Plus de cinq longues années se sont écoulées depuis Gran Turismo 4, et plus de deux depuis l'amuse-bouche Gran Turismo 5 Prologue, sorti en 2008, et qui n'avait que partiellement rassasié l'appétit des fans de la série. Après maints reports et promesses de dates de sortie non tenues, Petit Papa Yamauchi a ENFIN lâché son dernier bébé ! On n'y croyait plus... Alors, il a quoi dans le moteur, ce GT5?
Pas la peine de passer par quatre chemins, allons-y franco :
Gran Turismo 5 fait partie de ces jeux qui divisent les masses. La série a, historiquement, toujours eu son lot d'admirateurs et de détracteurs, deux groupes qui se distinguent par un antagonisme total au sujet des attentes qu'ils ont d'un jeu de course. D'une part, les premiers ne jurent que par la qualité de la conduite et le côté immersif des
Gran Turismo (leurs arguments sont, en vrac : mode GT, combat contre soi-même, course aux 100%, permis en or, et aussi cette espèce de 'collectionnite aiguë', que les GT ont toujours su si bien mettre en scène), tandis que les seconds (les détracteurs) voient ces qualités comme insuffisantes face à... tout le reste -et notamment l'absence de correction des défauts récurrents du jeu, comme l'intelligence artificielle ou les dégâts-, alors que la concurrence (la série des
Forza, inutile de le cacher) sort des jeux de plus en plus complets au fil des ans. En d'autres termes, la série GT fait quelque peu du surplace sur beaucoup d'aspects, c'est pourquoi de nombreux joueurs ont perdu tout espoir que
Polyphony Digital rectifie le tir. Ce test n'aura pas pour but de prendre partie dans l'un de ces deux « camps », mais de cerner les points positifs et négatifs de ce cinquième volet.
Pour résumer, on peut dire que
Gran Turismo 5 ne déroge pas à la règle des épisodes précédents. D'un côté, de nombreux défauts impardonnables, comme une IA à peine retouchée (le progrès, relatif, est que maintenant les concurrents s'écartent parfois de leur trajectoire précalculée et freinent de temps en temps pour ne pas se heurter, ou pour dépasser), des dégâts toujours quasiment inexistants, même s'ils sont bel et bien là. Kazunori Yamauchi a promis une mise à jour avec des dégâts matériels, mais pour l'instant, seuls de très maigres dégâts physiques (visuels) sont présents dans le jeu, et ils n'influencent en aucun cas la conduite ou la physique de la voiture. Au rang des points noirs de ce GT5, on peut également mentionner les nombreux soucis techniques et de finition, dont on pensait qu'ils seraient réglés après une telle durée de développement et tant de reports. Mais rien n'y fait, graphiquement par exemple, certains circuits et bolides semblent sortis tout droit de la PlayStation 2 (des décors entiers qui apparaissent sous vos yeux dans certains circuits, des ombres vraiment bâclées sur les voitures « standard », etc.). Justement, l'une des blagues les plus dures à digérer dans ce GT5 concerne sans aucun doute la séparation des véhicules en deux catégories, « Premium » et « Standard ». La première (200 voitures) propose des véhicules incroyablement bien modélisés, dignes d'une PS3 et de l'ère HD, tandis que la seconde (800 voitures, soit la grande majorité) reprend avec plus ou moins de retouche les modèles PlayStation 2 qui étaient présents dans
Gran Turismo 4.
Du coup, cette fracture se ressent de facto sur le plan visuel. De la même manière, dans le genre « on n'a pas eu le temps de finir le jeu avant de le sortir », les temps de chargement dans les menus (pas super intuitifs, du reste) durent des plombes, même en ayant installé le jeu sur le DD -opération qui prend pas loin d'une heure et qui ne réduit quasiment pas les temps de chargement... D'autre part, certaines épreuves spéciales sentent le remplissage à plein nez (NASCAR, rallye pas très bien soigné, etc.), sans même mentionner le B-Spec (sorte de mode manager de pilote qui a le mérite d'exister, mais qui manque clairement de profondeur) ou l'éditeur de circuits, plutôt anecdotique. Et dans le fond, le mode GT n'a fondamentalement pas changé par rapport à celui des volets précédents, mais il faut néanmoins reconnaître qu'il est suffisamment long et varié pour y prendre du plaisir et y passer de (très) longues heures.
Le mode GT, n'est-ce pas là justement la force principale de Gran Turismo, comme le soutiennent ses admirateurs? Ses permis, ses courses accessibles petit à petit, la recherche de la voiture idéale avant chaque course, bref, sa progression par paliers, rendue encore plus joussive dans GT5 grâce à l'apparition de points d'expérience et de 'niveaux', obligeant le joueur à faire du 'level up' (permis, épreuves spéciales, coupes en or, ...) pour pouvoir monter de 'level' et ainsi accéder aux courses réservées aux niveaux supérieurs. Si les premières minutes manette en main ne convainquent pas forcément (à cause notamment des défauts cités plus haut, qui prennent le dessus lorsqu'on découvre le jeu), il faut bien reconnaître qu'une fois passée la première heure de découverte et d'adaptation -ou de rejet-, il est difficile de ne pas être happé par le mode GT.
