers de votre temps dans de sombres soupiraux, permettent d’introduire un peu de
fantaisie et de
variation à ce qui tournerait vite en rond en cas contraire. Si l’utilisation d’éléments floutés vous rebute, sachez que vous risquez d’avoir beaucoup de mal avec le jeu : les zones hors de portée de la perception de votre protagoniste subissent en effet toutes ce
procédé. Les animations sont le gros point fort du titre, avec un
punch qui permet même à des actions anodines (comme ouvrir une porte) de transpirer la classe à grosses gouttes.
La
bande-son est en adéquation avec la partie visuelle du titre : soignée, efficace, avec des bruitages à la fois pêchus et utiles au
gameplay.
Il n’y a pas grand-chose à redire sur
MotN : le titre a bénéficié de l’attention du détail habituelle chez
Klei et d’une alchimie parfaite de ses différents composants. A l’image des autres jeux du studio, les différentes possibilités offertes au joueur lui offrent un sentiment de liberté d’approche gratifiant. La somme est plus impressionnante que les parties qui la composent, signe d’une réussite vidéoludique qu’il serait dommage de manquer, à fortiori si vous êtes fan du genre.
A noter que si vous possédez le jeu original sur
PC et
X.360, vous ne devrez débourser que 5€ pour obtenir cette nouvelle version dans les écosystèmes correspondants. Et si vous possédiez le DLC en plus du jeu de base, vous n’aurez
rien à dépenser du tout. Un beau geste qu’on aimerait voir se démocratiser à l’avenir…

Mark of the Ninja était une réussite il y a 6 ans. Force est de constater qu’il n’a pas pris une ride et qu’il est toujours le meilleur jeu d’infiltration 2D existant (vous me direz, la concurrence est quasi inexistante…). Pour tous ceux qui ne connaitraient pas le titre, vous avez là un indispensable du genre, qui vous garantit au minimum une dizaine d’heures de pur plaisir, entre ses niveaux plus complexes qu’il n’y parait, la variété de ses situations, ses différents objectifs optionnels et tout simplement le plaisir retiré à cette avancée dans la pénombre. Cette version remastered bénéficie en outre de nombreux ajouts appréciables, entre les commentaires des concepteurs du jeu, la présence du DLC d’office, une bande-son améliorée et des graphismes, auparavant en 720p, qui s’affichent maintenant dans les plus grandes résolutions possibles. Pour tous ceux qui découvrent le titre, c’est donc un bon gros 8/10, auquel les fans d'infiltration peuvent même ajouter un point.

Les points Tokugawa:
- Toujours aussi amusant, n’a pas pris une ride
- Level-design touffu permettant diverses approches
- Les divers ajouts de cette version remastered
- Traduction française disponible
Les points Nobunaga:
- 30 ips sur Switch (ultra stable cependant)
- Quelques niveaux supplémentaires n’auraient pas été de refus
- Euh… C’est tout
Captures d’écran effectuées sur la version Switch. Le jeu vaut 20 balles et est dispo de partout (PC, PS4, X.One, Switch, TI-86...)
Yep !