Maudit soit ce jour où les premiers échos de l'absence du mode en ligne dans la version PAL de Resident Evil : Outbreak se firent entendre. Le fait s'est ensuite avéré exact. Prétextant des difficultés avec les serveurs locaux (et la flemme, non ?), Capcom sort chez nous le 16 septembre dernier son Resident Evil : Outbreak dénué de tout mode en ligne. Le titre, dont l'accroche principale était de pouvoir cauchemarder en ligne et de partager son sort funeste avec de parfaits inconnus, devient donc un pur jeu solo. Soit. Que vaut-il en tant que tel ?
Malgré une belle infidélité, sous la forme d'un contrat d'exclusivité avec
Nintendo en septembre 2001,
Capcom ne lâche pas la console reine du marché, ni le constructeur avec lequel sa saga a prospérée depuis 1996, et est devenue le mythe que l'on connaît et reconnaît à travers le monde.
Capcom confie donc à la PlayStation 2 deux épisodes spéciaux puisqu'ils se jouent en ligne pour la première fois dans la série, du moins au Japon et aux Etats-Unis. Après avoir maudit les dieux, à genoux, quant au sort injuste des joueurs européens, on reprend son calme et on tente de déterminer l'intérêt solo de ce premier
Outbreak.
Dans la nuit du 29 septembre 1998
La première conséquence qui découle d'un jeu conçu originellement pour se jouer en ligne, c'est que le scénario doit être peu scripté, voir minimaliste. Malgré ce que pourraient penser les quelques moines zens retirés qui n'auraient jamais joué à un
Resident Evil, la série s'est forgé un scénario ultra-dense, au fil des diverses ramifications qui relient les épisodes entre eux, et dont nous sommes loin de connaître tout les secrets. Mais ici, retour en arrière obligatoire. Le jeu débute la nuit du 29 septembre 1998, c'est-à-dire le jour où Claire et Leon débarquèrent à Racoon City dans
Resident Evil 2, alors que les rats venaient de propager le virus dans toute la cité, suite à un événement tragique bien connu des fans qui nous est rappelé ici avec brio dans une sublime introduction, doublée d'un thème musical mélancolique à souhait.
Resident Evil : Outbreak, dans sa version originale, se jouait donc jusqu'à quatre en réseau. Ici, nous incarnons un seul personnage au choix parmi les huit victimes désignées, et sommes secondés par deux autres compagnons d'infortunes. Le choix de ce personnage n'est pas définitif, on peut en changer à l'issu de chaque chapitre et comme il y a très peu de suivi dans l'histoire, passer d'un personnage à un autre ne pose aucun problème. Mais laissez-moi faire les présentations.
Y en aura pour tout le monde
Honneur aux trois demoiselles du jeu avec l'étudiante Yoko Suzuki dont la particularité est de pouvoir porter jusqu'à huit objets dans son sac estudiantin contre seulement 4 pour les autres. Alyssa Ashcroft est journaliste. Si elle survit, nul doute qu'elle pourra écrire un reportage instructif sur les mœurs de Racoon City. Alyssa est capable de crocheter des cadenas de portes ou d'armoires aisément, là où d'autres devront se déboîter une épaule pour y arriver. Cindy Lennox, jolie serveuse du J's Bar, le lieu où commence le cauchemar. Elle possède un point commun avec Jill Valentine que nous vous laisserons découvrir par vous même lors du cinquième chapitre. Passons aux mâles, avec David King, plombier de son état. Certains zombies se souviennent encore de son légendaire lancer de clef à molette. Mark Wilkins et Kevin Ryman, respectivement agent de sécurité et policier, sont les seuls personnages à disposer d'une arme à feu d'office. Jim Chapman, l'employé de métro pétochard, dispose de la commande spéciale la plus amusante puisqu'il peut faire le mort ! George Hamilton enfin, en tant que bon médecin, pourra manier les herbes médicinales comme personne afin de créer divers remèdes. S'il est vraiment intéressant de se retrouver dans la peau de 'monsieur tout le monde', il ne faudra pas s'étonner de voir la gentille serveuse, à la démarche timide, manier le lance-roquette comme un vétéran, ni même le peu téméraire employé de métro se la donner, fusil à pompe entre les mains, après tout c'est peut-être une marque de réalisme étant donné que les armes sont en ventes libres aux US (ah mauvais esprit, quand tu nous tient) !
Le temps, c'est de l'amour
Resident Evil : Outbreak propose une aventure scindée en 5 chapitres distincts. On ne garde pas les objets accumulés dans le précédent, et on peut changer de personnage à sa guise. Si le premier est nettement orienté action (une fuite dans les rues de la ville fraîchement infestée) et se finit sans problème, même la première fois, la suite se corse. Sans révéler trop de détails, le second vous ramènera dans un lieu déjà visité d'un épisode précédent, le troisième est particulièrement stressant de par la présence d'un 'nemesis' local, le quatrième commence à gagner en complexité et le cinquième est un mixe de tout ça, un véritable mini
Resident Evil à lui tout seul ! Tous ces scénarios, longs et ardus, représentent environ 10 heures de jeu au compteur. Je dis bien 'au compteur' car le temps que vous passerez sur le jeu sera en réalité probablement bien plus long. En effet un élément discutable est au cœur de cet épisode, la limite de temps ! Celle-ci vous empêchera au moins de terminer les derniers chapitres du premier coup, d'où une durée de vie minimale assurée. Cependant, cette limite de temps, qui prend la forme d'un virus parasitant votre organisme petit à petit, si elle peut contribuer au stress, empêche surtout de prendre son temps, de bien tout fouiller (et passer à côté d'un objet clé vous bloquera sans préavis tôt ou tard). D'autant que
Outbreak est moins 'assisté' que ses prédécesseurs. Souvent, lorsque vous interagissiez avec un mécanisme, on vous proposait automatiquement d'utiliser l'objet qui lui correspondait, ici non, vous devrez déduire vous même quel élément convient et où il faut l'utiliser. Non pas que les énigmes soient plus corsées qu'à l'ordinaire, on reste même en terrain connu à ce niveau là, sauf peut-être pour celle de l'horloge de l'université dans le chapitre 5 qui m'a parue particulièrement tordue ! Bref, la véritable difficulté de
Resident Evil : Outbreak provient, non pas des ennemis, guère nombreux, mais de cette limite de temps rédhibitoire et irréversible.
