En cette période printanière 2005, le côté obscur de la force prendra vraisemblablement le pouvoir et ce, dans un monde vidéoludique en perpétuel équilibre entre le bien et le mal. Tandis que nous maîtrisions il y a peu, les sombres infiltrations d’un Sam Fisher plus patriote que jamais dans Splinter Cell : Chaos Theory, et que les portes de l’enfer nous seront bientôt grandes ouvertes dans un sanguinolent God of War, incarnez dès à présent les ombres féodales de Tenchu : Fatal Shadows, quatrième épisode de la série éponyme. Développé par From Software et édité par Sega, ce nouvel opus, possédant une trame plus orientée sur la psychologie tortueuse de ces ninjas, saura-t-il se détacher suffisamment de ses aînés afin de ne pas sombrer dans la morosité ? Verdict dans les lignes qui suivent.
Tout juste remise de son éprouvante aventure pour sauver la Princesse Kiku des griffes du Seigneur Mei-Oh, et sans encore avoir pu faire le deuil de son frère de clan Rikimaru (jusqu’alors personnage principal de la série), Ayame se retrouve, pour des raisons obscures, au devant des décombres encore fumants d’un massacre haineux. En effet, le village de Hagakure no Sato gît littéralement à feu et à sang. C’est alors qu’au même moment, une jeune villageoise du nom de Rin, revient tout juste sur les lieux du drame après avoir terminé son initiation au ninjitsu. Persuadée qu’Ayame a participé à cette tuerie, Rin la prend immédiatement pour cible, se jetant à corps perdu sur son aînée… Cependant, bien que Rin soit talentueuse et surentraînée, elle ne peut rivaliser avec Ayame, shinobi d’élite nommée gardienne du Seigneur Goda et de son royaume. C’est ainsi qu’après une courte joute qui ne verra pas de sang versé, Ayame laisse Rin méditer sur sa situation en tant que seule survivante de son clan. Mais son sens de l’honneur ainsi qu’une mission dont on ne sait la missive, finira par la pousser à punir les auteurs de ce crime aux côtés de sa cadette. D’un autre côté, peu de temps se passe avant que Rin n’apprenne finalement qu’un groupe de bandits sans foi ni loi mené par Jyuzou, un banni du village, pourrait être responsable du carnage. Elle ne trouvera le repos que lorsque son village aura été vengé, et a joint pour se faire, un autre clan de l’ombre. Cette jeune fille d’à peine seize ans est d'ores et déjà connue sous le nom de « Rin of the Beniya ».
La mort dans la peau
Ainsi donc, le très charismatique Rikimaru ayant disparu dans le précédent opus (bien que cela ne fut que suggéré), vous contrôlerez ici une Ayame plus mature et glaciale que jamais, en alternance avec la jeune Rin, immergée dans une vengeance bercée de doutes. Néanmoins, le
gameplay général du jeu reste inchangé. En effet, vous enchaînerez des missions dans lesquelles vous apprendrez, au fur et à mesure, la vérité sur le clan de ninjas mené par Jyuzou, ayant réduit Hagakure no Sato en cendre. Cependant, bien que chacun de vos objectifs soit variable, le principe ne consiste qu’à tuer… Mais attention, pas n’importe comment. Ici, tuer s’avère être un art. Car bien qu’il soit possible de débouler en camp ennemi l’arme au point et les poches blindées de potions vitales, affronter les difficultés de cette manière ne s’avérera que peu fructueux et surtout nullement glorieux. Tout adversaire étant un véritable challenge en combat singulier, de par une maniabilité trop approximative et une caméra capricieuse, vous risquez de vite tomber en panne sèche de soins et de ne passer que pour un « voyou » aux yeux de vos pairs. En effet, une évaluation globale de vos compétences vous attendra de pied ferme après chaque mission, vous attribuant un rang oscillant du « voyou » à « professionnelle », en passant par « novice ». Et ce, jusqu’à atteindre la distinction suprême de « grand maître » pour Ayame et d’ « assassin » pour Rin. Si au premier abord ce jugement ne semble d’aucun intérêt, vous apprendrez à l’apprécier, de par les items spéciaux qu’il vous permet d’obtenir.
