Organe (rescapé) du quintet d’offrande vidéoludique faite par Capcom à la Game Cube, Viewtiful Joe, initialement exclusif à cette brave console s’est tout de suite fait remarquer par son ambiance de sentaï décalé (pléonasme ?), son design chiadé et sa "stroboscopicité". Ces mêmes éléments qui contribuaient finalement à faire fuir nombre de joueurs, à l’esprit étroitement formaté par l’endoctrinement de graphismes se voulant tout sauf “enfantin” et aux ambiance convenues. Mais suffit-il à un jeu vidéo d’aborder un second degré volontairement ringard et de se la jouer cool tous azimuts pour en faire un hit incontournable des rayons Nintendo ?
First Action Heroe
Joe est un garçon comme les autres, il emmène sa copine Sylvia dans un cinéma de quartier désert rappellant la salle de l’avant-premiere de “Red is Dead”. Sauf que Joe est un vrai féru de cinéma, surtout quand il s’agit du dernier long métrage mettant en scène son idole le très héroique et bedonnant Captain’ Blue, pas question d’en rater une miette, quand bien même Sylvia ne pense qu’à profiter de l’obscurité suggestive de cette salle vide pour échanger quelques fluides corporels avec son amant cinéphile. Toujours est-il que les fan d'Arnold noteront que Joe et Sylvia vont être victime du même phénomène que Dany Madigan de "Last Action Heroe" à savoir se retrouver projetés de l’autre côté de la toile, dans l’univers du film dont ils étaient jusqu’à présent les spéctateurs. Sylvia s’est faite enlever de cette façon. Après un rapide cours de super hero attitude imposée par son icône Captain’ Blue, la quête de Joe pour retrouver sa nymphomane à lunettes peut commencer ! "Heishin a Go Go Baby !"
On comprend très vite que
Viewtiful Joe est un soft archi léché dans sa conception visuelle. Si concrètement Joe ne fait que se déplacer sur une “ligne droite” à la mode 2D “Old School” donc, les nombreux plans 3D “cel chiadés” contribuent à immerger l’heureux joueur dans un espace tout en profondeur. On pourrait aussi parler des filtres qui se greffent sur l’écran selon certaines situations, ainsi lorsque votre jauge de super pouvoir se vide et que Joe perd son collant de super héros pour retrouver l’apparence d’un adolescent, l’écran prendra une tournure “cinéma des années 20”, saccadée et usée comme si on matait une pellicule vieille de plusieurs dizaines d’années pour symboliser la faiblesse et l’impuissance à laquelle vous etes réduit. Des références et des clin d’oeils, Joe en recèle. Le jeu de
Capcom est doté d’un cachet visuel tout à fait exacerbé et unique.
Pourtant à ce moment là, vous n’avez encore rien vu puisque la quintesence du jeu se trouve dans l’apprentissage progressif des pouvoirs qui sont conférés à Joe par son mentor le Captain’ Blue. L’originalité de ces pouvoirs tient en leur représentation à l’écran. Kamiya a emprunté en effet dans son jeu plusieurs techniques provenants du monde du 7ème art pour les transposer en pratiques ludiques spéciales ! Je m’explique : en vrac le mode ralenti fera passer une seconde pour une eternité, permettant de se concentrer sur l’action, de renvoyer d’un bon coup de pied un obus lancé à toute vitesse dans votre direction, mais surtout de porter des coups particulierements puissants à vos ennemis dont les pauvres corps rompront littérallement. Certains ennemis seront d’ailleurs plus sensible à certains types d’attaques. Ce mode s’emploie surtout pour interagir avec certains éléments de puzzles, par exemple l’utiliser devant un robinet fuyant fera grossir les gouttes d’eau jusqu’à provoquer une mini inondation, ou plus intéressant, augmente la portée du souffle destructeur d’une bombe ! Le mode accelleré quant à lui fait prendre plus de risques au joueur en ce qui concerne les dangers alentours, mais permet de s’acharner sur un ennemi en lui assennant des enchainements à la vitesse de l’éclair au point que les flammes entoureront votre corps ! Démentiel ! Et puis cela peut servir en cas ou la présence de cet élément deviendrait necessaire pour progresser... et je n'ai pas encore parlé du Zoom...
