ÉDITO. À l'image du "Dîner de cons", nous sommes toujours le con de quelqu'un d'autre. Moi le premier. Ne bondissez donc pas tout de suite, le titre de cette chronique étant évidemment là pour vous faire réagir en vous invitant à vous mettre autour de la table pour prendre part à la discussion.

Oui, je vous le dit : j'en ai marre de ce débat sur le "X"p "Y" images/secondes, et plus largement ces discussions dans lesquelles le jugement technique prime sur la qualité de l'expérience de jeu. En fait, cette tendance m'attriste profondément. Quand allons-nous ranger les calculettes, les benchmarks, les lunettes quantiques, et utiliser ce temps précieux pour reparler du fond, à savoir la qualité des expériences de jeu, des histoires, de ce que l'on vit, et pas uniquement ce que l'on voit. Le plaisir, plus que les chiffres.

Que la technique soit une composante de l'immersion dans les jeux vidéo est un fait incontestable. Qu'elle prenne de plus en plus toute la place, je dis non !

J'ai toujours conçu mon métier non pas comme celui d'un simple tuyau à infos, de manière neutre et froide, mais bien comme du journalisme d'opinion. Éditorialiste, agitateur d'idées, ou ménestrel si vous préférez. Et dans ce domaine, vous commencez à me connaître, je n'ai jamais été adepte de l'eau tiède. N'attendez ainsi pas de moi des positions forcément consensuelles. Evidemment je ne prétends pas détenir "la" vérité, et il m'arrive de proposer des analyses qui ne tapent pas justes. Cela fait partie de l'exercice, et j'en accepte pleinement les moments périlleux. D'ailleurs, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, n'est ce pas ?

Ce qui est certain c'est que j'avance toujours en franchise, honnêteté, avec un sacré dégoût de la langue de bois et des fantasmes que certains se complaisent à véhiculer. Que cela enflamme les forums ou les internets ? Plus que de me retenir, cela aurait plutôt tendance à m'amuser. Je n'ai jamais craint de dire ce que je pensais. Cela a les défauts de ses qualités, et réciproquement. Cela permet en tout cas de faire naître le débat, la discussion et, in fine je l'espère, voir un peu plus loin que le bout de son nez. Car si le jeu vidéo nous passionne tant, ce n'est pas parce que nous avons hâte de connaître des dates de sorties ou découvrir 3 nouvelles photos, mais bien parce que nous ne sommes pas tous toujours d'accord, et que nous avons des points de vue à défendre. Tant mieux. Créer une émotion, porter ses convictions, c'est aussi ça la passion...

La dictature du benchmark

Alors oui, je trouve profondément navrant "l'hystérisation" autour du débat "1080p, 60 images/secondes". Et certains de me rétorquer : "mais dans ce cas, pourquoi en faire des news sur votre site ?"

Tout simplement car en tant que rédacteur en chef, je souhaite et ce depuis le début, que Gameblog soit un espace de confrontations des opinions, d'échanges des points de vue... et qu'en outre je sais combien cela intéresse nombre de lecteurs. Vous savez, dans la vie on ne travaille pas que pour soi, et je considère que comprendre son public fait aussi partie de notre métier. Ainsi sachez que je ne suis pas forcément toujours d'accord avec tout ce qui s'écrit ou se dit sur Gameblog... mais j'aime tout simplement laisser la diversité s'exprimer. Du moment que les arguments sont présentés, chacun des rédacteurs à droit à sa différence, à son point de vue. Et plus il sera tranché et aiguisé, plus il m'intéressera. Secrètement, j'aimerai même que l'on soit plus souvent en désaccord...

Je ne conçois pas notre métier dans une tour d'ivoire et j'abhorre les zones de confort. Evidemment, il en faut pour tous les goûts, toutes les aspirations. En revanche, avec la même liberté, j'exprime depuis quelques temps mon dégoût pour la dictature du benchmark. Si les chiffres (résolution, prix, durée de vie, etc.) deviennent l'alpha et l'omega d'une critique, je vous le dis comme je le pense : j'ai mal pour le jeu vidéo.

A ceux (joueurs et rédacteurs) qui procèdent de la sorte, avez-vous conscience de combien vos ergotages, vos grilles glaciales, vont jusqu'à influencer le développement et le marketing même de certains jeux, où l'on parle plus de résolution que d'émotions ressenties manette en main ? Où plus de ressources sont mises sur la technique, plutôt que l'affinage du gameplay ?

Ce n'est pas nouveau ? Certes, mais cela s'intensifie nettement. Triste génération de techos, de décodeurs qui fusillent en 2 minutes, parfois de manière biaisée, sans savoir ce que c'est de créer. Sommes-nous devenus des robots ? Des inspecteurs des travaux finis ? La qualité d'une expérience passe-t-elle forcément par un rapport qualité/quantité/prix/résolution ? Non. Amis joueurs, arrêtons d'être des comptables et laissons parler notre coeur, merde ! Vous verrez, cela fait du bien...

Le coeur a ses raisons...

R-Type. UN Squadron. Tomb Raider premier du nom. WipEout. Sonic Adventure. Shadow of the Colossus. Deadly Premonition. Autant de jeux cultes qui possédaient leurs lots de bugs, de ralentissements abusés, d'apparition de textures et autres carences techniques. Pourtant, des décennies après, que retient-on ? Le plaisir qu'ils nous ont procuré ! Car dans le jeu vidéo (comme dans beaucoup de domaines), l'important est ailleurs. Les graphismes, la durée de vie, le prix ne doivent pas être une fin en soi. Et tant mieux !

Alors oui, sur Gameblog nous continuerons de proposer des comparatifs de résolution, car c'est aussi de l'information. Mais oui, je vous demande dans les forums de raison garder, de débattre de manière apaisée. A ce titre, si j'ai froissé certains par des propos qui, dans ma bouche, ne visaient qu'une minorité d'excités (ces fameux emmerdeurs trollesques), je m'excuse auprès de ceux que je ne souhaitais heurter. Après, si cela aura permis de mettre la lumière sur ce point et ainsi réfléchir ensemble autour du sujet, alors cela n'aura pas été vain. Les coups de gueule sont parfois salutaires.

N'oublions pas qu'un jeu fantastique hier, avec ses graphismes en 19p 12 images/sec (sic) restera culte à vie. Ne confondons pas l'important et l'essentiel. La forme et le fond. N'oublions pas que ce qui a fait de nous des joueurs passionnés fut jadis le plaisir de jeu... pas le nombre de polygones ou de sprites. La beauté est éphémère, la technique a une date de péremption. Pas le souvenir. Pas l'émotion. Comme disait le renard au Petit Prince :

L'essentiel est invisible pour les yeux

Jouons. Vivons des expériences uniques. Parlons de nos émotions de joueurs. Transmettons notre passion. Soyons positifs plutôt que nous recroqueviller dans la critique constante, dans le pinaillage vide de sens. Gardons aussi notre part d'enfance, de joie. Exprimons-la. Ne devenons pas secs et 100% analytiques. Ne devenons pas de vulgaires machines dans une société froide.

Le jeu vidéo est une fête qui se goûte, se vit avec le coeur. Pas exclusivement avec les yeux.

Pour ceux qui le souhaite, je vous attends sur mon Twitter pour prolonger le débat. Sereinement... pour les autres, ce sera la porte