Incarnant pour beaucoup l'un des meilleurs titres de l'ancienne génération, The Last of Us revient cet été 2014 pour garnir le planning PS4, qui manque comme le reste de la « Next-Gen » de verve pour cette première année d'existence.
Note : Ce test est une MAJ de celui dédié à la version PlayStation 3.
Dès les premières images et vidéos, on ne pouvait échapper au parallèle des intéressés avec
La Route tant l'inspiration semblait évidente. Pourtant, contrairement à l'excellent roman de Cormac McCarthy (et au film du même nom), on connaît ici la principale cause de ce qu'on pourrait appeler la fin du monde : une infection. Une simple infection comme on en a vu des dizaines à travers les différents médias qui, via des spores, transforment les pauvres humains en espèce de zombies emprunts de folie et accessoirement amateurs de chair et de sang. Et bien entendu, il reste sur la planète quelques survivants qui sont parvenus à réchapper au massacre, se devant désormais de prendre des précautions pour être assuré de voir chaque lendemain. Un contexte totalement générique donc, usé tenteront certains malgré le succès continue de la licence
Walking Dead, mais toujours béton, surtout quand on voit ce que les développeurs ont su en faire.
Si vous demandez à
Capcom comment faire un jeu à base de zombies, on vous répondra probablement que l'essentiel aujourd'hui est d'avoir tout un tas d'explosions dignes d'un Michael Bay, des hordes d'infectés, des armes avec des brouettes de munitions, des personnages aux actions chorégraphiées par Kitamura et surtout de la coopération pour blaster à tout va. Si vous demandez à
Naughty Dog en revanche, on vous parlera avant tout d'ambiance. Car oui,
The Last of Us, c'est avant tout une ambiance palpable d'un bout à l'autre du jeu, et qui se ressent à tous les niveaux. Dans l'aspect sonore tout d'abord, où l'avarice des développeurs en terme de musiques laisse place à un contexte froid, laissant uniquement place à la nature, aux bruits bizarres des infectés, proches ou éloignés, au silence de plomb parfois même, mais également au doublage français tout simplement impeccable malgré quelques petits problèmes de synchronisation.
Mais
The Last of Us, c'est aussi des personnages. Comme souvent avec
Naughty Dog, le titre place un casting fait de protagonistes très attachants, de notre Joël totalement blasé par un vécu trop lourd à une Ellie marquante, qui peut parfois passer de l'innocence de son jeune âge à la dureté du contexte, prête à faire un doigt à celui qui la regarde de travers. Chacun apporte sa petite pierre à l'édifice au travers des cinématiques bien entendu mais aussi dans les phases de jeu, où on fait face à une avalanche de phases d'animation capable de rendre les personnages véritablement vivants. Les Dogs ont l'art et la manière de parvenir à nous impressionner constamment avec ces petits moments qu'on ne retrouve que trop rarement dans les autres jeux, où notre personnage semble en fait être autre chose qu'un pantin qui avance. Car c'est les détails qui font tout : se gratter le menton de temps à autre, s'essuyer le visage, mettre la main au dessus d'un autre personnage quand on se plaque derrière un mur... A ce propos, si Elizabeth de
Bioshock Infinite nous avait déjà mis une baffe en la matière, Ellie va encore plus loin et semble plus que jamais indépendante, ne nous suivant jamais au pas mais s'attardant constamment sur le décors, nous attend dans un coin, trouve la voie à suivre, ou tout simplement gambade dans son coin en allant même s'essuyer les pieds dans de l'herbe. Des détails donc, qui font toute la qualité du jeu.
