Xenoblade Chronicles, le RPG le plus attendu sur Wii donne une nouvelle fois des nouvelle grâce a Vol.1 de Iwata demande : L'audio.
1. Six musiciens ensemble
Iwata :
L’interview d’aujourd’hui se déroule dans les bureaux de Monolith Soft1, à proximité de la gare de Nakameguro, à Tokyo. J’ai d’ailleurs habité 5 ans à Nakameguro. J’y ai loué un appartement de ma 4e année d’université jusqu’aux premières années après l’obtention de mon diplôme.
1 Monolith Soft : Monolith Software Inc. est un studio de développement de logiciels fondé en 1999. Outre la série Xenosaga, cette société a développé des jeux tels que Disaster: Day of Crisis pour Wii et Soma Bringer pour Nintendo DS.
Tous :
Vraiment ?
Iwata :
Tous ces gratte-ciel n’existaient pas à l’époque. Je suis vraiment surpris de voir combien le quartier autour de la gare a changé. Cela faisait longtemps que je voulais revenir dans mon ancien quartier. Toujours est-il que je vous remercie d’être venus aujourd’hui.
Tous :
Merci.
Iwata :
Eh bien, Takahashi-san, vous avez de nombreux titres à succès à votre actif. Cette fois, vous étiez réalisateur, n’est-ce pas ?
Takahashi :
C’est vrai. J’ai participé à toutes les étapes du développement du jeu, du concept de départ et de la rédaction du scénario à la phase de débogage.
Iwata :
Au cours de cette interview, je vais m’entretenir avec l’équipe qui a composé la musique de Xenoblade Chronicles. Pourriez-vous commencer par nous parler un peu des musiciens rassemblés ici ?
Takahashi :
Bien sûr. Une équipe de 6 personnes était chargée de tout l’audio de ce jeu. Vous avez à mes côtés Shimomura-san, puis Mitsuda-san...
Iwata :
Vous vous connaissez depuis longtemps, n’est-ce pas ?
Takahashi :
Oui, c’est vrai. Surtout Mi-chan (Mitsuda) avec qui je travaille depuis une quinzaine d’années...
Iwata :
Mi-chan ? (rires) Vous appelez Mitsuda-san, Mi-chan. Je me demande bien comment il peut vous appeler Takahashi-san ?
Mitsuda :
Taka-san.
Iwata :
Donc, nous avons Mi-chan et Taka-san... Je vois ! (rires)
(Note de la rédaction :
au Japon, les amis proches ajoutent parfois « chan » à une partie de leur nom quand ils se parlent et les parents font de même quand ils s’adressent à leurs enfants ou les mentionnent dans une conversation. Le fait d’ajouter « san » à une partie du nom indique une certaine intimité et du respect, tandis que l’ajouter au nom ou au prénom entier est plus formel.)
Takahashi :
Tout à fait ! (rires) Étant donné que c’est un jeu « Xeno »2, c’est en partie pour ça que j’ai demandé à Mi-chan de composer la musique de l’épilogue.
2 «
Xeno » était dans le titre de deux jeux de rôle que Tetsuya Takahashi a réalisés : Xenogears ( 1998 ) et la trilogie Xenosaga ( 2002-2006 ). Yasunori Mitsuda fut chargé de la musique de Xenogears et de Xenosaga Episode I: Der Wille zur Macht.
Iwata :
Comme vous aviez utilisé « Xeno » dans le titre, vous vous êtes dit que le jeu devait se terminer sur un morceau de Mitsuda-san.
Takahashi :
Exactement. Mi-Chan était seul capable de composer ce dernier morceau de la plus grande importance. J’avais eu l’occasion de travailler avec Mi-chan à de nombreuses reprises et j’ai toujours senti que la musique jouait un rôle rédempteur. C’est pour cette raison que je lui ai demandé de travailler sur ce passage vital.
Iwata :
Qu’est-ce que cela vous fait d’entendre dire que votre musique « jouait un rôle rédempteur », Mitsuda-san ?
Mitsuda :
... Eh bien, ça me fait plaisir. Bien sûr. C’est très simple. Je pense vraiment que c’est en combinant la vision, l’ouïe et la sensation de la manette dans les mains que l’on apprécie les jeux. Pour moi, il est nécessaire de faire de la musique un élément important qui s’agrège aux images et à l’histoire, augmentant ainsi la réponse émotionnelle du joueur.
Takahashi :
Avec Shimomura-san, c’était la première fois que nous avions l’occasion de travailler directement ensemble.
Iwata :
Mais vous vous connaissez déjà, n’est-ce pas ?
Takahashi :
Oui. Nous travaillions tous deux chez Square (devenu Square Enix) à la même époque, mais nous ne nous connaissions pas vraiment.
Iwata :
C’était donc la première que vous collaboriez effectivement.
Shimomura :
Oui, c’est ça.
Takahashi :
Pour Xenoblade, je voulais explorer de nouvelles idées sans me sentir confiné par l’idée préétablie de ce que doit être un jeu de rôle. Cela valait également pour l’audio du jeu et je souhaitais créer une atmosphère différente des jeux sur lesquels j’avais travaillé auparavant. J’ai donc demandé à Shimomura-san de composer des morceaux, parmi lesquels le morceau d’ouverture et le thème musical.
Iwata :
Shimomura-san, vous travailliez avec Takahashi-san pour la première fois ? Qu’avez-vous ressenti ?
Shimomura :
Je partais avec l’idée que Takahashi-san serait quelqu’un de difficile avec qui travailler et j’étais plutôt nerveuse à l’idée qu’il me demande des choses très compliquées. Cela n’a pas du tout été le cas quand nous avons effectivement travaillé ensemble. Il avait une idée très claire de ce qu’il voulait dans son jeu. Autrement dit, si je bâclais un passage en me disant : « J’aimerais faire ça comme ça, mais je n’ai pas le temps. Je vais faire autrement et on repassera plus tard », il s’en apercevait aussitôt.