Gran Turismo 5 n'aurait pas ce pouvoir hypnotique sans ses sensations de conduite et son moteur physique, qui sont tout simplement ce qui existe de mieux et de plus réaliste en la matière sur consoles de jeux vidéo. On ressent le poids des voitures, et les modifications apportées suite au tuning ont un réel impact sur la tenue de route et la physique de la voiture. Mais le plus incroyable, c'est le soin apporté à la physique de chaque modèle de voiture, pris un par un. Pas deux voitures se comportent de la même manière, chacune a son caractère, ses propriétés, et que l'on s'y essaye à la manette ou au volant, le constat est sans appel : on comprend bien vite sur quel aspect du jeu les équipes de PD ont passé l'essentiel de leurs cinq années de développement.
Kazunori Yamauchi et ses développeurs sont des fanatiques de voitures, et ça se voit. Chaque voiture a été développée indépendemment des autres avec un soin tout particulier. Ceci explique peut-être le manque de voitures Premium ainsi que les très nombreux modèles doublons, ou très similaires. Avant de conclure cette partie, un petit mot sur les événements spéciaux (rallye, karting, endurance, trophée Mercedes-AMG, NASCAR, Grand Tour, etc.), qui ont été implémentés dans GT5. Ils viennent ponctuer la progression linéaire du mode GT afin de varier les plaisirs, et ils sont incontournables pour gagner de l'argent et augmenter de niveau afin d'accéder aux courses suivantes. Plus ou moins réussis, ces événements sont globalement sympathiques à jouer, et permettent de rallonger considérablement la durée de vie du jeu, certains d'entre eux proposant, à l'instar des permis, des chasses à la médaille d'or qui raviront les fans du chronomètre.
Il y aurait encore tant de choses à dire pour être complet, notamment sur le mode en ligne, qui devrait lui aussi être sujet à des améliorations par le biais de mises à jour. Pour l'instant, le online fait office d'ajout sympathique, on s'y marre bien surtout avec des potes, mais quelques ralentissements et bugs un peu trop présents gâchent encore l'expérience. Le mode Arcade, fidèle à lui-même, sera toujours utile pour s'essayer aux bolides les plus rapides sans avoir besoin de jouer des dizaines d'heures ; il propose entre autres de la course simple (seul ou à deux), du Time Trial, et du Drift Trial, nouveau mode qui permet de s'essayer aux joies du dérapage, technique largement mise en avant et retravaillée pour cette nouvelle version. Mentionnons aussi l'éditeur de circuits -qu'il serait d'ailleurs plus juste d'appeler « générateur » de circuits, puisque c'est la console qui génère des tracés, avant que le joueur puisse ensuite les ajuster via plusieurs options (courbes, largeur de la piste, difficulté, etc.)-, l'apparition plutôt convaincante de la météo (pluie et neige), ainsi que quelques nouveaux circuits, dont le célèbre Monza ou le Top Gear test track anglais. Enfin, la dernière nouveauté est le mode photo, qui permet de faire des... photos, en HD, au rendu photo-réaliste. Gadget aux yeux de nombreux joueurs, le mode photo a cependant le mérite d'être plutôt bien réalisé, et de proposer un paquet d'options de réglages de caméra qui devraient ravir les photographes en herbe.
Six environnements sont accessibles (Kyoto, des villes d'Europe, le hangar Red Bull), et il est possible de s'y promener en vue à la première personne et de choisir l'emplacement de sa photo. Malheureusement, ce mode n'est ouvert qu'aux modèles de voitures Premium... Polyphony semble réfléchir à y intégrer les modèles Standard aussi, au moins en partie, mais à force de réfléchir, ils semblent ne plus trop savoir que qu'ils veulent (mais l'ont-ils jamais su?). Une preuve de cela : au sujet de l'intégration possible de nouvelles voitures Premium dans un avenir proche, Kazunori Yamauchi a laissé entendre sur son Twitter qu'il y aurait des ajouts, c'est sûr, mais qu'il ne savait pas encore sous quelle forme : soit en DLC, soit sous forme de mise à jour, « ou bien dans GT6 » (sic) !! Ce genre de commentaires a de quoi laisser perplexe.
Plus que jamais, Gran Turismo est aujourd'hui « the real driving simulator » au sens le plus 'pur' du terme, c'est-à-dire si l'on s'en tient à la conduite, qui offre dans ce cinquième épisode une fusion totale entre le joueur et sa monture. Jouissive, précise, accessible mais rebutante, domptable mais pas docile, la conduite de Gran Turismo 5 est presque exempte de tout défaut, à condition d'être prêt à accepter que votre seul adversaire, c'est le chronomètre. Ou vous-même ! Mais, comme le soulignent si justement les détracteurs de GT5, « the real driving simulator » s'arrête là. Le reste, qu'il s'agisse de la technique, de la finition, du contenu, du online, bref, de ce qui n'est pas directement lié à la conduite, tout y est perfectible, voire décevant. Ceux qui ont aimé les GT antérieurs devraient en grande majorité apprécier celui-ci. En revanche, les détracteurs des autres GT ne changeront pas d'avis avec ce GT5, c'est une certitude. Les nouveaux venus quant à eux se doivent de tenter l'aventure pour se forger leur propre avis.