Dans la forme, on ne pouvait décemment passer à coté de la plus grosse qualité du jeu : son aspect technique. Alors bien sûr, juste dans les grandes formes, on n'est pas impressionné. Pas parce qu'il est laid ou moyen, ça reste une tuerie, mais tout simplement parce qu'il est difficile de parvenir à impressionner l'habitué sur une console qui a sept ans d'âge. Et pourtant,
The Last of Us y parvient et ce grâce à trois aspects : l'absence de temps de chargement, le level-design impeccable (on va y revenir) et surtout le souci du détail qui détruit la quasi-intégralité des autres jeux de cette génération. C'est bien simple, on n'a jamais vu un tel travail effectué sur les décors, la plus grosse mention venant des passages urbains où nous aurons l'occasion de fouiller un tas de maisons et appartements, sachant qu'aucune pièce ne ressemble à une autre. Disposition des meubles, types d'objets, détails... Tout est complètement différent là où d'autres développeurs se sont fait spécialistes dans l'art du copié/collé. Et surtout, tout est méticuleusement disposé pour ne pas faire faillir le réalisme. Dans un simple appartement, la chambre des parents aura bien son lit deux places, son grand miroir, son tableau, sa petite télé cathodique, tandis que la chambre d'à coté, probablement celle de l'ado, ce sera bureau, pc, écran plat, posters jouant sur de nombreux clins d'œil, pantalon crade sur le sol... Une fois encore, du jamais vu jusqu'à présent.
Seulement, fournir une abondance de détails n'a réellement d'effet que si un maximum le remarque. Coup de bol, le principe même du jeu nous obligera justement à avancer lentement et à tout fouiner. Car
The Last of Us, ce n'est pas
Uncharted avec une bande d'infectés. Si la prise en main de Joël rappelle celle de Drake, la souplesse en moins (notre héros n'étant plus tout jeune), il faudra oublier les munitions à volonté et la possibilité d'y aller tranquillement de front face à plusieurs opposants, même dans la difficulté la plus simple. Très peu de balles, des armes qui se cassent, des ennemis qui font très mal, la peur (et la possibilité) de mourir à chaque instant... Cette production est bien un survival-horror. En tout cas bien plus que certains titres qu'on souhaite nous vendre comme tel (voir
Resident Evil 6 et
Dead Space 3...). Ici, point de bourrinage, c'est même totalement déconseillé vu que le moindre bruit est susceptible d'attirer une foule d'ennemis pouvant vous butter en quelques secondes. Seule l'infiltration compte, et le level-design joue sur cela.
Sans tomber dans la linéarité absolue de 95 % des TPS actuels,
The Last of Us offre des zones parfois très ouvertes, et surtout ne donne jamais l'impression d'avancer dans un couloir. Il y a bien toujours ce point principal à atteindre (généralement une porte) mais y foncer directement est parfois difficile vu les opposants qui traînent dans le coin, et de toute manière totalement déconseillé pour ne pas se retrouver rapidement à court. Car on l'a vu plus haut, on est souvent démuni et l'architecture des niveaux est faîte de manière à toujours pouvoir fouiller des recoins cachés, en particuliers des pièces secondaires. Hormis quelques munitions, des briques, des canettes vides ou une arme de fortune (planche, tuyau...qui se détruisent en quelques coups), on peut surtout crafter des matériaux pour pouvoir construire diverses choses des plus utiles, comme du soin, des surins (pouvant repousser un ennemi ou ouvrir une porte) ou encore des petites bombes.
Au-delà de ça, la fouille intense permettra de pouvoir améliorer nos statistiques. On trouve d'ailleurs trois choses à ce niveau, avec pour commencer des outils pour pouvoir booster les capacités de nos armes à condition de trouver un établi. Pas de folie comme une augmentation des dégâts mais juste la possibilité d'améliorer notre vitesse de rechargement, notre cadence de tir ou tout simplement la taille de notre chargeur. Même constat avec les pilules encore mieux planqués que le reste qui octroieront directement des bonus à votre personnage. Là encore, n'espérez pas devenir un barbare Level 20 puisque vous pourrez au mieux augmenter un peu votre jauge de vie, améliorer la stabilité de votre visée voir pouvoir utiliser plusieurs fois un surin avant qu'il ne se brise. Au final, même si le boost équipement/personnage améliore clairement votre capacité à survivre, rien n'est fait pour soudainement rendre le jeu très facile, qui aurait effet de détruire tout l'intérêt de l'aventure.