Iwata :
J’ai déjà entendu des retours de ce genre chez Nintendo. Si quelqu’un éreinte un projet dont vous n’êtes pas entièrement sûr, cela a de quoi surprendre. En même temps, vous avez l’impression que cette personne comprend ce qu’il est nécessaire de faire.
Shimomura :
C’est tout à fait ça. J’avais l’impression qu’il voyait clair en moi, comme s’il faisait vraiment attention. C’est pour cette raison que j’avais vraiment confiance en lui et que j’ai aimé travailler sur ce projet.
Takahashi :
C’était aussi la première fois que je travaillais avec Kiyota-san et les trois membres de l’équipe Ace+. J’ai demandé à Dog Ear Records3 de participer à la composition de la musique une fois encore et ils m’ont suggéré de faire appel à une très bonne équipe qu’ils connaissaient. J’ai demandé à Kiyota-san de travailler sur les morceaux pour les événements et les déplacements tandis qu’Ace + était chargé d’autres passages, les musiques de combats par exemple.
3
Dog Ear Records est un label musical créé par Nobuo Uematsu en 2006. Cette société compose des musiques pour des jeux et a travaillé sur la série Final Fantasy.
Iwata :
Merci de nous avoir rejoints. Avant que nous parlions de Xenoblade Chronicles, pourriez-vous nous expliquer comment vous vous êtes retrouvés à composer des musiques pour les jeux vidéo ? Commençons par vous, Shimomura-san.
Shimomura :
OK. Eh bien, je vais devoir me remémorer de mauvais souvenirs. À l’époque où j’étudiais le piano, j’étais accro à Super Mario Bros.4 et je ne pouvais pas décrocher, y jouant toute la nuit. Un jour, je suis allée à un important cours de piano et mon professeur m’a demandé pourquoi je ne pouvais pas bouger les mains...
4
Super Mario Bros. est un jeu de plates-formes pour Famicom commercialisé au Japon en septembre 1985.
Tous :
(rires)
Shimomura :
J’ai été honnête et je lui ai dit que j’avais joué toute la nuit, ce à quoi mon professeur a répondu que si j’aimais tant les jeux, je devrais m’orienter vers ce domaine. À l’époque, je n’avais pas du tout pensé à l’industrie du jeu vidéo. Puis, mon diplôme obtenu, je me suis retrouvée à travailler dans le monde du jeu vidéo en un rien de temps. (rires)
Iwata :
Vous aimiez donc les jeux à ce point ! (rires) Vous avez ensuite composé des morceaux pour Street Fighter II5 et de nombreux autres jeux ensuite. Vous avez travaillé sur des jeux Nintendo tels que Super Smash Bros. Brawl6, pour lequel vous étiez chargée des arrangements, et Mario & Luigi: Superstar Saga7.
5
Street Fighter II est un jeu de combat développé par Capcom. Sorti sur les bornes d’arcade en 1991, il a ensuite été commercialisé sur Super Famicom au Japon en juin 1992.
6
Super Smash Bros. Brawl a été commercialisé sur Wii au Japon en janvier 2008. Il s’agissait du troisième opus de cette série de jeux de combat.
7
Mario & Luigi: Superstar Saga est un jeu de rôle-action pour Game Boy Advance commercialisé au Japon en novembre 2003.
Shimomura :
C’est vrai. Je crois avoir vraiment eu de la chance. J’ai réussi à me faire une place dans le monde du jeu alors que je n’avais presque aucune expérience en tant que compositrice. Au départ, j’avais pensé que cela durerait deux ou trois ans, mais, finalement, grâce au soutien de plusieurs personnes, j’ai réussi à faire une carrière assez longue.
Iwata :
Passons à vous, Mitsuda-san.
Mitsuda :
Eh bien, ça remonte à l’époque où j’étais à l’université. J’étais toujours chargé des bruitages au théâtre.
Iwata :
Ainsi, vous avez donc plutôt une formation de bruiteur de scène ?
Mitsuda :
C’est bien ça. Une bonne partie de mes amis étaient acteurs, j’écrivais des chansons pour des pièces et réalisais des bruitages. Je faisais ça en plus de mes études quand j’étais au lycée. Ensuite, par hasard, quelqu’un qui était un véritable mentor pour moi a trouvé un poste chez Enix (devenu Square Enix) et je l’ai aidé pour les effets sonores. Puis, quand on m’a demandé où je voulais travailler, j’ai répondu que je n’y avais pas réfléchi. À ce moment-là, je parcourais un magazine de jeux vidéo qui se trouvait là et j’ai vu que Square recrutait. Mon mentor m’a conseillé d’essayer et j’ai été embauché.
Iwata :
C’est donc un coup de chance si vous vous êtes retrouvé à travailler pour Square.
Mitsuda :
C’est le cas, mais j’ai toujours aimé les jeux.
Iwata :
Le destin vous joue souvent des tours ? Quand vous réalisiez des bruitages pour le théâtre, utilisiez-vous des ordinateurs ?
Mitsuda :
Oui. J’aimais bien les ordinateurs et je m’en servais pour réaliser des sons. Cependant, comme je n’avais jamais réalisé que des bruitages, on ne m’a pas laissé composer de morceaux à mes débuts chez Square. Je voulais pourtant essayer et j’ai convaincu Hironobu Sakaguchi-san8 de me confier Chrono Trigger9.
8
Hironobu Sakaguchi a créé Final Fantasy. Il est le PDG de Mistwalker Corporation. Il a réalisé The Last Story, jeu pour Wii commercialisé au Japon en janvier 2011.
9
Chrono Trigger est un jeu de rôle pour Super Famicom commercialisé au Japon en mars 1995. Édité par Square (devenu Square Enix), ce jeu a fait l’objet d’un portage sur Nintendo DS au Japon en novembre 2008.
Takahashi :
J’étais responsable des graphismes sur Chrono Trigger.
Iwata :
Et depuis, Mi-chan et Taka-san travaillent ensemble.
