C’est marrant la vie, parfois. Je me faisais ce constat, la dernière fois, alors que je parlais seul dans ma tête (ce qui arrive souvent quand on n’a pas d’amis). Je me suis rendu compte d’un truc un peu étonnant, dans mon historique personnel de gamer, une sorte de paradoxe. Le constat est celui-ci : moi, l’amoureux des mots, de Verlaine, de Rimbaud, moi le gamer sensible qui chante partout le champ des possibles narratifs offert par le jeu vidéo, moi qui ne vis que pour les RPGs, moi qui ne jure que par
Zelda et autres
Final Fantasy, moi l’admirateur devant l’éternel de Jenova Chen et de Fumito Ueda...
Ben finalement, le jeu auquel j’ai le plus joué de toute ma vie,
c’est un FPS.
Bowdel ! >.<
En fait, y’a compétition, mais avec un autre jeu d’action. Si je recompte bien, les deux jeux que j’ai le plus retournés (c’est-à-dire que j’ai finis – en entier – et plusieurs fois, alors que j’ai très peu de temps pour jouer) sont
Bayonetta et
Halo : CE (Halo, quoi). Bayo, c’est une vieille histoire. Je l’ai fini deux fois sur 360, à des périodes différentes de ma vie, une fois sur PS3 entre-temps, puis une autre fois sur WiiU. Et j’imagine que si un jour je me chope une Switch ; il y repassera. Encore.
Quant à
Halo, c’est une autre paire de manches : celui-là, je l’ai déjà fini plusieurs fois sur Xbox. Combien ? Je ne sais plus. Mais beaucoup. J’y ai rejoué (là-aussi, en entier) plus tard sur 360, avec la rétro Xbox. Puis je l’ai refait dans sa version
Anniversary, toujours sur 360. Et aujourd’hui encore une fois, sur
One X, dans la
Master Chief Collection. Mais alors, pourquoi je ne me lasse pas ?
La réponse tient, à mon sens, à un point commun à ces deux œuvres, dignes représentants de l’apogée du jeu d’action dans toute leur splendeur : chacun d’eux possède
une direction artistique du feu de Dieu.
Flashback : je suis jeune (et fou), je viens de brancher ma Xbox. J’ai fait des pieds et des mains pour en avoir une. J’ai revendu ma play 2 (tiens, l’histoire se répète, j’avais même pas fait gaffe) et plein d’autres trucs. Je ne pouvais pas faire autrement : les tests publiés dans
Joypad des jeux du line-up, et surtout celui de Halo, m’ont forcé la main. Je me rappelle encore de ce papier qui titrait
« le meilleur FPS du monde » et qui affirmait d’entrée de jeu qu’aucune contradiction ne serait possible. Qu’il s’agissait
d’une date dans l’histoire du jeu vidéo. Le truc, c’est qu’à l’époque, on n’avait que ça : les articles papiers. Pas de vidéos, pas de trailers (ou alors si peu, si difficiles d’accès). Et alors que j’insérais fébrilement le disque de Halo dans ma console flambant neuve... Rien, je dis bien rien n’aurait pu me préparer à ça :
Je crois bien que j’ai dû bloquer vingt minutes sur cet écran. Ce… cette musique, ces… ces images.
L’alchimie du truc. Des chants grégoriens. Dans l’espace. Un anneau. Un mystère. L’appel de l’aventure. L’ambiance. L’envie pressante d’appuyer sur Start, vite. Mais non. On savoure la musique. Faut comprendre aussi : à l’époque, comme tout gamer, je préparais mes oreilles lors du lancement d’un nouveau
Final Fantasy (
l’intro du VII ! L’intro du VIII ! L’intro du… bon, on a compris). Mais là, pour un FPS, je ne m’y attendais pas. Et je pense d’ailleurs que
c’est en grande partie à cause de cette OST légendaire que la saga Halo a pris l’ampleur qu’on lui connaît aujourd’hui. Alors bien sûr, c’est un jeu extraordinaire, oui. On va détailler tout ça. Mais cette musique… Je pense que la marque Xbox, et donc Microsoft de façon plus générale doit beaucoup, mais vraiment beaucoup à
Martin O’Donnell. Parce que sans la saga Halo, l’histoire-même de la Xbox aurait été différente. Ce serait quoi, leur franchise phare, aujourd’hui ? Blinx ? #Lolilol.
