Cinq ans (et même un peu plus), c'est diablement long pour un fan et même si
Bethesda Softworks a su livrer quelques proses de qualité entre temps, nous trépignons à l'idée de retourner enfin sur les terres de Tamriel, et plus précisément dans la région nordique de Skyrim, renommé Bordeciel dans notre langue. Que les amateurs se préparent : cent heures ne seront clairement pas suffisantes pour découvrir les multiples secrets que nous offre ce nouveau lieu.
L'histoire débute deux cents ans après les événements contés dans
The Elder Scrolls IV : Oblivion, dans une époque où l'empire ne semble plus aussi invincible qu'auparavant, surtout depuis que le Haut-Roi de Bordeciel s'est fait assassiné par la communauté des Sombrages, sorte de mouvement porté sur la rébellion du peuple. Passé le menu start où on appréciera le fabuleux thème principal du jeu, on démarre donc à bord d'un convoi de chariots où de multiples prisonniers, dont les assassins du Haut-Roi, sont emmenés pour être décapités en public. Vous n'êtes pour rien dans cette affaire mais vu que vous passiez dans le coin, l'empire n'a pas souhaité prendre de risque et vous a placé dans le même lot. Évidemment, les choses ne se passent pas du tout comme prévu et l'attaque d'un dragon, race qui avait pourtant disparue de Tamriel depuis des siècles, vous sauve la mise et vous permet en l'espace de quelques minutes de faire un choix d'importance : fuir avec l'empire ou avec les Sombrages. Dans un cas comme dans l'autre, quelques dizaines de minutes à vous faire la main vous permettront de vous sortir de cette situation et vous retrouver en paix à l'extérieur. L'aventure peut enfin démarrer.
Comme
Oblivion ou
Fallout 3, un premier pas à l'extérieur nous permet d'apprécier l'aspect gigantesque du terrain de jeu qui s'offre à nous. La claque visuelle n'est pas aussi grande qu'à l'époque, surtout aujourd'hui où les sandbox sont devenus monnaie courante, mais on appréciera le travail effectué par les développeurs qui parviennent à placer une nette différence avec le premier épisode tout en restant sur la même génération de consoles. C'est bien simple, tout y est plus beau et plus varié, que ce soit la modélisation des personnages, les armes, les habitacles, la gestion des effets de lumière, la pluie... Tout. Bon, bien sûr, la taille des environnements conduit irrémédiablement à quelques défauts techniques, à commencer par du clipping (tout de même moins « claquant » que dans
Oblivion) et certaines textures parfois bien moches, comme la neige à certains endroits. On rajoutera des temps de chargements un peu trop longuets par endroits, le prix à payer pour ce genre de jeu.
Mais ce genre de petits problèmes restera de l'ordre du détail au regard du reste des qualités, surtout quand on voit qu'une partie des défauts du précédent épisode ont été complètement retravaillés pour enfin satisfaire les joueurs. On préférera toujours jouer en vue à la première personne mais on n'aura plus la moindre honte à actionner la troisième, tant cette vue semble enfin être tirée de n'importe quel jeu d'action, avec un personnage qui ne « glisse » plus sur le décor et dont l'animation faisait peine à voir. L'autre grand défaut du quatrième épisode, c'était les donjons qui, s'ils étaient évidemment plus travaillés que dans
Morrowind, perdaient un peu de leurs superbes tant on s'apercevait qu'au bout de quelques dizaines d'heures, les développeurs avaient joué la carte du copié/collé pour de nombreuses salles. Ici, quasiment chaque donjon/prison/cave/mine incarne une aventure inédite à appréhender, faite d'exploration, de combats et de petites énigmes jamais difficiles à résoudre mais qui montrent clairement l'évolution que prend la série.
Dans le troisième épisode, on notait encore l'absence totale de vie chez les PNJ, qui restait plus ou moins fixes comme des piquets, quel que soit l'heure de la journée, de jour comme de nuit. Dans
Oblivion, les choses se sont heureusement arrangées avec la présence d'activités chez chacun, œuvrant pour un certain cycle tout au long de la journée, qui imposait du coup la fermeture des magasins une fois le soleil couché. Certes, leurs vies semblaient encore plus bercées par la routine qu'une carrière comme travailleur à la chaîne mais c'était toujours un gros plus pour l'immersion. Dans
Skyrim, on reste dans les mêmes eaux avec tout de même un certain bond sur un point : les dialogues. Ces derniers sont toujours aussi riches, toujours prompts à un peu d'humour, mais c'est surtout les échanges entre PNJ qui s'avèrent aujourd'hui plus profond et usant d'autres textes que ce qu'ils réservent habituellement pour réponses à nos questions: un enfant (impossible à tuer, pour info) qui cause avec son père, un barde qui chante avec l'ivrogne de la taverne, une employée qui discute avec le tenancier du coin, une bagarre qui éclate au cœur de la guilde... Plein de petites choses qui renforcent l'ambiance de cette aventure décidément riche.