Mitsuda :
C’est vrai. Dit comme ça, je me rends compte que cela fait longtemps que je travaille avec Taka-san. Après Chrono Trigger, j’ai poursuivi la composition et j’ai continué à travailler sur des jeux. J’ai vraiment de la chance et je vous en suis tous reconnaissant.
2. Vers un objectif commun
Iwata :
Donc Kiyota-san, vous vous êtes retrouvée sur ce projet suite à une proposition de quelqu’un travaillant sur le projet.
Kiyota :
Exactement. Jusque-là, j’avais eu quelques expériences dans ce domaine, telles que travailler sur la musique pour PokéPark Wii10 ou chanter la chanson d’ouverture de Glory of Heracles11.
10
PokéPark Wii: La grande aventure de Pikachu est un jeu d’action-aventure pour Wii commercialisé au Japon en décembre 2009. Il a été édité par The Pokémon Company.
11
Glory of Heracles est un jeu de rôle pour Nintendo DS commercialisé au Japon en mai 2008.
Iwata :
Vous ne composez pas seulement des chansons. Vous chantez aussi.
Kiyota :
C’est exact. Quand Dog Ear Records m’a demandé si cela me disait de composer des morceaux, j’ai aussitôt levé la main et dit que j’étais partante. Je me suis donc plongée dans ce projet.
Iwata :
Vous semblez vraiment heureuse ! (rires)
Kiyota :
Oui, je le suis... ! (rires) Le fait est que j’aime les jeux vidéo depuis mon enfance et, au collège, je jouais aux jeux sur lesquels Mitsuda-san et Shimomura-san avaient travaillé. C’est pour cette raison que je suis si heureuse d’avoir pu travailler avec eux sur ce jeu.
Iwata :
Et aujourd’hui, vous êtes à la même table qu’eux...
Kiyota :
J’en rougis de plaisir ! (rires)
Iwata :
(rires) Je vous demanderai un peu plus tard comment vous avez travaillé, mais je me tourne d’abord vers Ace+. CHiCO-san, pourriez-vous nous présenter l’équipe de trois personnes dont vous faites partie ?
CHiCO :
Bien sûr. Avec Tomori-kun qui est à côté de moi, nous avons créé une unité appelée Ace. Ensuite, si vous ajoutez Hiramatsu-kun à cette unité...
Iwata :
... Vous êtes devenus Ace+.
CHiCO :
Tout à fait ! Cette fois-ci, nous avons travaillé sur une base de trois. Je viens du théâtre et je choisissais les musiques qui passaient lors de nos représentations, en plus de jouer. Je me suis mise à la composition, car mes musiques collaient mieux à la trame et à l’histoire que les morceaux existants et c’était bien plus rapide de les composer. J’ai ensuite glissé peu à peu du monde du théâtre à celui de la musique et j’ai travaillé pour un studio de musique. Le président m’a alors demandé si ça m’intéresserait de composer une musique pour un jeu vidéo. Le premier sur lequel j’ai travaillé était Minna de Tamagotchi12. J’ai continué à travailler pour les jeux vidéo et, en plus de composer des musiques, j’ai également chanté sur le morceau principal de Luminous Arc 3: Eyes13 que Mitsuda-san a produit.
12
Tamagotchi 64: Minna de Tamagotchi World est un jeu de groupe développé pour Nintendo 64 par Bandai et commercialisé uniquement au Japon en décembre 1997.
13
Luminous Arc 3: Eyes est un jeu de rôle tactique pour Nintendo DS édité par Marvelous Interactive et commercialisé au Japon en décembre 2009.
Iwata :
Minna de Tamagotchi est sorti sur Nintendo 64, cela fait donc un certain temps maintenant.
CHiCO :
Oui. Cela remonte à environ 13 ans. Je crois avoir toujours travaillé sur des musiques de jeu depuis.
Iwata :
Et vous, Tomori-san ?
Tomori :
Eh bien, mon histoire ressemble à celle de CHiCO. Au départ, je suis guitariste et, comme CHiCO, j’ai travaillé sur la musique de Minna de Tamagotchi. Depuis, je me suis principalement consacré à ce domaine.
Iwata :
Vous ne composez que des musiques de jeux ?
Tomori :
Non, je fais beaucoup de choses. Parfois, j’ai enregistré et d’autres fois, je ne faisais que composer. Désormais, la structure de base est Ace, avec CHiCO, chez Universal Music et, en même temps que les jeux, je continue à composer des chansons pour d’autres artistes et à réaliser des bandes-son pour des films et des publicités.
Iwata :
Vous touchez donc à plusieurs domaines. Terminons avec vous, Hiramatsu-san.
Hiramatsu :
J’ai toujours vraiment aimé les jeux depuis mon enfance. Quand j’étais en primaire, je saisissais les partitions glanées dans les magazines dans un ordinateur chez nous et je m’amusais à composer ma propre musique. Après avoir monté mon premier groupe au lycée, je n’ai pas pu me passer de musique et c’est ainsi que je suis arrivé où je suis aujourd’hui. Outre la composition et les arrangements pour des publicités ou des films, j’accompagne des artistes au clavier et je fais aussi de la programmation sonore. Ayant participé à ce projet, je suis retourné à cette époque où je m’absorbais complètement dans les jeux vidéo et j’ai adoré entendre la musique que je réalise maintenant.
CHiCO :
Mmm... En fait, Hiramatsu-kun est un inconditionnel de Nintendo.
Iwata :
Merci beaucoup ! (rires)
CHiCO :
Je dirais que c’est ce que vous appelez un hardcore gamer. Cela veut dire que lorsque nous travaillions à la musique, il ne réfléchissait pas uniquement dans une perspective sonore, mais il se reportait également aux détails les plus infimes du scénario en disant par exemple : « Cela renvoie en fait à ça... » (rires)
Iwata :
Son rôle dans l’équipe consistait à faire appel à ses grandes connaissances du domaine...