"What ? J'ai pas de charisme ?"
Retour en 2019. Ma Xbox One X s’allume.
Reliée à ma nouvelle TV 4K. Parce que oui – ça aussi c’est important –
il a fallu investir. Moi qui n’avait pas sous, j’ai dû en trouver. Il y avait, en effet, urgence : mon vieil écran HD Ready ne produisait que du 720p sur la dernière-née de Crosoft. Incohérence de l’offre proposée par mon salon, argumentation auprès des familles concernées, rappel de l’anniversaire qui arrive, enquête parmi les offres du black friday. J’ai gagné. J’ai bataillé dur, mais j’ai gagné. Il y a désormais une TV 4K reliée à ma One X. Et le monde de reprendre enfin son véritable sens.
Le jeu se lance. J’avais déjà tout installé à l’avance
(voir article précédent) : c’est bon, on peut y aller.
Musique, maestro. L’ambiance est là, toujours au top. Et bim,
les cinématiques qui font toujours aussi mal… Même pour
Anniversary, elles n’étaient pas tip-top. C’est comme à l’époque du jeu original, sur Xbox : elles faisaient déjà de la peine en regard du jeu lui-même (le test de Joypad précisait d’ailleurs qu’il s’agissait là du seul vrai défaut du jeu, selon eux). Tout est poussif : animation saccadée,
pour faire – j’imagine – comme au bon vieux temps, mise en scène approximative, doublage français à se crever les tympans (Cortana,
aïe). Là aussi, j’ai hésité à télécharger le pack de langue anglaise. Mais faut pas se leurrer : on est là pour jouer les nostalgeeks. Alors on y va à fond
(ne venez pas me parler de VO pour le premier Metal Gear Solid, par exemple).
Et puis, soudain,
le jeu.
« Wh… what ? Qu’est-ce que… OH MA GOD ! ÇA DÉFONCE !!! WOOOOOOOOOOO…….» Voilà pour l’analyse aussi experte que pleine de littérarité que j’ai pu formuler, comme ça, sur le coup. Faut pas m’en vouloir, aussi : je venais de découvrir les joies du gaming en 4K / 60 FPS.
"Avoir de la résolution. Dans tous les sens du terme."
Et oui. Oui.
Oui. On ne va pas se mentir.
Ça défonce. Grave de chez grave. Là, ok, avec le bon matériel (c’est-à-dire quand même l’achat d’un nouvel écran, ce qui n’est pas rien!), là, oui,
je vois le gap. Je vois le saut effectué depuis mes autres bécanes. D’ailleurs, pour l’anecdote : après divers essais et une bonne minute (au moins) de réflexion, j’ai décidé de conserver
mon vieil écran pour mes
vieilles consoles, tant je trouve que le vieux matériel rend mieux dessus (un peu comme à l’époque des cathodiques pour les consoles branchées en SCART). Mais pour revenir à ce nouvel écran, n’oublions pas de préciser qu’il est impératif d’enclencher dans ses options
le mode « jeux » ; mode qui désactive toutes ces filtres complètement idiots, afin de réduire l’input lag au minimum. A ce titre, et pour rester sur la partie technique, la One X propose un tuto de calibration très utile pour bien régler l’image de sa belle TV toute neuve. Et c’est vrai qu’une fois paramétrée correctement, en plein jeu, comme ça... C’est presque…
de la 3D, je ne sais pas. Faut dire aussi que je joue sur un écran relativement grand, et très, très près (j’ai toujours fait ça). Du coup, là,
le gain de définition saute immédiatement aux yeux. Et la précision de cette image (c’est dingue!) associée à la rapidité de cette animation (le 60 fps est constant)
font basculer le jeu original dans une autre dimension.