Jouer à plusieurs, mais seul
Techniquement,
Resident Evil : Outbreak est une petite merveille, gardant la même recette de personnages 3D dans des décors précalculés qui leur confèrent un degré de détails appréciable. Certains extérieurs dans le chapitre 5 sont simplement bluffants. Pour autant, la réalisation ne surpasse en aucun cas le survitaminé
Resident Evil façon 'Rebirth' sur Game Cube, mais reste tout à fait séduisante, notamment grâce à l'excellent travail d'animation effectué sur les personnages, leurs démarches et attitudes propres. Aussi, la présence du 60 Hertz dans cette version PAL est un bon point qui permettra de profiter du jeu dans des conditions optimales. La bande-son reste également dans la continuité de ce qui a été produit jusqu'ici. Toujours ces nappes d'excellentes factures et ces bruitages clairement mis en avant. Ambiance garantie, comme toujours avec
Resident Evil.
Etrangement discrédité de toute part depuis quelques années, alors qu'elle était pourtant considérée comme exemplaire aux débuts de la saga, la jouabilité de
Resident Evil : Outbreak est dans le même courant que les précédents. De ce point de vue,
Outbreak est à classer dans la catégorie des 'Anciens
Resident Evil' dont l'épisode 4 devrait marquer une articulation fondamentale. Cependant les interactions proposées entre vous et vos acolytes, de type 'Venir; Aider ; Rester ici; Donner; Prendre', auxquelles vos interlocuteurs ne répondront d'ailleurs pas forcément, amènent un peu de sang neuf et minimisent la sensation de déjà-vu. Il arrivera même à vos collaborateurs de partir explorer seul une autre partie du terrain de jeu, et de le retrouver par la suite en possession d'un objet clé ! Mais leur I.A, si elle n'est pas une catastrophe, peut prêter à confusion. Reste que lorsqu'un des PNJ se rue courageusement sur un zombie, lequel s'apprêtait à vous faire des papouilles dans le cou, le résultat fait chaud au cœur et plaisir à voir ! A l'inverse, vous pourrez jouer les patriarches si un de vos amis est gravement blessé, il ou elle aura parfois besoin d'une épaule protectrice, vous pourrez donc le ou la relever et l'aider à avancer. Il est intéressant de constater qu'évoluer à plusieurs ne diminue pas la sensation d'oppression et de malaise. De même le fait de n'être que rarement seul aidera à pallier ses petits problèmes d'inventaire (quatre malheureux
slots et pas de coffres de stockage !) en répartissant équitablement les
items collectés. Au moins, les machines à écrire ne nécessitent pas de rubans pour sauvegarder, c'est déjà ça de prit ! Aux armes conventionnelles de la saga (9mm, Fusil, Lance Grenade...) s'ajoutent tout ce qui peut faire office d'arme de défense (barre de fer, béquille, cailloux, insecticide...) ainsi que les habituels sprays et plantes pour se régénérer. Vous bénirez particulièrement les quelques pilules spéciale qui ralentiront votre degré de contamination et
in extenso votre mort. Fait plus ou moins amusant, il est impossible de mettre le jeu en pause, on profite alors des temps de chargements, lesquels ont beau être une marque de fabrique, on aimerait tout autant les voir disparaître une bonne fois pour toute. Des efforts avaient été faits dans ce sens récemment, mais
Outbreak régresse malheureusement de ce point de vue.
J'achète ou pas ?!
Naturellement refroidis par la castration de son appendice le plus original, beaucoup de joueurs doivent se poser cette légitime question en face de
Resident Evil : Outbreak. Disons que tout est affaire d'affinités. D'un côté les fans de la série n'ont aucun soucis à se faire, car même si la mythologie de la saga ne s'étoffe que trop peu avec cet
Outbreak, ils trouveront ici matière à se faire plaisir au sein de ces cinq scénarios unanimement intéressants dans leurs conceptions, suffisamment tordus et ardus pour ne pas être bouclés trop rapidement, seront aussi charmés par une ambiance intacte et par le côté
survival très prononcé de cette mouture, puis au final en redemanderont une seconde louche. Pour les autres, il faut le signaler haut et fort,
Outbreak n'est certainement pas l'épisode idéal pour s'essayer à cette série culte. En définitive, même tronqué,
Outbreak n'a pas la teneur d'une oeuvre bâclée, mais cet épisode est à manier avec précautions et discernement. C'est un véritable plat de spaghettis fumants mais sans la sauce bolognaise qui va avec. Une version PAL bancale, presque banale, qui fera encore passer
Capcom pour le roi du recyclage.
Vidéo Resident Evil : Outbreak
7/10