CHiCO :
C’est bien ça ! (rires) C’était un grand plus pour Ace !
Iwata :
Juste par curiosité, combien de morceaux y a-t-il en tout dans Xenoblade Chronicles, Takahashi-san ?
Takahashi :
Il y a environ 90 morceaux.
Iwata :
Vous dites ça nonchalamment, mais c’est un très grand nombre de chansons. Il y a tellement de travail pour composer un seul morceau.
Takahashi :
Vous avez raison. C’est pour ça que nous avons mis six musiciens dessus.
Iwata :
Je vois. Après avoir écouté ce que vous m’avez dit, on s’aperçoit que certains d’entre vous travaillent exclusivement à la composition de musiques de jeux depuis des années, alors que dans le même temps, d’autres ont des intérêts musicaux en dehors du monde du jeu. Je pense que cela vous confère une expérience très étendue. Takahashi-san, pourriez-vous m’en dire plus sur la manière dont vous avez réparti la composition des morceaux pour ce jeu ?
Takahashi :
Eh bien, par exemple, Mitsuda-kun savait les musiques que nous cherchions. En fait, je pourrais même prendre la manière de procéder à l’envers. Il suffisait que je demande quelque chose pour savoir le genre de musique qu’il allait composer. Ainsi, très souvent, il suffisait que je lui indique l’atmosphère que nous cherchions et que je le laisse faire.
Iwata :
Vous le connaissez depuis si longtemps que vous avez senti que vous pouviez le laisser faire.
Takahashi :
Exactement. Cependant, nous avions six musiciens ayant chacun leurs spécialités et leur style sur ce jeu. Je savais qu’en leur laissant carte blanche, la bande-son obtenue serait vraiment bizarre.
Iwata :
C’est exactement ce que je voulais vous demander au début. Quand vous rassemblez des gens qui n’ont jamais travaillé ensemble auparavant, vous devez conserver les talents de chacun tout en ne perdant pas la cohérence globale de la musique... C’est tout de même plus facile à dire qu’à faire, n’est-ce pas ?
Takahashi :
Effectivement. J’ai donc commencé par construire une image claire du type de musique qui collerait à l’ambiance de chaque scène. Même si j’avais peur que cela ne paraisse un peu grossier, je leur donnais des échantillons en disant : « On voudrait une musique dans ce genre pour cette scène. »
Iwata :
Vous utilisiez donc des échantillons de morceaux déjà existants pour communiquer le type d’atmosphère cherché dans la musique.
Takahashi :
C’est vrai. Cependant, au début, je dois dire que les résultats n’étaient pas bons du tout.
Iwata :
Pourquoi donc ?
Takahashi :
Ils étaient bien trop influencés par ces échantillons et ne parvenaient pas à créer une musique différente. C’était donc un processus très prenant. Il fallait sans cesse que je rappelle aux artistes de s’en éloigner et que je leur laisse un espace de création pour qu’ils puissent exprimer leurs propres personnalités tout en les aiguillant vers une même direction pour obtenir un produit final homogène.
Iwata :
Et aviez-vous toujours le dernier mot ?
Takahashi :
Oui, tout à fait.
Iwata :
Mitsuda-san, vous avez travaillé avec Takahashi-san à de nombreuses reprises. J’imagine que vous connaissiez sa façon de faire...
Mitsuda :
Effectivement.
Iwata :
Mais, Kiyota-san et les autres, on vous demandait une musique transmettant un certain sentiment et lorsque vous pressentiez le résultat de votre travail, on vous disait que ça n’allait pas.
Kiyota :
Exactement.
Iwata :
Comment vous sentiez-vous dans ces moments-là ? Vous n’étiez pas inquiète ?
Kiyota :
J’étais vraiment terrifiée ! (rires) Nous envoyions un morceau et nous attendions la réponse par e-mail. C’était un peu comme attendre qu’on affiche vos résultats scolaires sur le panneau d’affichage. Parfois, nous recevions des félicitations et nous étions vraiment heureux...
Iwata :
Ainsi, quand vous receviez des félicitations, vous étiez ravis.
Kiyota :
Mais le plus souvent, ce n’était pas bon.
Iwata :
Dans ce cas, vous n’aviez pas le moral ?
Kiyota :
Eh bien, le fait est que nous avions des délais à respecter et c’est là-dessus que nous nous concentrions. Dans mon cas, je tournais en rond chez moi et j’essayais de me mettre du baume au cœur : « Je vais écrire un bon morceau ! Je vais y arriver ! »
Iwata :
(rires)
Kiyota :
Mais c’était une expérience tout à fait pédagogique, car lorsqu’il refusait nos morceaux, Takahashi-san nous expliquait très clairement et précisément comment nous devions modifier nos musiques.
Iwata :
Diriez-vous qu’il a tiré le meilleur de vous ?
Kiyota :
Je dirais qu’il y a eu des moments de vraie découverte : « Waouh ! J’ai réussi à composer un morceau comme ça ! »
Iwata :
Takahashi-san a donc réussi à révéler des capacités que vous ne pensiez pas avoir.
Kiyota :
Oui, c’est tout à fait ce que j’ai ressenti. Je n’aurais jamais pu composer un morceau devant susciter le malaise. Grâce à tout ce que Takahashi-san a su faire sortir, j’ai pu composer plusieurs titres sur le malaise : « Malaise I », « Malaise II », « Malaise III », etc.
Iwata :
Vous avez réussi à composer une série de morceaux sur le thème du malaise. (rires)
Takahashi :
Eh bien, il existe plusieurs types de malaise. Il y a le malaise extrême, le malaise léger, le malaise qu’on ressent si... Enfin, je pourrais continuer comme ça assez longtemps.
