Pour la sortie de son One Shot Mario, Masashi Kishimoto a donné une grande interview (la fameuse page 02-03 manquante).
Cette interview parle surtout autour de ce One Shot et peu de Naruto, on en apprend aussi un peu plus sur la personnalité de Kishimoto. On peut en retenir que y a peu de chance que Mario soit un jour un manga a part, on se rassure donc le mangaka ne prépare pas déjà l'après Naruto qui peut encore en avoir pour quelques années.
En exclusivité, Mario le nouveau One shot de Masashi Kishimoto…!!
Comment Masashi Kishimoto a élaboré la création de son œuvre de prédilection !? Kishimoto nous révèle lui-même, les dessous de la réalisation de cette histoire au titre énigmatique !!
Nouvelle version : 1998 /2013
Deux images avec le même motif, celle de gauche a été dessinée il y a 15 ans, et celle de droite est plus récente.
Une histoire conçue avant celle de Naruto
Question : Vous avez, bien avant la publication de Naruto, conçu les ébauches de Mario et c’est d’ailleurs l’une de vos oeuvres inédites, mais à quel moment avez-vous réellement entamé ce projet ?
Masashi Kishimoto : c’était il y a 15 ans environ, donc aux alentours de 1998. C’était avant le début de Naruto, et à cette époque les deux projets n’étaient qu’à l’état de conception.
Q : Mario est un tout autre registre d’histoire, comparé à Naruto & à Karakuri, qu’est-ce qui vous a poussé à envisager l’écriture de cette histoire ?
MK : Avant de commencer j’avais envoyé plusieurs manuscrits différents à Weekly Shōnen Jump, mais ça n’avait pas marché, et à ce moment là je me suis demandé si le contenu été vraiment approprié à un magazine shonen. Après j'ai décidé de réorienter mon projet pour un magazine seinen, et c’est là que j’ai dessiné les 1eres ébauches de Mario.
Q : Donc Mario n’était pas initialement destiné à WSJ ?
MK : J'avais en effet envisagé de le proposer à un magazine seinen plutôt que shonen, Il devait s'agir si je ne m’abuse à l'époque de Super Jump (magazine qui n’est plus édité). Ça ne pouvait pas apparaître dans le WSJ à cause du contenu peu approprié au public plus jeune.
Comme je n’avais en aucun cas l’intention de soumettre le projet à WSJ, je n’étais pas tenu d’informer le rédacteur en chef quand j’avais commencé à travailler sur le projet.
Comme je n’en avais fait part à personne, j’avais l’impression de travailler un peu en cachette. J’ai vraiment adoré dessiner pour ce projet, et j'avançais dans mon histoire à mon rythme sans m’inquiéter des contraintes et des détails tels que le nombre de pages, du coup avant même que je ne m’en rende compte l’œuvre était déjà bien longue.
Q : Elle était de quelle longueur approximativement ?
MK : En fait, il y a quelques temps dans l’un des tomes de Naruto, j’avais évoqué environ 160 pages, mais j’avais un peu surévalué. Plus tard en vérifiant j’ai comptabilisé environ 130 pages. (rires).
J'avais une certaine liberté de manoeuvre qui m'était accordée, si je voulais être en accord avec ce que j'avais déclaré initialement. Comme j'avais dit au départ que le total excéderait les 160 pages il me fallait ajouter au moins une quarantaine de pages aux 130 pages existantes. (rires)
J'en suis encore aux 130 pages initiales... oui j’ai menti, mea culpa.
Après 15 ans, voilà en exclusivité l’oeuvre de prédilection !!
Q : Le manuscrit a été enfoui, et vous avez débuté le manga Naruto, Kishimoto-sensei, pouvez-vous nous dire un peu ce qui s’est passé à ce moment là ?