On se permet de rappeler une seconde qu’il s’agit là, quand même,
d’une mise à jour gratuite sur un jeu
vieux de plusieurs années (je parle ici de la
Master Chief Collection). La politique de Microsoft, au sujet de tout ce qui est rétro, optimisation, et de manière plus générale suivi des jeux est vraiment sans nulle autre pareille. C’est juste dingue. Pour moi qui découvre la One avec sa mouture X, qui découvre cette compilation de cinq (!) jeux directement en 4K / 60 fps… C’est juste… du bonheur, je ne sais pas quoi écrire d’autre.
C’est du bonheur. Pour n’importe quel fan de Halo, on tient enfin
la version définitive de la saga tout entière. Quoique… il manque encore REACH. Mais bon, je l’ai sur 360. Et du coup, je continue d’espérer une MAJ rétro comme ils l’ont fait sur Gears 2, pour obtenir là aussi le sacro-saint 4K et tout le tremblement (on me dit dans l'oreillette que le mois de mars 2019 pourrait faire des heureux...
#JulienChièzej'aimessources)
Mais restons sur ce premier épisode. Comme dans Anniversary (mouture dont il est issu),
on peut à la volée comparer le jeu actuel avec la version d’origine, simplement par la pression d’un bouton. L’option, comme à l’époque de la version 360, est
assez dingue, en fait : ainsi, dès qu’on découvre un décors un tant soit peu grandiloquent, on se surprend à appuyer sur ledit bouton pour voir « comment c’était avant ». Mais finalement, assez vite, on ré-appuie dessus. C’est là qu’on voit que le travail sur ce remake a vraiment été titanesque. D’ailleurs, c’est marrant parce qu’on se retrouve progressivement à nier la réalité, du genre
« nooooon mais j’y crois pas, c’était pas non plus comme ça avant, hein, je m’en rappelle. Ils ont dû downgrade le truc pour qu’on s’extasie devant la nouvelle version, moi je t’en fiche mon billet ! ». Oui, sauf que c’est l’inverse, en fait. Parce que là, quand vous pressez ce petit bouton, les graphismes reprennent leur aspect d’origine, certes, mais le ratio, lui, reste en 16/9 (donc plein écran)... et surtout le 60 fps continue de faire la fête. Pour aller jusqu’au bout de mon ressenti, j’ai donc rebranché le HALO original sur sa console d’origine (oui j’ai encore ce disque totalement immaculé – c’est ma fierté, mon précieux à moi).
Et autant dire que ça fait mal. C’est fou, la mémoire, quand même. La subjectivité totale régentant nos souvenirs. Je m’en rappelais vraiment comme d’un truc sublime, moi. Et en le relançant aujourd’hui, ben ça pique quand même pas mal les yeux. Même sur l’écran adéquat. Tout le génie du jeu était déjà là, bien sûr – notamment ses musiques, son ambiance – mais le moteur visuel, si chanté à l’époque, a bien vieilli. Le
frame-rate, on n’en parle même pas. C’est la malédiction des premiers grands jeux 3D : ils vieillissent vraiment beaucoup moins bien que leurs cousins 2D (d’où le four, à mon avis, de la PSOne Classique).
Et donc ce remake. En 4K. A 60 fps. Oui, je sais, je me répète. Mais j’ai du mal à m’en remettre. C’est comme si, tout d’un coup, on avait enfin donné à un génie qui n’avait jusque là que quelques crayons cassés une belle toile immaculée accompagnée de beaux fusains tout neufs. Soudain, le tableau prend vie ; le vrai tableau, celui qu’on s’imaginait à l’époque. Ici, on ne l’imagine plus : il est là, devant nous, juste sous nos yeux. Et il arrache méthodiquement chacune des petites cellules qui constituent la substantifique moelle de nos précieuses petites rétines. Oui, cette phrase ne veut pas dire grand-chose, mais vous voyez le tableau – justement.
"What ?"
HALO : CE reste un grand jeu.