Kiyota :
J’ai également composé des morceaux sur la terreur et l’horreur. Quand vous travaillez sur ce genre de morceaux, vous ne pouvez pas vous empêcher de véritablement entrer dedans. Ainsi, quand vous composez un morceau sur le thème du malaise, vous êtes toujours plus agité jusqu’à ce que vous vous disiez : « S’il refuse ça, je fais une dépression ! »
Tous :
(rires)
Kiyota :
C’est pour cette raison que j’ai tout donné pour parvenir à composer ces morceaux. C’est aussi pour cette raison que je suis vraiment à sec maintenant... (rires)
Tous :
(rires)
3. Le premier jet
Iwata :
Ainsi, Kiyota-san nous a dit qu’elle était complètement à sec. Il serait donc logique de dire que les e-mails de Takahashi-san étaient très brillants et rédigés avec précision afin de tirer le maximum des compétences de chacun ?
Takahashi :
Eh bien, je dois admettre que mon équipe a joué un rôle de modérateur.
Tous :
... Hein !?
Iwata :
Vous voulez dire que vous n’envoyiez pas les e-mails directement, Takahashi-san ?
Takahashi :
C’est vrai. En fait, je crois que si j’avais envoyé directement ce que j’avais écrit, le destinataire ne s’en serait peut-être pas remis...
Iwata :
(rires)
Takahashi :
J’ai une propension à ne pas mâcher mes mots quand je parle de sujets qui me paraissent importants. Je demandais donc à ce qu’on réécrive mon premier jet en l’édulcorant et qu’il soit ensuite envoyé à l’équipe chargée de la musique.
Kiyota/
CHiCO :
D’accord...
Iwata :
Vous découvrez cela seulement maintenant ?
Tous :
Oui.
Takahashi :
... Je ne pouvais vraiment pas leur montrer ces ébauches de mails.
Iwata :
Ils étaient vraiment si durs ?
Takahashi :
... Oui.
CHiCO :
Waouh ! (rires)
Tous :
(rires)
Tomori :
Maintenant que je sais que quelqu’un d’autre écrivait ces e-mails, tout s’explique. C’est vrai. Dans ces mails, j’avais toujours l’impression qu’il ne s’agissait pas de l’opinion d’une seule personne.
CHiCO :
Vous pouviez sentir une certaine frustration dans ces mails... (rires)
Tomori :
Ainsi, même où il y avait un point d’exclamation par exemple, vous vous demandiez : « Je me demande bien ce que ce point d’exclamation signifie... »
CHiCO :
Exactement ! Vous voyiez aussi parfois des points de suspension composés de quatre points, puis d’autres composés de trois points, et vous vous demandiez s’il y avait un sens caché derrière tout ça...
Tous :
(rires)
Tomori :
Il semblerait que nous ayons percé le mystère aujourd’hui.
Iwata :
Eh bien, quand quelqu’un essaie de rassembler de nombreux fils conducteurs pour n’en faire qu’un, il est nécessaire d’être extrêmement dur sur de nombreuses choses. Si vous êtes trop indulgent, la situation vous échappe très rapidement et se disperse. C’est pour cette raison que vous devez demander la perfection, et si vous ne faites pas preuve de fermeté quand vous n’obtenez pas la qualité voulue, vous ne parviendrez jamais à obtenir le produit final voulu.
Takahashi :
Oui, c’est vrai.
Iwata :
En même temps, si vous dites exactement ce que vous ressentez, certaines personnes ne seront pas en mesure de le digérer. C’est pour cette raison que vous deviez avoir un intermédiaire, pour faire passer la pilule en quelque sorte. Cependant, même avec cette personne pour arrondir les angles avant d’envoyer ces e-mails, il semble que Kiyota-san l’ait senti passer.
Kiyota :
(acquiesce vigoureusement)
Tous :
(rires)
Iwata :
Ces échanges d’e-mails ont-ils duré jusqu’à la toute fin du projet ?
Takahashi :
Une fois la moitié du projet passée, j’ai arrêté de rédiger autant d’e-mails durs. Je suppose que c’est parce que tout le monde avait su appréhender l’ambiance et harmoniser son travail avec celui des autres.
Iwata :
CHiCO-san, comment était-ce en vérité ?
CHiCO :
Eh bien, je pense qu’une fois dépassée la moitié du projet, nous avons compris la direction que la composition musicale devait suivre. Au début, c’était très difficile, comme vous pouvez l’imaginer. Kiyota-san et moi étions au bord des larmes au moins une fois par jour.
Kiyota :
Au départ, elle m’encourageait et je l’encourageais... Nous nous rassurions l’une l’autre ! (rires)
CHiCO :
Au départ, nous formions des équipes différentes avec ses propres sons. Takahashi-san nous répétait régulièrement que nous devions nous concentrer pour donner au monde du jeu ce sentiment d’unité et qu’en aucun cas, il ne paraisse décousu. Il disait cela parce que les morceaux que nous produisions n’étaient pas cohérents. Au départ, quels que soient nos efforts, vous obteniez un passage qui était celui de Kiyota-san et un autre qui était celui d’Ace+. Ce n’est qu’au bout d’un certain temps que nous avons réussi à concilier l’ensemble.
Iwata :
Et comment avez-vous fait ?
Kiyota :
L’équipe d’Ace est venue chez moi.
CHiCO :
Et Kiyota-san est également venue chez moi.
Iwata :
Ah, je comprends. Vous alliez donc les uns chez les autres.
Kiyota :
C’est ça. Nous nous rendions les uns chez les autres et nous regardions comment nous travaillons, à commencer même par le matériel que nous utilisons pour obtenir nos sons. Ils ont regardé le matériel que j’avais utilisé jusque-là et ils étaient vraiment méticuleux, allant même jusqu’à me poser des questions telles que : « Quel son est-ce que cet instrument produit ? »
CHiCO :
Nous nous sommes dit qu’il était préférable d’utiliser le même matériel pour harmoniser la musique que nous composions.
Kiyota :
Nous sommes donc allés acheter un nouveau logiciel et j’ai dit adieu au gentil petit programme que j’avais utilisé jusqu’alors... (rires)
Iwata :
Ainsi, de cette manière, vous avez petit à petit formé une seule équipe.