MK : A cette période, comme je pensais basculer d’un magazine shonen à un seinen, je ne faisais plus du tout d’avant-projets pour WSJ hormis celui de Mario que je venais de faire. Un jour, l'éditeur en chef de WSJ m’a contacté pour me faire remarquer que ça faisait un moment que je n’avais pas proposé de manuscrit, et il m'a demandé ce qu’il en était. Je lui ai répondu la vérité, à savoir que je ne travaillerai peut-être pas sur un magazine shonen, donc qu’il valait peut-être mieux plutôt envoyer mes ébauches à SJ (seinen). Et je lui ai également dit, que j'avais dessiné un manuscrit pour un manga que je pourrais proposer à un magazine seinen. Si ne m’abuse il m’a demandé s’il pouvait y jeter un œil.
Même si ce n’était pas approprié pour le magazine WSJ, car le contenu était sans doute un peu déroutant, je me suis dit qu’il pourrait en qualité d'éditeur, sûrement me donner son avis en tant que manuscrit à visée seinen, je l'ai donc laissé consulter le manuscrit.
Q : Quel fut son avis?
MK A ce moment là, l’éditeur a dit : "ça c’est le genre de manqa que tu pourras toujours dessiner plus tard avec un peu plus d'expérience, mais il y a une catégorie de mangas que tu ne peux faire que maintenant tant que tu es encore jeune, c’est pourquoi je te suggère de travailler plutôt sur un manga pour un magazine shonen" ! après cela il m'a demandé d’essayer une dernière ébauche pour un shonen, et j'en ai refait un dernier pour WSJ. Après cela il a été décidé que Naruto serait publié, et le manuscrit de Mario avait été mis de côté.
Q : A en croire les commentaires publiés dans les volumes de Naruto du WSJ, il semblerait que Mario était l’oeuvre en laquelle vous croyiez vraiment et sur laquelle vous misiez.
MK : A l’époque j’étais de nature plutôt anxieuse, et je ne pensais pas que ce projet pouvait un jour voir le jour, donc je cherchais constamment à m’auto-persuader, mes commentaires ont pu laisser transparaître une certaine assurance car j'avais en effet dit que c’était "le plus grand manga que je n’ai jamais réalisé".
Si ce manga n’avait pas eu l’occasion de sortir, les lecteurs auraient certainement pensé qu'en fin de compte ce n’était pas si bien que ça. Jump Square a donné l’opportunité à cette oeuvre d’être publiée, pour sa réalisation, j'ai donc dû placer la barre vraiment haut, ce qui m’a terriblement angoissé (rires). C’est un peu embarrassant à dire mais soyez indulgents, j’étais encore très jeune à l’époque.
Q : Après l'avoir mis de côté pendant 15 ans, pourquoi avoir décidé de révéler Mario au public maintenant ?
MK : C’est mon ancien éditeur qui en a parlé à l’éditeur en chef de JSq Yahagi-san. L’an dernier à l'avant première du film de Naruto sur lequel j'avais travaillé, lors d'un diner d’affaire à la fin de la séance, j’ai rencontré Yagahi-san. Il m'a demandé lors de la discussion quelque chose du genre "Je voudrais que tu me fasses un One Shot pour JSq".
Pour être franc, en vérité ce fameux diner d’affaire n’a pas eu lieu après l’avant-première du film et c’est moi qui lui ai en réalité demandé de réaliser le One Shot ! (rires).
Q Après la requête, a-t-il été décidé que vous travailleriez directement sur le projet ?
Mk il a été pendant longtemps le collègue de mon ancien éditeur, comme il lui devait beaucoup, il ne pouvait rien me refuser. (rires).
Q Avez-vous des souvenirs du premier éditeur avec qui vous avez travaillé, dont vous aimeriez nous faire part ?
MK : Ça fait vraiment très longtemps, mais je me souviens un peu du bon vieux temps. Une fois on a eu une réunion au sujet d’un projet, et l’un des souvenirs qui m’a marqué c’était sur les corrections que nous avions effectuées ensemble sur le papier. Une autre fois, c’était approximativement aux alentours des examens chunin dans Naruto, on avait encore effectué ensemble des rectifications du manuscrit.
Q : Quelles sont les différences majeures entre la version initiale et celle qui est publiée dans le JSq ? Pour pouvoir l’adapter au format du manuscrit qui a été soumis, vous avez sans doute dû résumer les 130 pages de la version initiale que vous aviez conçue.
