L'Éclaireur FNAC a eu l'occasion de rencontrer la dessinatrice Posuka Demizu et l'auteur Kaiu Shirai lors d'un entretien exclusif.
Cinq ans après la parution de son ultime chapitre, quel lien gardez-vous avec votre œuvre aujourd’hui ?
Shirai-sensei : Pour moi, The Promised Neverland est un ami de longue date. J’éprouve une immense fierté envers le travail accompli et je reste touché de constater que le public continue de lire et d’aimer cette histoire, malgré le temps écoulé.
Demizu-sensei : J’ai du mal à réaliser que cinq années soient déjà passées ! En tant que dessinatrice, je reçois encore régulièrement des demandes d’illustrations, si bien que je n’ai jamais vraiment l’impression d’en avoir tourné la dernière page. J’espère pouvoir continuer à explorer cet univers dès que l’occasion se présente.
Comment votre collaboration a-t-elle démarré ?
Shirai-sensei : J’étais à la recherche d’un dessinateur et, en naviguant su Twitter, je suis tombé sur les dessins de Demizu-sensei. Son style correspondait exactement à l’atmosphère que je souhaitais créer. J’ai donc demandé à mon éditeur de la contacter.
Avez-vous accepté sans hésiter ?
Demizu-sensei: J’ai été très surprise et évidemment ravie qu’on me propose ce projet. Avant de donner mon accord, nous nous sommes rencontrés pour que je puisse étudier le scénario en détail et m’assurer de bien comprendre sa tonalité.
Et qu’est-ce qui vous a immédiatement séduite dans cette histoire, cet univers ?
Demizu-sensei : Dès la première lecture, j’ai éprouvé une envie irrésistible de connaître la suite : à chaque chapitre terminé, je voulais lire le suivant. Pendant la publication, j’étais fière d’être la première à découvrir ces rebondissements.
Comment se déroulait votre collaboration au quotidien ?
Shirai-sensei : Nous avons travaillé entièrement à distance et nous nous sommes peu rencontrés. Mais les dessins de Demizu-sensei m’ont sans cesse inspiré dans l’écriture et la narration : la tendresse de Jemima dans les bras de Ray a guidé la scène d’évasion, l’ambiguïté de Phil – à la fois mignon et angoissant – a dicté sa mise en avant à la fin du tome 4. J’ai même imaginé Gillian armée de deux revolvers pour un affrontement spectaculaire. Ses illustrations ont nourri et dynamisé de nombreux tournants de l’histoire.
Le contraste entre un cadre enfantin et une noirceur extrême a-t-il été pensé dès la conception du manga ?
Shirai-sensei : Oui. Dès le premier tome, j’ai demandé à Demizu-sensei d’illustrer pleinement ce contraste. À travers The Promised Neverland, je voulais que l’on ressente la chute du paradis.
Quelles œuvres vous ont inspiré ?
Shirai-sensei : Je citerais Monster de Naoki Urasawa, Yū Yū Hakusho de Yoshihiro Togashi et la série télévisée Prison Break. [Rires]
Demizu-sensei, votre trait, à la fois cinématographique et empreint d’onirisme, est devenu votre signature : est-ce un parti pris conscient dès le départ ou une évolution naturelle de votre art ?
Demizu-sensei : J’aime ces atmosphères, mais je ne les recherche pas systématiquement, je me laisse guider par les univers que j’affectionne. The Promised Neverland m’a permis de forger mon propre style, en grande partie grâce à la vision de Shirai-sensei.
Quels personnages avez-vous particulièrement aimé créer ou dessiner ?
Shirai-sensei : J’ai une affection particulière pour Krone, bien que sa présence soit fugace, ainsi que pour Phil et Sherry. Palvus, même s’il n’apparaît pas au cœur de l’intrigue, m’a aussi plu. Le plus grand défi narratif reste Yūgo : une année, il m’a même privé de vacances d’été ! [Rires]
Demizu-sensei : J’ai adoré dessiner Krone et Conny. La reine Legravalima fut un défi à chaque case, mais quel plaisir ! Les figures les plus difficiles pour moi ont été les plus intelligentes, comme Norman et Andrew.
Depuis la fin de The Promised Neverland, quels univers rêvez-vous d’explorer ?
Shirai-sensei : Pour ma part, je souhaite plonger dans des mondes radicalement différents !
Demizu-sensei : J’aspire également à travailler sur des univers totalement nouveaux, mais j’aimerais aussi parfois retrouver des ambiances proches de The Promised Neverland, tant j’ai pris plaisir à détailler chaque recoin de cet orphelinat – même si c’était exigeant !
Quel regard portez-vous sur l’industrie du manga ?
Demizu-sensei : En tant que dessinatrice, je n’ai jamais ressenti la moindre barrière liée à mon genre. C’est sans doute l’un des rares métiers où je n’ai pas perçu de différences entre hommes et femmes. Et j’espère voir de plus en plus d’autrices, en particulier françaises, prendre leur place !
je m'en suis toujours pas remis, c'était une vraie trahison