Kiyota :
Exactement.
CHiCO :
À la fin, nous travaillions vraiment ensemble.
Kiyota :
Nous sommes devenus très proches.
Iwata :
Vous vous êtes serré les coudes, vous êtes devenus proches et comme Takahashi-san l’a dit plus tôt, la musique a commencé à être homogène à partir de la moitié du projet. Pourriez-vous nous expliquer ce qui vous a motivés, vous et l’équipe Ace+, pour que vous en arriviez là ?
CHiCO :
Kiyota-san a dit tout à l’heure combien elle était heureuse de travailler avec Shimomura-san et Mitsuda-san. Eh bien, c’était pareil pour nous. Nous éprouvons un grand respect pour Mitsuda-san et, étant donné qu’il a toujours travaillé avec Takahashi-san, nous étions sûrs qu’en suivant les conseils de Takahashi-san, nous ne pouvions pas nous tromper.
Iwata :
Mitsuda-san, saviez-vous que les autres vous voyaient ainsi ?
Mitsuda :
... Non, je n’en avais pas la moindre idée.
Iwata :
C’est une révélation abasourdissante. (rires)
Mitsuda :
C’est effectivement abasourdissant. (rires)
CHiCO :
Toujours est-il que pour toutes ces raisons, je pensais que cela marcherait si nous faisions confiance à Takahashi-san jusqu’à la fin. De plus, il avait découpé la musique en plusieurs scènes et il avait des standards incroyablement élevés. Le théâtre m’avait permis de m’engager sur une voie musicale précise et j’avais des idées très précises sur les musiques à utiliser pour des scènes précises. À plusieurs reprises, un morceau que j’imaginais à un endroit se retrouvait ailleurs et je me disais : « Hein ?! Vous mettez ce morceau ici ?! » À la fin, tout s’est très bien mis en place et j’étais contente d’avoir fait confiance à Takahashi-san.
Iwata :
Takahashi-san, vous avez entendu ce que CHiCO-san a dit...
Takahashi :
... Il faut vraiment ? Je dois y aller... ! (rires)
Tous :
(rires)
Takahashi :
Au début de cette interview, j’ai dit que la musique jouait un rôle rédempteur. Les jeux vont au-delà de la manipulation d’une manette ou de voir des choses. La sensation découlant du son est également très importante.
Iwata :
Avez-vous également ce sentiment pour Xenoblade Chronicles, que la musique a une qualité rédemptrice ?
Takahashi :
Oui, je le pense. Je le crois d’autant plus pour ce jeu. C’est pour ça que je ne souhaitais en aucun cas perdre un seul son. Bien entendu, j’avais demandé que l’équipe compose des musiques spéciales. Ensuite, après avoir été très sec, la musique me revenait et en la réécoutant, je découvrais quelque chose de complètement neuf. Je me disais alors : « Cette musique exprime ce sentiment... » Je me disais alors qu’elle convenait peut-être plus dans une autre scène. J’ai arrangé la musique en faisant très attention.
4. Au-delà des bandes-son typiques des jeux de rôle
Iwata :
Takahashi-san, pourriez-vous nous parler du concept de départ pour la bande-son de Xenoblade Chronicles ?
Takahashi :
Je ne voulais pas la restreindre à un genre ou à un instrument particulier. Potentiellement, de nombreuses voies s’offrent à vous, se limiter à des instruments acoustiques par exemple, mais je pense qu’on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine monotonie au bout d’un moment. C’est pour cette raison que je souhaitais utiliser une grande palette d’instruments pour ce jeu, en me disant que mêler des instruments à cordes classiques et des sons plus électriques pourrait aussi être intéressant. Après tout, Tomori-san est guitariste de formation.
Tomori :
C’est vrai ! (rires)
Takahashi :
C’est un jeu de rôle et il y aura des scènes de combat typiquement « jeu de rôlesque », mais je voulais utiliser les musiques et les instruments de manière à contrer un peu cette atmosphère dans un certain sens.
Iwata :
Vous vouliez utiliser des instruments qui avaient chacun leur sonorité précise, créant ainsi une bande-son plus variée ?
Takahashi :
C’est bien ça.
CHiCO :
Au début, Takahashi-san nous avait dit qu’il ne voulait pas obtenir une musique d’un jeu de rôle typique.
Iwata :
Je vois, mais c’était un véritable défi, non ?
CHiCO :
Mais parfois, il disait aussi : « Faites ça normalement... »
Iwata :
... Hein ? Vous n’avez pas trouvé ces paroles relativement ambiguës ?
CHiCO :
Comme vous pouvez l’imaginer, j’ai réagi de la façon suivante : « ... Hein ?! » (rires)
Takahashi :
Eh bien, c’est parce que je voulais me démarquer du son que l’on attend chaque fois d’un jeu de rôle, et je sais que cela peut sembler être de la vantardise, mais je crois que le résultat obtenu est bon. Chacun des morceaux sur lesquels les différents membres de l’équipe ont travaillé a sa propre personnalité, mais si vous les écoutez tous, je ne pense pas vous puissiez dire qui a composé quoi.
Iwata :
Ah, ils sont homogènes.
Takahashi :
Oui, je pense qu’ils s’intègrent au monde de jeu de façon très homogène. De plus, la musique a vraiment de nombreux aspects.
Shimomura :
J’ai également écouté tous les morceaux composés par Kiyota-san et Ace+ et je les ai trouvés fantastiques. J’ai vu des échanges d’e-mails dans lesquels ils modifiaient et amélioraient tout jusqu’au moindre détail et je sais qu’ils ont eu du mal à intégrer les demandes supplémentaires qui leur ont été faites. J’étais vraiment impressionnée de ce qu’ils ont réussi à faire.
Iwata :
Vous pouviez donc voir les nombreux problèmes qu’ils avaient dû surmonter pour créer tel ou tel morceau.