MK : Même si ça ressemble à une fausse excuse, sachez qu'au moment où j’ai dessiné Mario, à aucun moment je n’ai envisagé qu’il serait publié dans un magazine, donc je pensais tout simplement pouvoir dessiner ce que je voulais quand je le voulais sans prendre en considération la longueur. L’œuvre s’est avérée assez longue, comme cela faisait 130 pages le format n’était pas approprié pour la parution dans un magazine, j'ai donc dû le réorganiser de manière drastique pour que cela puisse tenir sur 49 pages. Si j’avais pu réellement le produire sur 160 pages cela aurait pu être parfait.(rires) Mais j’imagine que je n’aurais jamais eu suffisamment de temps pour dessiner 160 pages.
Q : oui ça ressemble davantage à un remake. Quand vous avez dessiné la nouvelle version, est-ce que certains passages vous ont posé problème ?
MK : J'ai eu l’impression d’avoir littéralement été téléporté dans le passé. Cela ressemblait plus à un nouveau One shot redessiné à partir d’aucun support, dans la mesure où l’œuvre initiale était inachevée, et cela faisait beaucoup trop longtemps que je l'avais conceptualisée. De plus, il n’était pas évident d’essayer de tout résumer car dans l’histoire initiale il y avait un certain rythme difficile à rompre, j’hésitais quant aux passages qu’il fallait synthétiser. Certains passages de l’œuvre ont dû être complètement retravaillés, parce que je trouvais que cela faisait amateur. J’ai été particulièrement prétentieux à l’époque, je vous prie d’accepter mes sincères excuses.
Q : Vous avez passé combien de temps à le préparer ?
Mk : A vrai dire le temps que j’ai passé sur Mario était raisonnable. J’avais bien évidemment un délai à respecter, depuis la commande du one shot, je me répétais sans cesse " il faut que j'avance", je savais que si je procrastinais trop je finirais par manquer de temps pour le terminer. Plus la date butoir s’approchait plus mon rythme de travail était effréné.
Q : Concernant l'histoire et les dessins, quels sont les plus grands changements ou corrections que vous avez apportés ?
MK : D’abord j’ai retiré les lunettes, parce que j’avais déjà expérimenté le dessin des lunettes dans Naruto. Puis j’ai aussi un peu changé le chara design. Dans la version initiale Mario circulait en scooter et dans la version JSq il utilise la voiture. J’ai aussi un peu peaufiné l’environnement urbain.
Q : Pouvez vous nous faire part de vos impressions sur le fait de travailler sur une œuvre qui date d'aussi longtemps ?
Mk : A mon avis au niveau des dessins, ils sont plus nets et lisibles que pour la version initiale. Comme cela fait plus de 10 ans que je dessine Naruto, d’une manière ou d’une autre mon coup de crayon a dû inévitablement être influencé. On m’a demandé quelques illustrations en couleur, j’en ai donc produit une avec le même motif que celui de la version initiale (voir ci-dessus) j’espère que les lecteurs s’amuseront à les comparer. Dans le croquis de la version originale, c’est moi qui avais dessiné le décor, mais dans la nouvelle version c’est un assistant qui s’en est chargé. Il y a quelques petits détails qui changent, dans la nouvelle version par exemple il manque la cigarette et l’anneau au doigt. Dans la version originale il a un pansement qui couvre une blessure au front et pas dans la version JSq. C’est parce que dans le premier manuscrit il y a une intrigue où le héros a été blessé, mais ce passage a été supprimé dans le one shot donc il n’était plus nécessaire de conserver les traces des blessures. J’ai conservé la cicatrice comme empreinte de l’histoire originale, mais cette histoire je la garde pour moi.
Voilà une autre œuvre de Masashi Kishimoto qui n’a rien à voir avec ce que vous avez l’habitude de voir dans Naruto !
Q : Avez-vous rencontré des difficultés jadis quand vous aviez dessiné la version originale?
Mk : A ce moment-là, je n’avais pas de contrainte concernant la longueur, donc je dessinais ce que je voulais sans trop m’inquiéter, j’étais dans mon univers. Des armes à feu, des tueurs à gages, j’adore cet univers cool et un peu rétro à la fois, et je regarde beaucoup de films où il y a des combats à armes à feu.
