Il aura fallu attendre pour que la brise fraîche et légère de Capcom se décide enfin à fouler le sol européen. Les studios Clover, puisque c'est à eux qu'en reviennent les mérites, nous gâtent en ce début d'année et nous rappellent qu'il n'y a pas que la next-gen dans la vie.
On aurait pu penser il y a un an que la Playstation 2 avait dit tout ce qu'elle avait à nous dire, en nous montrant ses limites avec des jeux comme
God of War ou
Shadow of the Colossus. Mais il n'en est rien, et
Okami nous surprend bien plus que ce que l'on aurait pu imaginer. C'est en jouant à un titre comme celui-ci que l'on rentre en pleine méditation sur les jeux vidéo, sa conception, son histoire, son but, ainsi que son avenir. C'est avec une émotion mélancolique que je rédige ce test, transporté par une expérience qui me remplit de bonheur. On a de cesse de se remettre en question quand on joue à un jeu de cette trempe, qu'est ce que l'on peut attendre du jeu vidéo, on a de cesse de nous bassiner de nouvelle technologie, de triple mapping core vertex shader en temps réel, alors que l'on ne découvre que maintenant les possibilités du cel-shading sur nos consoles dites à présent old gen. Bien que les développeurs commencent à bien exploiter les possibilités graphiques de nos consoles dites next-gen, il reste tant de choses à découvrir et
Okami en est le meilleur exemple.
Le cell dans la Playstation 2
Okami, c'est une œuvre d'art, une fresque, un tableau, qui se découvre pas à pas, qui émerveille la pupille. Ce sont tous nos sens qui sont affolés par ce qui s'affiche sous nos yeux d'enfant ébahis. Si certains seraient prêts à hurler à la septième merveille du monde, on se contentera de crier au génie. Là où un certain
Jet Set Radio nous avait convaincu que le cel shading était une technique pleine d'avenir, là où
The Legend of Zelda : The Wind Waker nous avait confirmé l'idée, le dernier né de chez
Clover Studio nous montre tout son potentiel. Un déroulement magnifique, bien qu'entaché au tout début, d'une introduction un peu trop longuette et rébarbative et ce, principalement à cause du choix des borborygmes, qui rompt radicalement avec la musique d'accompagnement. Passé ce petit moment, le jeu démarre enfin et la magie opère en quelques minutes. On se retrouve donc, face à un cel-shading de toute beauté dans un style résolument japonais, telle une peinture en aquarelle. Les dessins sont légers, les traits noirs sont inégaux, épais et fins, et ce décor ne cesse de frémir, comme si toutes ces couleurs auraient l'insatiable envie de se mélanger les unes aux autres, d'outrepasser les lois des couleurs complémentaires, de se créer une nouvelle identité, de nouvelles teintes. C'est toute une vie qui prend forme, dans un micro système hors norme. Une œuvre d'art qui peu très bien prendre place à côté des plus grands peintres de ce monde dans les plus grands musées.
Toucher la toile
Devant cette fête de couleurs, ce feu d'artifice artistique, on a qu'une envie : interagir avec ce tableau. Courir au travers des cerisiers en fleurs, dévaler les pentes, sauter de bord en bord, plonger dans l'eau, se rouler dans l'herbe, aller à la rencontre des habitants de tous ces petits villages illuminés d'une palette graphique resplendissante et d'user de son pinceau céleste afin de sauver le Nippon ancien. Lors des toutes premières images, beaucoup de joueurs se sont interrogés, pourquoi ne pas sortir un tel jeu sur une plateforme conceptuelle comme ce fut le cas de la
Nintendo DS, déjà annoncé au moment où
Okami s'ouvrait aux yeux du monde. Certains à présent le verraient très bien sur Wii. Bien que le principe de jeu fasse preuve d'une fraîcheur indéniable et que le gameplay s'embellisse au fur et à mesure que l'on progresse dans l'aventure, on ne peut s'empêcher de remarquer une certaine frustration d'y jouer au pad. Combien de fois on se surprendra à vouloir bouger la manette comme une Wiimote, pour effectuer ses dessins.
D'autant plus que le procédé montre vite ces limites, certains dessins ne s'effectuent pas du premier coup, ou se confondent avec d'autres techniques, nous obligeant dans certaines situations à recommencer plus d'une fois une épreuve. Le pinceau s'utilise avec le joystick gauche de la manette et effectuer les quelques traits, qui matérialisent les techniques ancestrales des différentes constellations du Nippon, demande un petit temps d'adaptation. Bien qu'ils soient minimalistes, il faut être précis et avoir le sens du timing. Quelques passages du jeu s'effectuent à la manière d'un Quick Time Event, en pleine action, souvent en fin de boss, l'écran se fige et on vous demande d'utiliser votre pinceau pour achever en beauté votre ennemi. On regrettera toutefois un léger manque de précision qui devient vite rageant sur le long terme. Mais rassurez-vous, le charme qui découle du jeu vous donnera la force nécessaire pour persévérer et passer outre cette petite faute de parcours. Le pinceau céleste est utilisé pour toute sorte d'épreuves diverses et variées, pour résoudre de nombreuses énigmes et même pour pêcher lors de moments choisis. Dans toutes ces occasions, il sera utilisé de manière judicieuse et intelligente afin de ne pas rompre l'action avec le déroulement de l'histoire qui nous est contée.
Le jeu dispose de tous les éléments nécessaires pour que l'expérience qui s'en dégage reste gravée longtemps dans les mémoires. Bien loin que de constituer une simple aventure, le jeu est riche en contenu pour que votre périple épique ne se consume pas en quelques heures. Outre la quête principale, vous allez avoir du travail pour trouver tous les secrets dont regorge le jeu, en répondant aux attentes des villageois burlesques dont vous allez faire l'étrange rencontre. Tout ce micro monde qui vous entoure durant votre longue aventure est accompagné d'une bande sonore dans la plus pure tradition japonaise. C'est une expédition au pays du soleil rouge que nous sommes conviés à faire. Un dépaysement radical qui nous détache de nos habitudes quotidiennes.