Shimomura :
Tout à fait. Six personnes ont laissé parler leur passion et ont dépassé leurs différences pour créer ensemble la musique d’un jeu. C’est pour cette raison que la bande-son est également très agréable à écouter d’un seul tenant.
Iwata :
Avez-vous autre chose à ajouter, Mitsuda-san ?
Mitsuda :
Le morceau dont j’avais la charge est celui que l’on entend lors du dénouement. Les morceaux composés par les autres mènent cette aventure épique à sa conclusion. J’ai donc eu beaucoup de mal lors de l’écriture de ce morceau, car je savais qu’on attendait de moi que je relie tout et que je garde ce lien avec les autres morceaux.
Iwata :
Oui, vous saviez que tout le monde avait mis tant d’énergie dans ce projet.
Mitsuda :
J’étais bien conscient des efforts de chacun et je sentais d’ailleurs cette énergie. Je savais que je ne pouvais pas perdre tout cela et j’ai travaillé sur la musique de l’épilogue en gardant cela à l’esprit.
Iwata :
Et Takahashi-san avait dit que Mi-chan était la seule personne en mesure de composer ce dernier morceau ! (rires)
Mitsuda :
C’est pour cela que je ressentais une telle pression ! (rires) J’étais pris au piège, avec Taka-san d’un côté et la musique que le reste de l’équipe avait composée de l’autre. Ma position n’était pas très confortable, mais, finalement, j’ai adoré composer ce morceau. Je pense que le résultat met un point final à cette histoire épique et j’espère vraiment que les gens prendront le temps de bien l’écouter.
Iwata :
Kiyota-san, étant donné votre participation à l’aspect musical du projet, y a-t-il quelque chose que vous souhaitez plus particulièrement recommander ?
Kiyota :
J’ai l’impression que c’est bien la première fois que quelqu’un a fait appel à une telle variété de musiques, issues chacune d’une vision particulière du monde, et les a réunies en une même bande-son. Ainsi, même si vous n’écoutez que la musique, vous pourrez découvrir plusieurs mondes.
CHiCO :
Je pense que vous avez tout à fait raison. Tant de personnes ont travaillé ensemble pour créer quelque chose qui recèle une telle variété sans aucune fausse note. Selon moi, nous le devons à la supervision et aux touches apportées par Takahashi-san.
Le jeu débute avec un morceau calme composé par Shimomura-san, le piano lui donnant une beauté certaine.
Sur d’autres morceaux, on entend la voix de Kiyota-san. Ces chansons sont vraiment belles et offrent des harmonies divines. Je suis également chanteuse et j’ai fait les chœurs, Hiramatsu-kun était au clavier et Tomori à la guitare. Autrement dit, certains morceaux ont également des passages enregistrés en prise directe et les gens apprécieront sûrement. Pour finir, Mitsuda-san termine les enregistrements avec un morceau étonnant et je pense que peut-être... si j’achète le jeu, je risque de pleurer.
Iwata :
Le jeu fera donc certainement pleurer CHiCO ! (rires)
Tous :
(rires)
Iwata :
Et vous, Tomori-san ?
Tomori :
Je vais seulement répéter ce que les autres ont dit. Notre mission était de composer une musique qui allait au-delà des bandes-son typiques des jeux de rôle habituels et nous avons procédé par tâtonnements au départ.
Iwata :
Ce doit être très difficile de travailler sans suivre un modèle.
Tomori :
C’est tout à fait ça. Je pense toutefois qu’à la fin, nous avons obtenu quelque chose qui se tient très bien et cela me ravirait d’apprendre que les gens se disent que même si la musique est différente de celle des jeux de rôle habituels, elle est super.
Iwata :
Vous aimeriez que les joueurs apprécient que la musique soit différente de celle des autres jeux de rôle. OK, à vous maintenant, Hiramatsu-san.
Hiramatsu :
Quand j’ai commencé à travailler sur la musique, je voulais me faire une idée de ce que nous devions obtenir et j’ai joué au jeu en cours de développement. À l’époque, il s’agissait seulement de l’audio provisoire, mais la profondeur des graphismes m’a vraiment frappé. Quand j’ai appris qu’il était possible d’escalader les falaises visibles au loin, j’ai bien ressenti l’échelle et le sens de l’espace du monde de jeu. Cela m’a vraiment intéressé.
Iwata :
Quelle que soit la manière dont vous le retournez, ce n’est vraiment pas le genre de commentaire que vous entendriez de la part d’un compositeur ! (rires)
Hiramatsu :
Je suis désolé ! (rires) J’ai vraiment hâte de voir le jeu terminé, de m’emparer de la télécommande Wii et d’explorer ce monde, le coeur battant...
Takahashi :
C’est un commentaire de vrai joueur ! Merci beaucoup ! (rires)
Tous :
(rires)
5. Ce que Xenoblade Chronicles signifie pour moi
Iwata :
Maintenant, pour terminer cette interview, j’aimerais que vous me donniez votre impression sur le type de jeu qu’est Xenoblade Chronicles. Changeons d’ordre et commençons par la perspective d’un joueur : Hiramatsu-san.
Hiramatsu :
D’accord ! (rires) Avec Xenoblade, j’ai le même sentiment d’excitation et d’aventure que j’avais en jouant quand j’étais jeune. Je crois que c’est un jeu qui procure ce sentiment même aux adultes.
Tomori :
La première fois que j’ai eu l’occasion de jouer, j’ai trouvé très agréable que l’on puisse se détendre en regardant le paysage. J’espère que les joueurs ne s’inquiéteront pas des passages difficiles et qu’ils les passeront à leur rythme.
CHiCO :
Je vais faire simple. Je trouve que le script est très bon.
Iwata :
Ah, je vois que votre formation théâtrale revient au galop, car vous appelez ça le « script ». (rires)
CHiCO :
Oui, je voulais dire l’histoire ! (rires) En le lisant, je me suis dit que chaque ligne avait été rédigée avec soin. Quand j’étais seule, je le lisais à voix haute.