Et riche, elle l'est d'autant plus quand on voit le nombre de choses à faire. Et c'est encore pire quand on commence à s'y atteler. L'univers est incroyablement grand, on ne va pas y revenir, mais c'est surtout l'afflux non-stop de quêtes qui donne le tournis. Le masochiste qui souhaite retourner le jeu dans tous les sens en aura pour son argent (pas sûr que vous ayez visité chaque recoin au bout de 200 ou 300 heures). On jette un œil dans son journal de quête, on en valide une qui semble intéressante comme rencontrer le boss d'une faction et on s'aperçoit que l'objectif se trouve à quelques kilomètres de là, dans une zone encore inexplorée qui plus est. Plutôt que de payer un « taxi-chariot » qui fait la navette entre chaque capitale, on use nos souliers (ou les sabots d'un cheval) pour se mettre en route, jusqu'à ce que le drame démarre. En effet, le chemin qui lie notre point de départ à l'arrivée est parsemée de grottes, camps, cavernes ou forts qu'on sera toujours tenté d'explorer pour y trouver l'arme qui remplacera celle qu'on se trimbale depuis un moment.
Seulement, chaque « donjon » peut prendre de vingt minutes à deux heures faciles, ponctuées par quelques allers-retours pour aller vendre le matos ramassés une fois plein. Un compagnon ou mercenaire peut vous accompagner pour doubler votre capacité de stockage, qui augmentera rapidement devant le paquet d'armes et armures laissés sur les corps de vos victimes. Entre deux voyages, on s'aperçoit qu'un des lieux en question vous permet de récupérer une arme qui est la propriété d'un autre. Par l'odeur alléché de l'argent, on ne s'empêchera pas d'aller voir le quidam en question pour récupérer notre récompense, tout en croisant une ou deux grottes en passant, à explorer évidemment. Entre temps, on fera face à l'une des nouveautés du titre : les événements aléatoires. Par la force des choses et l'appât du gain et de l'expérience, on prêtera donc main-forte à quelques gars en difficulté face à un ours, on repoussera l'attaque d'un dragon qui s'est posé au cœur de la ville, on fera entendre raison (à coup de haches dans la face) à une bande de chasseurs de primes. Résultats, six ou sept heures plus tard, soit la durée de vie solo de certains jeux, on remarquera qu'on a gagné 5.000 septims (monnaie locale), deux nouvelles armes, une armure dwemer top-classe et trois niveaux, mais qu'on n'a toujours pas avancé d'un pouce dans notre objectif premier (le boss de la faction, vous vous souvenez ?).
Prenant, le jeu l'est indubitablement, et propose également des quêtes dignes d'intérêt. Bien sûr, le fond restera souvent le même, à savoir aller chercher un objet, éclater la tête d'un ennemi ou explorer un donjon... Mais contrairement à bon nombre de RPG, japonais autant le dire, le contexte ne se résume pas à un grand-père situé à l'entrée de la caverne qui vous demande d'aller chercher son collier à l'intérieur parce que l'endroit est « soudainement » habité par des tueurs, des monstres, des démons ou des responsables d'agence de notation. On garde évidemment quelques missions classiques, surtout lorsqu'elles sont du domaine aléatoire, mais certaines sortent vraiment du lot. On évitera de trop spoiler et on signalera juste un petit hommage à
Very Bad Trip (si, si !) où votre personnage, après un concours de beuverie, se réveille au cœur d'un temple où il doit rembourser les dégâts pour ensuite devoir retrouver son compagnon d'alcool disparu tout en gérant la dette d'une bague que vous avez acheté en vue d'un mariage avec quelqu'un que vous avez évidemment oublié. Tout simplement excellent.
Bien sûr, tout cela n'est que secondaire par rapport à la trame principale, de même que les quêtes des différentes guildes (compagnons, armée, voleurs, assassins, mages...). Pour faire simple, faire juste l'histoire vous demandera quelques dizaines d'heures, tandis que retourner le jeu dans tous les sens multipliera la durée de vie par dix, sans problème et sans DLC. La classe. Seulement reste à aborder le gameplay, qui forcément est toujours aussi profond malgré quelques points qui fera frémir les puristes. Si on pourrait résumer les choses simplement, disons que les développeurs ont voulu rendre le jeu plus accessible mais également plus riche que dans
Oblivion. Hormis la création du personnage et le choix de la race, les fans savent très bien que deux autres points servent à définir le personnage : l'affiliation à une divinité (pour obtenir un bonus unique) et le choix de la classe, que ce soit voleur, guerrier ou autres. C'est bien simple, ces deux parties ont aujourd'hui disparu. Scandaleux ? Pas vraiment. Car les divinités existent toujours, mais on vous laisse encore plus de choix qu'avant vu qu'il suffira de prier vers la pierre requise (l'ensemble étant éparpillée dans le monde) pour bénéficier du bonus voulu, en prenant en compte qu'on ne peut en garder qu'un à la fois.
