Bon. A une époque où on peut incarner des personnages capables d’effectuer des tueries de masse mais sans avoir le droit de fumer sa clope, où la moindre culotte entraperçue soulève une révolution quand une décapitation en bonne et due forme passe crème, je viens d’employer quelques-uns de mes deniers pour aller dans le sens contraire de ce vent qui ne me plait guère. Chacun reste libre de faire ce qu’il veut, perso je ne me prends pas pour un donneur de leçons... Simplement l’étendue de mes revendications s’arrête à ce que je choisis d’acheter ou pas.
Et donc, voilà ce que je viens d'acheter :
TOY STORY 2
Disney aura au moins réussi un truc avec sa connerie : me faire cracher une vingtaine d’euros plus vite que prévu. J’adore les
Pixar, donc de toute façon il était sur ma liste d’achats depuis très longtemps (dans le genre
« un jour, faudra que je récupère les Toy Story », vous savez). Mais là, y’avait urgence, puisque le film s’apprête à ressortir en bluray
amputé d’une scène. Oh, une scène de rien du tout, mais quand même, pour le principe, je ne suis pas d’accord. Donc si je peux le récupérer dans sa version d’origine, je le fais.
On rappelle qu’il s’agit ici d’une scène
QUI DÉNONCE, hein. Pixar, c’est quand même pas des Sith, ils ont toujours eu à cœur, dans un esprit de logique à la Disney, de mettre en avant des
valeurs familiales importantes au cœur de leur film. Mais non, comme visiblement la plupart des gens sont stupides et que réfléchir ou analyser un minimum, ça demande trop de temps (parce qu’il faut
vite réagir, tout de suite,
vite vite je partage sur mes réseaux sociaux, si possible en un MINIMUM de caractère sinon personne ne me lira, il ne faut surtout pas de nuance,
vite un avis très tranché et lapidaire, sans le moindre recul, à partager un maximum de fois dans un minimum de temps !),
on préfère censurer la scène pour éviter la polémique plutôt que d’éduquer les gens et d’inviter au débat.
Franchement, ça me rappelle furieusement la polémique de m… qui avait eu lieu à l’époque de la sortie de cet album musical de l’auteur-compositeur-interprète
Damien Saez. TOUS LES JT avaient fait le relais du SCANDALE véhiculé par la pochette de son nouveau disque, parce que O suprême hérésie, elle montrait
une femme… NUE… dans un CADDIE. Oh pétard, qu’est-ce qu’il est pas allé chercher le mec, pour se faire tabasser sur la toile des réseaux. Et vas-y que
tout le monde gueule, que tel organisme fait un communiqué pour dire que
"le disque sera retiré de ses rayons", que tel autre indique que toutes les affiches en rapport avec l’album seront supprimées. Atteinte à l’image de la femme, salop de sexiste, macho d’un autre temps, comment laisse-t-on ce genre de personnes s’exprimer, il faut l’enfermer tout de suite, vite, en prison, on porte plainte, etc…
-_-‘
(respire) (respire encore un peu) Le… titre de l’album, les amis ? Genre, le TITRE, écrit
EN GROS sur la pochette, BIEN AU DESSUS DE LADITE PHOTO ? Oh, rien de bien compliqué. Juste un sujet accompagné d’un verbe. Rien qu’une petite référence culturelle pour ceux qui en ont encore. Il est simple ce titre. Ce titre, c’est
« J’ACCUSE. » Voilà. J’accuse.
J’A-CCU-SE. Je veux dire, on est tellement, tellement esclave de la polémique immédiate et des réactions à chaud (faut vite en parler dans
« l’heure des pros ! » et dans
« les grandes gueules ! ») qu’on est devenu incapable de LIRE UN TITRE. Un titre qui, soit dit en passant, ANNULE IMMÉDIATEMENT LADITE POLÉMIQUE.
