Gamekult a publié des passages très intéressants d'un futur livre sur l'histoire des frères Houser et de leurs débuts avant de se lancer dans l'aventure du jeu à monde ouvert. Edifiant !
Mieux valait être préparé avant de travailler chez BMG Interactive. À tout moment, quelqu’un pouvait se saisir d’une arme en plastique et tirer des balles ou fléchettes jaunes en mousse. Ce terrain de jeu était le nouveau territoire de Sam. Il ne se faisait que 120 livres par semaine mais vivait son rêve. Grains de folie anglaise de la multinationale allemande, ces joueurs assumaient pleinement leur statut d’outsiders, dans la partie du QG londonien qui leur avait été allouée.
C’est que la partie devenait sérieuse. En 1996, le jeu vidéo était entré dans une nouvelle ère grâce au succès de la PlayStation de Sony. Suite au lancement de la console au Japon au mois de décembre 1994, la compagnie avait vendu 500 000 machines en trois mois. Pour Sony, il s’agissait du plus gros succès depuis le Walkman.
Pour le lancement américain, Sony engagea une agence de pub à la mode, Chiat/Day [aujourd’hui TBWA –NdT]. En Angleterre, la console fut clairement vendue à destination des « gamins cool de Londres » comme les appelait Phil Harrison. Un salon promotionnel fut mis en place dans la boîte de nuit Ministry of Sound, rempli de PlayStation pour des démonstrations spectaculaires. Des tracts circulaient dans les boîtes avec le slogan « Plus puissante que Dieu ». À l’automne 1996, Sony était sur le point d’atteindre huit millions de PlayStation dans le monde.
Le temps de Pac-Man et de Donkey Kong semblait bien loin. Les jeux entraient dans une nouvelle dimension et Sam pouvait partager cette passion avec un nouveau collègue du nom de Jamie King. Producteur de clips de vingt-six ans, modeste en apparence mais animé d’un enthousiasme communicatif, King fut présenté à Sam par l’intermédiaire d’un ami commun. Ils se retrouvèrent dans leur excitation pour la pop-culture, partageant une admiration pour John Cassavetes et La Haine de Mathieu Kassovitz, ou encore pour la musique de Tribe Called Quest et JVC Force. King, arrivé comme stagiaire, s’adapta très rapidement aux méthodes de travail de Sam.
Leurs journées étaient alors consacrées à ce nouveau jeu appelé Race ‘n’ Chase. Bien qu’intéressant d’un point de vue technique, celui-ci manquait d’un élément essentiel : le fun. Ce fun que recherchaient les employés de BMG Interactive lors de leurs pauses balles en mousse. Sur son écran, Sam observait la ville virtuelle et ses bâtiments colorés. Les petites voitures parcouraient les rues grises au marquage blanc. Les feux de signalisation passaient du jaune au rouge. Des piétons gros comme des fourmis marchaient sur les trottoirs. Sam appuya sur une touche du clavier et la porte d’une voiture s’ouvrit. Une autre touche, et la porte se referma.
Ancien journaliste aux airs de Jonny Rotten et aux chaussettes vertes, le producteur Gary Penn était pour le moins perplexe. « C’est une putain de simulation », jugea-t-il en maugréant sur ses « détails à la con ». Du côté de Dundee, chez DMA, les développeurs ne pouvaient qu’acquiescer. En mettant le joueur dans la peau du flic, ils avaient rendu le jeu ennuyeux. Une sorte de Les Sims Permis de conduire.
Si un joueur essayait de conduire sa voiture de police sur le trottoir ou en passant aux feux rouges, un message rabat-joie lui rappelait de respecter le code de la route. De quoi s’agissait-il, en fin de compte ? D’un jeu vidéo, ou d’un petit train électrique ? Pire encore : tous les piétons qui habitaient le jeu étaient autant d’obstacles exaspérants. Conduire rapidement sans en écraser un seul était pratiquement impossible. Et comme le joueur était un policier, il devait être puni pour ses bavures.
Race ‘n’ Chase était dans l’impasse. Impossible de ressentir l’excitation des jeux d’arcade en respectant les règles. Les programmeurs de DMA fixaient leurs écrans, leurs voitures et piétons tournant en boucle. Et s’il y avait une autre solution ? Et si écraser les piétons rapportait des points au lieu de mettre fin à la partie ? Et si le joueur se retrouvait dans le rôle du méchant ?
Merci
Comme je vous comprends !!! On aura ici le Best Game de cette année