En attendant notre test qui arrivera dans la soirée, nous avons pu rencontrer François Coulon, producteur exécutif et réalisateur chez
Yager Development. Avant de travailler chez
Yager, celui qui est l'une des têtes pensantes du jeu a travaillé auprès des équipes canadiennes d'Ubisoft, à l'origine de la série Splinter Cell.
Gamekyo : Avant tout pensée pour le PC, la série a commencé ses aventures sur console sur PSOne, avant donc d'arriver sur Xbox 360 et PS3. La transition a-t-elle été difficile ? Quelle est la plateforme de référence pour The Line ?
François Coulon : Il n'y a aucun rapport avec les premiers épisodes. Nous avons gardé la licence puisqu'il s'agissait à l'époque de l'une des références dans le monde du shooter militaire. Quant à la plateforme de référence, il s'agit là d'un jeu développé avant tout sur consoles, et porté sur PC. Mais cela n'empêchera pas les joueurs PC de profiter d'options supplémentaires, comme des résolutions plus élevées, un anti-aliasing notamment.
À l'heure où les éditeurs multiplient les jeux de guerre, qu'est-ce qui différencie Spec Ops : The Line d'un autre jeu du genre ?
La perception narrative me vient de suite à l'esprit. Il s'agit de rendre hommage au livre de Joseph Conrad (et à l'auteur, le héros à le même nom, ndlr), « Au cœur des ténèbres ».
Spec Ops : The Line propose une expérience plus adulte, plus mature. Il ne s'agit pas de proposer une vision héroïque de la guerre héroïque avec une fin où tout se termine bien, non. Nous avons voulu montrer les atrocités que peut apporter un conflit.
Le cadre - Dubaï - a-t-il été difficile à développer ?
Dubaï est un environnement frais, rarement vu dans un jeu vidéo ou même ailleurs. Le cinéma a montré que l'on pouvait l'utiliser très facilement pour proposer quelque chose de nouveau. Il faut dire que son ambiance est utopique, un vrai paradis au milieu de nulle part. Son architecture démente, nous avons voulu la détruire en quelque sorte, afin de montrer que la puissance de l'homme reste bien fragile face aux éléments naturels. Le contraste est saisissant, montrer le luxe aux côtés de la torture, de la folie des hommes et de notre héros.
Les tempêtes de sable font partie intégrante du jeu, comment avez-vous réussi à gérer cet élément de gameplay ?
Nous parlions juste avant de l'environnement de Dubaï qui apporte une fraicheur environnementale, mais les tempêtes de sable ont également un certain cachet. Ça change carrément le gameplay, avec son lot de surprise, l'impossibilité de viser correctement un ennemi, le réticule devenant blanc quelle que soit la situation, mais aussi les ordres donnés à vos coéquipiers qui n'ont aucun impact puisqu'ils ne peuvent pas vous entendre. Le sable est un élément clef que l'on n'hésite pas à réutiliser, vous pouvez tirer sur des véhicules faisant usage de barrage et qui, une fois une des vitres brisées, ensevelira l'ennemi. Le sable offre toute une palette de couleur très orangée qui rend vraiment bien dans un jeu d'action.
La ville de Dubaï est l'exemple même d'une utilisation forte du sable, et nous avons voulu utiliser cette possibilité pour offrir aux joueurs un petit truc en plus. Le moteur graphique est certes repris, mais nous y avons apporté beaucoup de modification notamment sur la gestion de la lumière.
Vous avez travaillé sur Splinter Cell, qu'est-ce que cela vous a apporté sur Spec Ops : The Line ?
Il y a une grosse liberté de mouvement. Mais ce que je retiendrai du développement du premier épisode, c'est sans doute la façon de travailler en équipe. Pour beaucoup chez
Yager,
Spec Ops : The Line fut le premier jeu. Il fallait donc apporter un peu de cohérence, que chaque personne apporte sa pierre à l'édifice. Le titre est le résultat d'une équipe dans son intégralité, avec ses folies, mais aussi ses nombreuses idées qu'il m'a fallu analyser, canaliser et mettre en œuvre. Ce genre d'interaction apporte un dialogue innovant et constructif.
Durant le développement et à la vue des productions sorties depuis, a-t-il fallu revoir vos ambitions, ou certains aspects du jeu ?
Ça aurait pu arriver, mais la seule chose qui aurait pu nous faire reculer ou même avancer, c'est d'être dépassé techniquement. Mais grâce à l'Unreal Engine qui est un super moteur, ça n'a jamais été le cas. Et puis
Spec Ops : The Line est un TPS viral, nerveux et proposant une certaine ambition narrative. Pour revenir sur le moteur conçu par Epic, il faut savoir qu'il est très modulaire, que ce soit l'animation où l'I.A. il est possible de tout personnaliser. Nous avons d'ailleurs principalement travaillé là-dessus, tout en peaufinant l'univers et ses effets de lumières.
Selon vos propres mots, Spec Ops : The Line s'adresse à un public adulte. À quoi doit-on s'attendre, qu'est-ce que cela signifie par rapport à d'autres productions du même genre, mais siglées d'un « PEGI 16 » ?
Face à un traitement de l'histoire d'une manière héroïque de la part de nos concurrents, nous souhaitons ici éviter de glorifier un conflit, et celui qui se déroule dans
Spec Ops : The Line en est d'ailleurs la preuve parfaite. On peut faire tellement mieux que des gros trucs façon Hollywood sans véritable intérêt. Là où d'autres préfèrent montrer des soldats vaillant, combattant avec courage sans aucune approche idéologique ou même d'intérêt, nous préférons montrer aux joueurs les désastres d'une guerre qui s'enlise tant sur le plan général que sur le plan personnel. Le soldat que vous incarnez devient fou au fur et à mesure de son aventure.
Et concernant les choix au sein du jeu, s'agit-il de bousculer les fins rapidement dans l'aventure ?
Il y a effectivement plusieurs fins, mais si ce n'est dans les dernières missions du jeu, il n'a pas été prévu de proposer un réel bouleversement scénaristique tôt dans
Spec Ops : The Line. Nous avons voulu plutôt des décisions fortes ayant un impact à court terme afin que le joueur évolue intellectuellement, qu'une fois qu'il a causé la mort d'une centaine de civiles, ou d'autres choses du même genre, qu'il se dise qu'il n'a pas eu le choix, tout en ne s'excusant pas lui-même de ce qu'il vient de faire.
Chaque choix donne lieu à un succès/trophée supplémentaire, et si vous les remplissez tous, vous aurez même droit à une surprise à la fin.
Merci à François Coulon de nous avoir accordé un peu de son temps.