Et justement, voyons comment se déroule donc cette aventure. Linéaire mais pas trop comme on l'a dit, le jeu parvient à enchaîner les moments véritablement calmes avec les passages de haute tension où la capacité à s'adapter prévaut sur tout types possibles de préparation. Il faut dire que l'IA se montre loin d'être statique et que le bestiaire, s'il est peu fourni, ne se combat pas dans son intégralité de la même façon. Post-apocalypse oblige, on trouve évidemment les humains qui soient s'avèrent être des détrousseurs prêt à tout pour éliminer l'opposant, soit des soldats qui souhaitent éliminer tout ce qui passe devant eux, n'ayant pas le temps de faire le tri entre les bandits et de pauvres survivants. Face à des ennemis souvent bien équipés (armes blanches ou à feu), l'infiltration et la tactique est donc recommandé, en éliminant chaque opposant dans le dos ou en balançant quelques pièges. Une fois repéré, il faudra d'autant plus agir rapidement entre ceux qui vont foncent dessus avec leurs battes, ceux armés d'un flingue qui reste bien planqué, et les petits malins qui vous balancent de loin des cocktails quand on ne s'y attend pas. Heureusement, une fois en dehors de leur champ de vue, il sera possible de se mouvoir dans l'ombre malgré leur capacité à fouiller une pièce de fond en comble sans laisser le moindre angle mort. Les vilains.
Et les choses sont loin d'être plus faciles avec les infectés. On trouve d'ailleurs trois sortes de spécimens : les classiques qui vont fonce dessus à vue sans réfléchir (logique pour un zombie), les claqueurs qui sont aveugles et qui donc réagissent au moindre bruit (pouvant vous tuer en un coup si vous ne disposez pas de surins de défense), et enfin les colosses, infectés de niveau 3 beaucoup plus résistants que la moyenne et capable de vous balancer des spores aveuglants de loin (tout en pouvant également vous arracher la mâchoire sans problème). Un spécimen à chaque fois, ça passe sans le moindre problème mais dès le moment où on tombe dans des zones qui en recoupent deux (voir les trois d'un coup), le stress monte rapidement jusqu'à atteindre son paroxysme quand vous venez à manquer de soin et de munitions. Le terme survival-horror prend ici tout son sens, sachant en plus que les phases de création ou de fouilles dans l'inventaire ne mettent pas le jeu en pause. Le Game Over est donc facile, même en difficulté de base et les nombreux checkpoints sont heureusement là pour détruire toute forme de frustration sans plomber le challenge.
En conclusion, dire que l'aventure est attachante relève de l'euphémisme. Tout est absolument fait pour qu'on ne s'ennuie à aucun instant et l'équipe a su construire un jeu posé qui ne cherche jamais à aller dans la précipitation. Un scénario prenant, une relation entre les personnages qui donnent toujours envie d'aller plus loin, des séquences inoubliables... Une quasi-perfection qui sera à peine touché par quelques petits bugs d'IA. En effet,
Naughty Dog n'ayant clairement pas eu envie de voir le joueur se traîner des boulets, vous ne pourrez jamais être pris à défaut au point de parfois tomber sur quelques situations un poil cocasses. L'exemple le plus typique reste que si vous n'êtes pas encore repérés par l'ennemi, ce dernier ne prêtera pas attention à vos compagnons, même s'ils sont dans leur champ de vue. Un choix qui permet au moins d'éviter les cris de rage et l'envie de mettre une balle dans la tête d'Ellie. En revanche, et ce n'est clairement pas coutumier, lors des véritables combats, nos alliés servent enfin à quelque chose en sachant se débarrasser des adversaires, même s'il ne faudra pas non plus les laisser se débrouiller dans leur coin sous peine de les voir mourir, signifiant un reboot au dernier checkpoint.