Quant à traiter Saez de macho (ce serait facile vu certains de ses textes, tu
quotes une phrase ou deux et tu peux le dépeindre comme un porc sans nom, reste plus qu’à le brûler au bûcher
façon Orelsan), si on creuse un peu ses textes, justement, si on LES LIT, si on LES ÉCOUTE, on a une phrase que je trouve intéressante :
« Comment te dire ? Aujourd’hui les féminismes manquent de couilles. » Tout est résumé.
Pour revenir à la censure (
« Mais c’est pas grave ! Et ceux qui gueulent pour s’accrocher à ce type de contenu devraient aller voir un psy ! »), j’imagine par exemple que si
Konami, pour faire quelques biftons, ressortait aujourd’hui un remake de
Metal Gear Solid, la cigarette de Snake serait supprimée. Peut-être même remplacée par un brin d’herbe, façon Lucky Luke. Vous vous rendez compte, on peut sélectionner l’item
« cigarette » pour le fumer, quoi. Oui, enfin, sauf que là encore, quand on le fait,
on a SA SANTÉ QUI DESCEND. Donc là encore, il s’agissait d’un message clair de Kojima :
Snake fume, parce que c’est un fou dans sa tête, mais attention les enfants, c’est mauvais pour la santé.
Et du coup, pour me faire plaisir, je me suis récupéré un deuxième film que je voulais acheter depuis longtemps :
SWISS ARMY MAN
Ok, voilà typiquement un film qui, je pense, aurait des difficultés à sortir aujourd’hui. Pourtant, il n’est pas vieux, juste trois ou quatre ans. Mais en trois ou quatre ans, j’ai l’impression que pas mal de choses ont changé.
Pour ceux qui se demandent de quoi ça parle, c’est très dur de le résumer
sans gâcher l’intrigue. Disons juste qu’un homme sur le point de se suicider tombe par hasard sur un cadavre, ramené par la mer, et qu’il prend sur lui de le ramener là d'où il vient, genre pour l'enterrer dignement mais aussi donner un sens à sa vie à lui. Le truc, c’est que le cadavre en question est un peu particulier…
What... the... fuck ???
Bon alors, voilà exactement le genre de film qui
divise totalement les spectateurs. Moi-même, après l’avoir fini (il est sur Netflix, matez-le pour vous faire votre avis !), j’étais incapable de dire s’il s’agissait d’
un des trucs les plus intelligents, des plus beaux et subversifs que j’ai vu depuis très très longtemps… ou s’il s’agissait tout simplement de la PLUS GROSSE ARNAQUE qu’on ait jamais essayé de me vendre. Genre
le faux film d’auteur qui fait semblant d’être intelligent. Le film est tellement, mais tellement…
what the fuck. Y’a pas d’autre mot.
Bon, ben vous savez comment j’ai tranché, en ce qui me concerne ?
Avec le temps.
En fait, je me suis rendu compte que plus de six mois après avoir vu le film, j’y pensais encore. Mais genre régulièrement. Le truc me hantait pas mal. Les images, les musiques (à tomber). Le scénario. Ça me poursuivait. Et j’en ai conclu que je me rangeais donc dans la catégorie des spectateurs qui criaient au génie. Plus le temps a passé, plus je me suis rendu compte que cet ovni génial était sans doute
l’une des fables philosophiques les plus puissantes qu’on ait conté sur notre société actuelle depuis… genre bien, bien longtemps. C’est un film magnifique, formidable. Qui fait pisser de rire. Qui met mal à l’aise. Qui dérange. Et qui fait se poser des questions. Sur la mort, sur nos pulsions, sur ce qui nous anime, sur les codes de notre société et sa propension à tout vouloir lisser. Faut pas d'aspérité, faut pas être original, surtout pas naturel. Faut paraître bien. Faut penser comme tout le monde, sinon, le monde te jette la pierre. Ce genre de trucs.
Donc Netflix ou pas, je le voulais dans ma cinémathèque perso. Le bundle avec Toy Story 2 m’est apparu évident. Comme un joli doigt d'honneur tendu vers un système qui de toute façon ne le verra jamais et s'en fiche éperdument. Mais au moins, je suis content, j'ai des bons films à mater.
Bons jeux et bons films à tous !
Love,
Bobo.