Q: Qu’aimez vous plus spécifiquement dans ses films ?
MK : J’aime beaucoup les plans sur la prise en main des armes. Comme par exemple des détails du genre le chien* qui se soulève avant chaque tir, qui finalement s’apparente à une sorte de ponctuation qui rythme les mouvements, on voit ça souvent au cinéma. Je me suis toujours demandé s’il était possible de retranscrire dans un manga ce genre d’effet. Je trouvais que ce serait vraiment une idée intéressante à exploiter dans un manga. Cela dit c’est vraiment difficile de dessiner ce genre d’actions dans un nombre de pages limitées. J’ai quand même dû pas mal condenser l’histoire initiale et c’est vraiment frustrant.
*Ndt Le chien est la pièce mécanique qui met le feu à la poudre dans les armes à feu anciennes ou qui sert à percuter l’amorce de la cartouche dans les armes plus modernes.
Q : Est-ce que vous vous y connaissez un peu en armes à feu ?
MK : J’aime beaucoup le design des armes à feu, d’ailleurs j’ai étudié quelques prototypes, mais je n'ai rien d'un passionné. J’avoue que ça ne m’intéresse pas vraiment de savoir des détails, comme l’époque de fabrication ou le genre de balles qui fonctionnent pour telle ou telle arme. Je m’intéresse plus à ce qui se passe autour de ces armes, comme l’ambiance dans les films sur la Mafia ou les yakuzas. En substance dans ce genre de film il y a toujours le scènes de fusillade, des éléments romantiques ou familiaux pour agrémenter l’intrigue, et des échanges entre les personnages assez subtils. C'est ce que j’apprécie vraiment dans ce genre.
L'intrique de Mario se déroule à New York !?
Q: Dans l’image de promotion qui a été publiée, on voit pas mal de gratte-ciels en arrière plan, est-ce que le cadre de l’histoire se déroule quelque part dans un autre pays ?
Mk : L’histoire se déroule à New York aux Etats-Unis. Comme je n’ai pas pu faire des recherches plus approfondies, ce n’est pas tout à fait précis. Mais je pense qu’on peut dire que la ville où se déroule l’intrigue c’est une sorte de copie imaginaire de New york. J’ai créé moi-même de toutes pièces les immeubles que j’ai dessinés dans la version originale. Mais pour la version publiée sur JSq, en regardant quelques photos, je me suis dit qu’il fallait effectuer quelques retouches. Mais pour certains qui m’ont demandé un gros travail de réflexion, je les ai conservés tels quels. Si vous y regardez de plus près vous trouverez surement certains lieux assez étranges, c’est un peu pour moi par nostalgie par rapport à la première version.
Cher lecteur : Voici un message de Kishimoto-sensei
Q: En conclusion, pour ceux qui liront la version de Mario qui paraitra dans le JSq, pourriez-vous nous parler de certains aspects de Mario.
Mk : Du point de vue du lecteur, même si je pense que le style de Naruto s’est avéré marquant, il faut savoir que Mario a été initialement conçu pour un magazine seinen, donc à mon avis, l’atmosphère qui y règne est complètement différente. J'espère vraiment lire des commentaires du genre "je ne reconnais pas le style Masashi Kishimoto". Certains passages ont été délicats à travailler, j’appréhende donc un peu les commentaires. (rires)
Q A propos, en dehors de Mario, auriez-vous d’autres œuvres inédites en réserve ?
MK : Non ! Même si j’en avais, j’aurai nié, parce que cela aurait soulevé un certain nombre d’attentes. (rires)
Souvent je me demande ce que je pourrais bien dessiner, mais j’arrête de m’interroger quand me vient la réponse "ce qu'il y a de plus intéressant, évidemment".
Si j'en ai l’occasion un jour, j’aimerais pouvoir dessiner secrètement pour un projet que je ne révélerai qu’une fois l’œuvre terminée. Si cela arrivait, j’espère de tout cœur que les lecteurs la liront.
On attend donc avec impatience le jour où vous aurez ce secret à nous révéler.
Merci, Masashi Kishimoto-sensei !!
pourquoi sensei ? -_-