Pour la classe, petit rappel. En reprenant la formule vue mille fois mais toujours aussi efficace (« c'est en forgeant qu'on devient forgeron »), les non-habitués se doivent donc de savoir que les
Elder Scrolls ne proposent pas de système d'expérience à proprement parlé. Si on veut devenir puissant à l'épée, il suffit de frapper avec, si on veut devenir discret, il faut tenter de se déplacer un maximum sans être vu, si on veut ouvrir les coffres les plus puissants, il faut d'abord s'entraîner sur les plus faibles serrures... Lorsqu'une des compétences franchies un pallié, la barre d'expérience progresse et à son terme, on franchi donc un niveau. Les choses ont donc un peu changé avec ce cinquième épisode. A l'époque, la classe (qu'elle soit préconstruite ou personnalisée) demandait de garder sept compétences principales, seules susceptibles de vous faire gagner des niveaux, le reste devenant secondaire et n'offrant que quelques bonus. Aujourd'hui, on arrête avec les principales et secondaires : toutes les compétences peuvent vous servir à augmenter votre niveau. Qui plus est, plus la compétence est haute, plus elle permet de vous faire progresser rapidement lorsqu'elle franchira un pallié. En bref, si une compétence passe du pallié 45 à 46, elle fera davantage avancer votre barre de niveau qu'une compétence qui passe de 10 à 11.
Cette ensemble de points permet donc une progression des niveaux beaucoup plus rapide qu'auparavant. Il ne sera pas difficile pour un grand explorateur d'atteindre le niveau 50-60 alors qu'on pouvait facilement stagner dans
Oblivion à partir du niveau 35, selon les compétences attribuées. De quoi rendre le jeu trop facile ? Pas vraiment vu que le titre garde son système de level-scaling (les ennemis augmentent en puissance en même temps que vous), avec tout de même quelques améliorations : on pourra quel que soit le niveau croiser des adversaires vraiment balaises qui démonteront alors si oui ou non vous avez bien réparti vos compétences. Et c'est là que le système s'avère beaucoup plus riche qu'auparavant. Alors qu'on pouvait se plaindre sur la disparition de certaines compétences phares de la saga (acrobatie, athlétisme, réparation...), on notera que l'équilibre est désormais bien mieux organisé. Fini la répartition des compétences entre épée, hache ou armes contondantes : le tout est maintenant rassemblé dans « armes à une main » et « armes à deux mains » (en incluant qu'on peut maintenant avoir une arme dans chaque main, voir une arme dans une main, et une magie dans l'autre).
Plus facile d'accès mais également plus garni en choix puisque dorénavant, si un gain de niveau ne vous laissera le choix qu'entre trois améliorations (magie, points de vie et vigueur), on gagnera également un point de compétences. Késako ? Hé bien sachez que désormais, chaque compétence propose un arbre de talents (ou perks) qui lui est propre, où on peut donc placer des points où on le souhaite, pour peu que la compétence en question ait un niveau suffisamment élevé. +20% de puissance avec l'arme à une main, sorts de soins qui usent moins de magie, armure qui ne pèse plus rien, possibilité de construire une clé à partir d'une serrure crochetée, etc. Là encore, les hésitations sont nombreuses, et peuvent se révéler décisives en vue d'une prochaine grosse mission. Et pour ceux qui s'inquiéteraient de voir que les armes et armures sont maintenant devenus indestructibles, sachez que le tout est rattrapé par de nombreuses activités absentes du précédent opus : la forge pour modifier et construire ses propres armes, et (enfin) l'arrivée de la cuisine. L'alchimie et l'enchantement restent également au programme, à ceci près que vous devrez obligatoirement trouver un établi pour vous lancer dans ces pratiques.
Pour terminer, on évoquera évidemment l'arrivée de ces dragons, qu'on combattra au cœur de l'histoire ou de manière totalement aléatoire. Dans un cas comme dans l'autre, la victoire vous permettra d'absorber une âme, à réutiliser pour certains pouvoirs à amasser tout au long du jeu. Les dragons ont en effet leur propre langage, compréhensible par le Novakim (vous donc). Comme s'il n'y avait pas assez de quêtes, certains endroits du jeu vous permettront d'apprendre certains mots de ce langage pour bénéficier de nouvelles attaques (boost de vitesse, déclenchement d'une vague d'énergie, pouvoir qui influe sur le comportement des ennemis...). Le tout accessible selon le nombre d'âme de dragons en votre possession donc. Bref, le test touche donc à sa fin et on a l'impression de n'avoir exploré qu'un petit pourcentage de l'expérience offerte par ce fabuleux titre. On rajoutera en vrac l'arrivée de finish aléatoires en combat, la possibilité de se marier, d'avoir sa propre maison, de devenir un vampire ou même un loup-garou... Bon courage !
Conclusion : La crainte de voir un Oblivion-bis, autant coté technique que dans le gameplay, s'est envolée aussi vite qu'un personnage débutant qui s'est pris un coup de massue par un géant. The Elder Scrolls V a ses défauts, évidemment, des petits bugs à la gestion de l'inventaire en passant par une certaine accessibilité qui fera un peu ronchonner le fan de la première heure. Mais devant une telle grandeur, une telle richesse et une telle expérience, ces quelques petites tâches ne parviennent pas à noircir ce titre qui reste à posséder impérativement. Car cette aventure sur les terres nordiques ne peut être contée. Elle se vit, tout simplement. Un des GOTY de l'année, comme on dit si souvent.