Et c’est ici qu’est tout l’intérêt de la série des Tenchu, et tout particulièrement de ce Fatal Shadows. Devenir l’ombre de vos victimes, les regarder de haut du toit d’un bâtiment avant de fondre sur eux, arrachant leur vie sans un bruit si ce n’est celui de votre lame pourfendant sa jugulaire… C’est cela être un véritable ninja ! La réalisation littérale de ce type de meurtres est présentée dans le jeu en tant que « stealth kills » : un concept consistant à s’approcher furtivement de vos futures victimes, pressant le bouton d’action dès lors que la zone de poing de l’adversaire est atteinte. S’en suit une
cut-scene diaboliquement dynamique quant à l’exécution de votre proie. Cette mise à mort joliment orchestrée variera d’ailleurs selon votre angle d’approche, qu’il soit plongeant, de côté, de dos ou encore de face, et croyez-moi, on ne s’en lasse pas. De plus, chaque
stealth kill rapporte un à quatre rouleaux d’apprentissage (variant en fonction du niveau du décédé, ainsi que de la maîtrise de la prise effectuée pour mettre fin à ses jours). Ces derniers étant indispensables pour apprendre de nouvelles techniques de l’ombre à nos deux héroïnes. Ce qui, ajouté au nombre considérable d’items spéciaux disponibles, ne fait que renforcer un
gameplay déjà bien complet. Seulement voilà, en dehors de la nouvelle possibilité d’effectuer un « double stealth kills », s’avérant plutôt ardu dans accomplissement, pas de grands chamboulements au tableau de ce
Tenchu : Fatal Shadows.
Chute fatale…
Et ceci ne s’arrange pas si l’on prend le poulain de
From Software sur un point de vue purement technique, car il y a vraiment de quoi être déçu. En effet, bien que le moteur graphique ait été revu à la hausse depuis les précédents opus, l’environnement manque toujours de détails, qui auraient pourtant pu lui empêcher de supporter la comparaison avec une maquette en carton-pâte. Les différents protagonistes, bien que correctement modélisés et bénéficiant d’un
chara design de qualité, possèdent cependant des textures à l’instar des décors : fades et en pénurie de réalisme. La critique est sévère et le rendu final ne semble pas si laborieux que cela… Si tant est que l’on passe l’éponge sur un
clipping trop présent et un
aliasing illuminant le moindre de vos pas. D’ailleurs en parlant de lumière, sa gestion est beaucoup trop extrême, éclipsant du même coup la moindre obscurité possible. Ainsi, ne vous attendez pas à pouvoir vous camoufler dans un noir intense
made in Ubisoft. Ici, nous sommes en présence d’une nuit dite « américaine » dans laquelle l’ombre absolue n’existe pas, cédant allègrement sa place à un ton gris pâle plutôt déplaisant.
Côté acoustique, l’ambiance japonaise est bel et bien présente grâce à des thèmes aux musicalités asiatiques prononcées, mais qui sont malheureusement souvent écrasées par des bruitages exacerbés. Ces derniers ne manquant cependant pas de vous plonger dans cet univers où écrasements osseux et heurts de lames refont un monde. Les doublages, tout en anglais sont de bonne facture, et pour une fois les acteurs interprètent honnêtement la trame scénaristique proposée. Comme vu précédemment, le
gameplay est très riche, même s’il ne manque pas de garder les ficelles de ses ancêtres, sans pour autant corriger certains défauts: telle une caméra capricieuse lors des joutes en plans rapprochés, ainsi qu’une maniabilité souvent confuse lors de ces croisements de fers. Pour finir, il ne vous faudra pas plus d’une dizaine d’heures (pour un joueur lambda) pour découvrir le dénouement de l’aventure. Si cela peut paraître maigre, ce serait sans compter les missions annexes à débloquer, plus toutes les capacités à apprendre afin d’obtenir le rang ultime dans toutes les missions. On obtient alors aisément un minimum de 25 heures, une durée de vie plus qu’honorable pour ce genre de soft.