Même aujourd’hui. Même face à ses propres successeurs. Ce n’est pas un dinosaure de musée auquel on se doit de jouer avec les
nostalgia googles adéquates. Non : son écriture, les situations qu’il vous fera vivre, son sens de la narration à travers la progression du joueur, son gameplay toujours aussi efficace, sa difficulté savamment dosée… tout est là. Tout est encore là. Le génie ne s’effiloche pas avec le temps. Le génie, c’est comme le bon vin : le temps ne nous le fait apprécier que davantage.
Alors, quelques petits bémols quand même. Il en faut bien.
Le premier, c’est de vouloir forcer une connexion étrange avec l’application
« Halo Channel » lorsque l’on débloque un terminal dans le jeu. A l’origine, ces terminaux, disséminés un peu partout dans l’aventure, proposaient de petites cinématiques à base d’artworks et de dialogues qui précisaient beaucoup de choses sur l’univers de Halo. Eh bien là, pour une raison inconnue, au lieu de lire la cinématique directement (c’est-à-dire comme une vidéo contenue dans l’installation du jeu), la console se boote (assez brutalement, en plus) sur la fameuse Halo Channel pour aller chercher ladite vidéo
en streaming. Erf. Le genre de trucs totalement inutile que j’aime pas. Surtout qu’on sent bien que c’est pas la place sur le disque dur qui a motivé ce choix (quand on fait une install à près de 80 go, on n’est plus à quelques centaines de mégas près) mais bien de nous forcer à aller faire un tour sur cette application pour la faire vivre. Bon, allez, pourquoi pas.
Deuxième bémol, et celui-là, je le trouve plus dérangeant : c’est l’absence totale du fameux écran-titre dont je vous parlais plus haut. Ici, la campagne commence à la mission 1 ; donc on a la cinématique associée au début du jeu, mais pas cet écran. Or, pour moi, cet écran fait partie justement de la diégèse du récit. C’est le premier contact entre l’univers de Halo et le joueur.
Le premier choc. Bon, je ne vais pas vous refaire le paragraphe du début, mais quand même. Au même titre, pas de générique de fin
(what?!). A l’issue de la dernière mission, et après la cinématique, on revient juste à l’écran de sélection de campagne. Trop dur. Trop froid. Enfin, à mon goût. Un générique ça sert aussi à faire sas de décompression, en même temps qu’à honorer le travail des personnes qui nous ont proposé une œuvre. Là, non. Dommage.
Enfin, mais là ce sont les temps qui veulent ça :
pas de notice. Oui, oui, je sais bien. Ça ne se fait plus. Pour aucun jeu. Mais dans le premier
HALO, la notice installait beaucoup de choses sur l’univers, comme à la bonne vieille époque. Il y a toute une histoire avant le scénario de
HALO : CE, la première rencontre avec les covenants, la bataille de REACH, etc. Cette histoire, parfaitement résumée dans le manuel du jeu (je l’ai ressorti pour le coup – lui aussi c’est mon précieux) posait parfaitement le background d’un univers qu’on imaginait d’ores et déjà bien plus que grand que l’aventure qu’on s’apprêtait à y vivre. De sorte que les derniers mots du Master Chief dans ce jeu, les fameux
(spoil - lol) Spoiler :
« Non… Ça ne fait que commencer »
faisaient alors parfaitement sens. On sentait bien que c’était le début de
tout un univers, aujourd’hui d’ailleurs poursuivi en jeux de
différents genres et sur
différents supports, mais aussi en
romans, en
films, en
séries TV. Bon, ben ici, pas de notice. Pas de prologue. Là aussi, dommage.
Quoi qu’il en soit, aucun de ces petits détails ne peut venir entacher toute la perfection de cette mouture, aussi ultime que définitive, du chef d’œuvre fondateur de cette fantastique franchise.
HALO : Combat Evolved se doit d’être joué comme ça.
Sur Xbox One X. En 4K / 60 fps. Car il s’agit là, et nous allons ici nous risquer à quelques élans lyriques que l’aimable assistance nous pardonnera, du plus bel écrin qu’on pouvait trouver pour un joyau aussi extraordinaire.
Jouez bien.
Love.
Bobo