Généralement, avec un tel boulot et un travail impeccable, la durée de vie s'en ressent direct. Pas ici puisqu'il en faudra, en jouant en mode normal, près d'une quinzaine d'heures pour terminer l'aventure, en passant pourtant à coté de nombreux secrets. Un excellent bilan à l'heure actuelle, surtout que malgré le genre, on est très vite tenté de retourner dans l'aventure en optant pour la difficulté maximum et en désactivant la possibilité de « voir » les ennemis à travers les murs, démultipliant le stress. En bref, l'aventure aurait pu se suffire à elle-même et on prendrait presque le multijoueurs comme un simple bonus facultatif. D'ailleurs presque annoncé comme une révolution selon les développeurs, la composante online se montre assez classique de base avec ces deux modes de jeu jouable jusqu'à huit (4 VS 4), le premier offrant 20 vies par équipe avec demande de craft sur une grande map tandis que le second sera plus porté vers les affrontements avec plusieurs manches (une vie par joueur à chaque fois). On retrouve d'ailleurs des classes de personnages et de la personnalisation sur divers secteurs et l'équipe a su apporter sa petite touche qui permet de se démarquer : munitions limitées poussant à la stratégie, système de clans pouvant gonfler en membres, augmentant vos chances de bonus mais demandant de récupérer davantage de vivres... Un sympathique bonus en somme, en total adéquation avec le contexte de cette licence.
Et la version PlayStation 4 ?
Le grand débat à l'annonce d'une version Next-Gen venait de l'utilité même de ce portage, certains pointant du doigt Sony de profiter de l'absence de rétrocompatibilité pour commencer à refourguer son catalogue PS3 à plein prix ou presque (49,99€). On ne cachera d'ailleurs pas qu'à ce tarif, il est inutile pour ceux ayant déjà retourné l'original de repasser à la caisse, sauf si vous ne vous êtes contentés que d'un rush l'année dernière, que vous avez « vraiment » envie d'y retourner, et que vous n'avez surtout touché à aucun DLC. Cette version plus ou moins GOTY (d'autres DLC étant prévus prochainement) comprend en effet la totalité des choses payantes rajoutées entre temps sur PlayStation 3, principalement du coté du multi avec une grosse fournée de nouvelles cartes, armes ou encore compétences. Malgré tout, le gros morceau pour ceux s'étant contentés de la version de base accueilleront avec plaisir l'extension solo
Left Behind, sorte de préquelle permettant d'incarner Ellie aux cotés d'un nouveau personnage aussi réussi que le reste (Riley). Un rajout très proche de l'aventure centrale, certes encore plus orienté infiltration, qu'on terminera avec plaisir mais malheureusement trop rapidement : environ trois petits heures.
Et bien entendu, le point qui donnera envie à certains de repasser à la caisse, en maudissant ceux qui ont eu l'excellente idée de patienter sans toucher à l'édition PS3, c'est bien entendu l'aspect technique. Bon, le titre était déjà une tuerie de base, mais il l'est encore plus aujourd'hui. Ce serait mentir de dire que l'expérience en est soudainement transcendé, certains défauts restent même présents comme un léger clipping et des temps de chargement un peu longs (moins qu'avant certes), mais même sans avoir jeté un œil au jeu depuis des mois, l'évolution fournie par le 1080p/60FPS saute directement au visage, et dès l'introduction du jeu. C'est indéniablement plus fin et tous les détails ressortent directement à l'écran pour offrir une expérience désormais optimale et sans la moindre concession.
(Note : Nous n'avons pas pu tester le mode photo, ce dernier n'étant disponible que le jour du lancement via une mise à jour.)
Les plus | Les moins |
+ Une aventure inoubliable
+ Un souci du détail hallucinant
+ Du survival-horror AAA
+ Le travail sur l'ambiance
+ Mature, jusqu'à en être choquant
+ A la fois linéaire et ouvert
+ VF de qualité
+ La durée de vie
+ La version ultime
+ Extension et DLC inclus | - Petits bugs d'IA
- Aucune ristourne pour ceux qui possèdent la version PS3 |
Conclusion : Sans surprise (il aurait été difficile qu'il en soit autrement), The Last of Us se montre aussi percutant sur PS4 que sur la bonne vieille PS3. Parce qu'il était l'un des plus gros indispensables de l'ancienne génération et parce que la nouvelle n'a pas encore suffisamment montré sa valeur, le titre s'impose ironiquement comme le meilleur jeu de la machine. En tout cas, si vous ne l'avez pas déjà fait.