Sixième sens
Nous pourrions citer des dizaines d’autres exemples d’utilisations, mais vous l’avez déjà compris ; tout le génie de
Viewtiful Joe est de faire cohabiter dans une intéraction ininterrompue les techniques d’ordres visuelles avec les mécaniques de progressions du
gameplay. Ca a peut etre l’air prise de tete dit comme ça, mais rassurez vous tout de suite, aucun puzzle n’est abusé, et tout n’est que luxe, calme et... euh non tout n’est que fun, éclate, et gnons dans le nez !
L’utilisation de ces pouvoirs est à gérer en fonction de votre jauge VFX, qui se remplit heureusement automatiquement. Il sera bienvenue de doubler la vitesse de remplissage de celle ci via un des bonus à acheter à chaque fin de stage. Reprendre de l’energie, aquerir des évolutions de vos pouvoirs, se fendre d’un
check point... tout ceci vous coutera des emblèmes accumulées en cours de jeu tel les casques romains d'Obélix. Dans le même temps, et comme dans
Devil May Cry, l’ancien jeu du jeune Kamiya, on notera vos performances via une lettre scolaire toute droit venue des pupitres des écoles américaines. Sachez donc vous montrer digne des possibilitées offertes par votre mentor pour briller de milles feux !
C’est bien beau de parler des pouvoirs psychédéliques, mais retournons à l’essence même du
beat them all: Cogner ! A ce titre, le
gameplay de
Viewtiful Joe fait dans le classicisme : enchainement avec un unique bouton d’attaque, glissade, uppercut, coup de pied sauté... attirail de coups auquel peut s’ajouter tout un tas de petits bonus (projectiles, double saut...) et surtout un sens inné de l’anticipation. Concrètement, lorsqu’un de vos caustiques adversaires s’apprète à vous assener un coup, un signal “tete de mort” apparait, avec un bon timing il ne reste alors qu’à esquiver le coup via une pression vers le haut ou le bas, et de répliquer illico, l’ennemi ayant été feinté.
C'est bon mais c'est chaud
Si vous avez lu plusieurs avis de la presse, ou simplement de joueurs, un point commun ne vous aura pas échappé: la difficulté ! Hé oui, Joe a d’autant plus de succès auprès des dames (et de certains messieurs) qu’il est réputé particulièrement dur et épicé. Qu’en est il réellement lorsque nous nous essayons au mode le plus aisé ? En réalité, même s’il arrive bien sur de mourir par manque d’energie, le fait que le jeu enregistre automatiquement votre progression via des check point imaginaires vous simplifiera grandement la tâche et nous rappelle que tout old shcool qu'elle soit, la production de
Capcom date de 2003... à une exception près cependant, lors de l’avant dernier stage, mais vous découvrirez bien par vous même pourquoi il y a de quoi s’arracher les cheveux, à vos dépens... Là où
Viewtiful Joe pousse assez loin le sadisme, c’est avec les ridicules bestioles plus ou moins humanoides qui servent de boss de fin de stage. Leur capacité à vous limer les nerfs vous amenera malgré vous à pratiquer une introduction au “zen”. Le fait est qu’il est en fait ardu d’en venir à bout sans en avoir trouvé LE point faible, LA bonne technique. Bon courage ! Alors oui de toute façon
Viewtiful Joe est ardu, mais loin d’etre insurmontable, le joueur ayant un champ d’action qui se limite à foncer droit devant soi, toute partie ne pourra que le rendre plus vif et plus vaillant.
Viewtiful Joe, malgré des musiques qui n’arrivent pas au niveau du reste, transcande un système aux mécaniques old school, en l’exposant de maniere bonnement flashy et psychédélique et surtout... fun !
On a beau dire, au 21ème siècle, le
beat them all trouve encore de fort beaux représentants sur nos consoles, le genre est loin d’etre si désuet qu’on veut nous le faire croire. Kamiya est clairement un artiste qui ne fait pas dans la demi-mesure, ici absolument tout est sujet au second degré et à la démesure.
Devil May Cry allait déjà très loin en propulsant progressivement le joueur dans un enfer que n’aurait pas renié Dante, l‘auteur de la "Divine Comédie" (enfin bon je dis ça mais je ne l’ai pas connu). En ce qui concerne
Viewtiful Joe, on pourra considérer qu’il appartient à un genre éculé, je pense que l’on peut surtout parler d’originalité, car à ma connaissance jamais le visuel n’a été aussi bien mis au service du
gameplay. Une réconciliation technique et ludique pour un plaisir de jeu incontestable.