Iwata :
Comme une véritable actrice !
CHiCO :
C’est bien ça. Cela signifie que j’ai appris à jouer une grande partie des rôles. (rires)
Iwata :
Le fait que vous ayez tant fait a dû vous être d’un grand secours lorsque vous travailliez sur la musique.
CHiCO :
Oui. Comme vous pouvez l’imaginer, je me suis dit qu’entrer vraiment dans ce monde m’aiderait à composer la musique. En même temps, j’aimais tout simplement cette histoire. Le choix des comédiens de doublage a pris longtemps et j’ai pu assister à certaines séances d’enregistrement. De nombreuses discussions ont eu lieu sur le type de voix à choisir : « Pas comme ceci, pas comme cela... » Tout le monde a fait le maximum pour que tout fonctionne bien. Je pense que si vous ajoutez à cela la musique, vous obtenez un très bon jeu.
Iwata :
Et vous, Kiyota-san ?
Kiyota :
Eh bien, étant donné que j’aime vraiment les jeux, j’ai toujours vraiment voulu entrer dans le monde du jeu. Quand j’ai eu l’occasion de jouer à Xenoblade Chronicles, j’ai vraiment cru que j’entrais dans ce monde. En plus, je n’avais pas l’impression de voir ça de loin. Je faisais vraiment corps avec le héros et j’imaginais vraiment pouvoir entrer dans cet univers. J’ai une trentaine d’années et les gens de ma génération aiment les jeux depuis leur enfance et ont grandi avec. Si des joueurs veulent se remettre au jeu de rôle, je peux leur assurer qu’ils aimeront vraiment celui-ci.
Iwata :
Et Mitsuda-san ?
Mitsuda :
Le dernier jeu réalisé par Takahashi-san est sorti depuis un certain temps et j’imagine que de nombreuses personnes attendent celui-ci avec impatience.
Iwata :
Eh bien, quand quelqu’un consacre autant de temps et d’énergie à quelque chose, cela signifie que réaliser un jeu prend du temps.
Mitsuda :
Exactement. Je pense que bon nombre de joueurs aimeront ce nouveau jeu de rôle différent, pas uniquement les grands fans de la série Xeno.
Iwata :
Et vous, Shimomura-san ?
Shimomura :
Quand on m’a montré Xenoblade Chronicles pour la première fois, j’ai trouvé que les graphismes étaient véritablement attrayants. La vision du monde est extraordinaire, avec ces grands dieux. J’ai été surprise par son échelle et je me suis demandé comment quelqu’un avait pu avoir cette idée. J’ai eu tant de surprises tout au long du jeu, et sur de nombreux sujets.
Iwata :
Pouvez-vous nous donner un exemple ?
Shimomura :
Dans ce jeu, des dieux anthropomorphes s’affrontent et je me suis demandé comment la gravité fonctionne et ce qu’il y avait de l’autre côté de cet océan et ce genre de choses.
Iwata :
(rires)
Shimomura :
Cela peut paraître futile, mais j’ai trouvé cette vision du monde de jeu incroyablement stimulante.
Iwata :
Vous ne pouviez pas vous empêcher de vous poser ces questions.
Shimomura :
Exactement ! (rires) De même, j’ai vraiment été touchée en lisant le scénario. Cela m’a poussée à composer des musiques en accord avec ces émotions et rivalisant avec l’échelle et l’ambition de ce jeu. Pour cette raison, je pense que ce jeu aura un public très divers.
Iwata :
Merci beaucoup. Finissons avec vous, Takahashi-san.
Takahashi :
Pour ce jeu, je savais exactement ce que je voulais obtenir avec la musique. J’ai peur d’avoir parfois été un peu dur en disant aux gens : « Vous allez devoir refaire ça. » Mais les six personnes présentes ici aujourd’hui étaient assez douées pour répondre à toutes mes demandes les plus obstinées et je crois qu’elles ont fait corps et qu’elles ont terminé ce projet comme une équipe soudée.
Plus tôt, je parlais de l’ordre des morceaux de la bande-son et j’ai trouvé ça incroyablement amusant. J’aimais prendre un morceau et me demander si je devais l’utiliser dans une scène de combat ou lorsqu’un personnage se remémore quelque chose, etc.
Iwata :
J’imagine que si vous vous êtes tant amusé à choisir les morceaux, cet enthousiasme gagnera naturellement les joueurs.
Takahashi :
J’espère vraiment. Nous avons également inclus un CD spécial avec la bande-son du jeu dans un certain nombre d’exemplaires du jeu. Ce CD contient douze des meilleurs morceaux écrits par toute l’équipe.
Mitsuda :
D’ailleurs, Takahashi-san a écrit les paroles du morceau qu’on entend à la fin de l’histoire, « Sous le ciel ».
Iwata :
On trouvera donc du sang, de la sueur, des larmes et de la passion dans ce CD. J’ai discuté avec de nombreuses personnes de l’importance de la musique dans les jeux. Aujourd’hui, j’ai écouté avec fascination ce processus qui, partant d’approches différentes, vous a permis de vous retrouver pour former une équipe unique. C’était une discussion extrêmement intéressante. Je suis conscient que vous avez dû surmonter de nombreuses épreuves, mais en vous regardant tous, j’ai vraiment l’impression que c’était une tâche très difficile, mais extrêmement gratifiante. Merci à vous tous d’être venus.
Tous :
Merci.
Iwata :
Quelqu’un veut-il ajouter quelque chose ?
Tomori :
Mmm... J’aimerais lire un des e-mails de Takahashi-san avant qu’il ne soit édulcoré...
CHiCO :
Ce doit être terrible ! (rires)
Shimomura :
J’aimerais bien voir ça aussi.
Iwata :
Maintenant que tout est terminé, ce ne serait plus aussi terrible. (rires) Takahashi-san, qu’en dites-vous ?
Takahashi :
Euh... L’horloge est à l’heure ? Je suis désolé, mais je dois y aller...
Tous :
(rires)