Cela faisait quelques temps que je n'avais pas donné de nouvelles ici. Alors je vous laisse regarder cet extrait de mon bouquin, avec un petit hommage à Deus Ex à travers le clip qu'on a réalisé. N'hésitez pas à liker, à commenter et à vous abonner à la chaîne youtube. Ca m'aide et ça fait plaisir :
Sinon, je continue toujours à travailler sur le prochain numéro. Pour le reste, j'ai écrit une longue critique du film d'horreur "ça". Ca peut se lire en cliquant ici sur ce lien qui comprend images, vidéos et extraits : https://www.tipeee.com/icare/news/28990
Ou juste le texte ici
Film d'horreur de l'automne, apprécié tout autant par la critique que par les spectateurs, Ça tient du divertissement de qualité mais manque de substance pour en faire le bijou décrit par certains et certaines. Voici en tout cas les principaux points qui m’ont interpellé :
Le casting
L’un des défauts du film repose sur la difficulté non à percevoir la bande de copains comme homogène (le quatuor du début fonctionne merveilleusement) mais à y intégrer les pièces qui vont progressivement s'y ajouter. En effet, deux personnages vont vite se greffer aux « ratés » : Beverly, la fille de la bande, et Mike, le jeune noir. Ici, l'adolescente est la première à poser problème puisqu’elle s’avère trop âgée et surtout trop mature pour se fondre dans le groupe. Si l’actrice possède environ 12 à 18 mois de plus que le reste du quatuor, à un âge où un tel écart s'avère essentiel, elle possède surtout des traits d’adultes et un talent bien supérieur aux autres membres de la distribution. De sorte que l’enfance a quitté ses expressions, ses gestes, son allure. Finalement, à travers Beverly, on ne navigue plus dans cette jeunesse à l’aube de l’adolescence mais on entre, tout au contraire, dans cette dernière. On comprend évidemment les raisons de ce choix et la difficulté qu’il y aurait eu à sexualiser une enfant plutôt qu’une ado. Pour autant, le contraste est gênant.
Il en va de même pour Mike. Son absence de charisme, son physique étrange (l’acteur a 17 ans) en font un boulet que l’équipe traînera jusqu’à la fin. En soi, le comédien n'est pas si mauvais mais il est dépourvu de l'aura nécessaire et vient faire tâche dans la bande (en plus d'être une sorte de doublon du petit gros, lui aussi étant pour le moins enveloppé). En vérité, toute la difficulté d’un casting d’enfants consiste à réussir la création d’un groupe complémentaire pour mieux faire naître une alchimie, une empathie. Or en choisissant une actrice trop mature et un autre trop impersonnel, Ça ne réussit jamais à élargir la bande de copains pour créer LE club des ratés.
Pop Horreur
La première moitié du métrage offre un excellent dosage d’horreur et de tension. Étrangement, on lui a pourtant reproché de ne pas faire peur. Il me semble pourtant que ce reproche ne tient pas. La mort de Georgie en offre un aperçu. Le gore surprend par la mâchoire qui sectionne le bras, le sang qui jaillit en abondance tandis que la disparition du gamin dans les égouts, sous le regard du chat, donne un mélange d’implicite et d’explicite particulièrement efficace. Il en va encore de cette scène saisissante du garage, de son petit effet 3D-sans-lunettes du plus bel effet. On pourrait également citer d’autres scènes angoissantes comme celle du tableau dans le bureau du rabbin ou cette autre dans la salle de bain, dure et spectaculaire. Pour autant, plusieurs séquences sont moins réussies ou, quand elles fonctionnent, c'est pour venir rappeler certains modèles, déniant au métrage une partie de sa créativité voire de son identité. Ainsi sent-on grandement l’influence du Silent Hill de Christophe Gans que ce soit dans le travail de la chair, de la difformité, dans la composition de certains plans ou bien sûr dans cet esprit général de glissement/superposition entre la réalité et le monde de l'horreur. Une influence évidemment édulcorée. On pense à ce corps sans tête qui poursuit Ben dans la bibliothèque, à ces mains brûlées vives qui tentent de pousser la porte peu avant que celle-ci ne s’ouvre sur un Grippe-Sou caché derrière un rideau de plastique dans une posture mystérieusement épouvantable.
Malheureusement, on trouve également des tableaux beaucoup plus pauvres qui cèdent davantage à la pop culture contemporaine avec sa présence impérative de zombies, de jump scares. En cela, l’utilisation du lépreux se révèle presque contre-productive. De même, le côté très scolaire de la maison hantée avec ses enfants séparés et sa succession de moments stéréotypés diminuent l'intérêt sans pour autant nous priver de belles sensations. Au final, il y a presque une opposition entre des moments très travaillés, riches et d’autres beaucoup plus faciles donnant l’impression de vouloir satisfaire un public jeune pour lui offrir ce qu’il est venu chercher : des montagnes russes, un terrain conquis. De la même manière, il y a de la paresse à utiliser trop souvent les mêmes procédés, quitte à amenuiser les effets (la mâchoire et la démarche ultra rapide/saccadée du Gripsou revenant, par exemple, un peu trop à mon goût).
Les adultes
Autre point dérangeant, celui de la quasi absence des adultes. En effet, non seulement les parents sont trop peu présents et mais les « grandes personnes » n’existent jamais vraiment. Le film sacrifie clairement cette dimension. A tort, me semble-t-il, puisqu’au fameux « show, don’t tell », il préfère s’appuyer sur le récit des "ratés" pour expliquer les réactions aux disparitions. C’est là une faiblesse puisqu'en supprimant le regard des adultes, en empilant les avis de recherche, Ça rate à la fois un angle pertinent mais encore une caractérisation des événements et fatalement une épaisseur supplémentaire. Sans oublier ce cadre oppressant où Grippe-Sou aurait trouvé dans ces adultes des sortes de complices ou de "malgré-nous". Finalement, à travers leur absence, c'est la ville de Derry elle-même qui se trouve privée d'un portrait complet. D'évidence, on aurait pu imaginer la séquence d'un conseil parents/professeurs destinée à évoquer publiquement les dernières disparitions ou même une simple discussion hors-champ pendant l’enterrement d’un cercueil vide avec l'objectif de révéler le déni planant sur Derry. Pire, le deuil lui-même est trop absent alors qu’il aurait pu s’agir de la pierre angulaire : deuil de l’enfance, deuil des autorités et des figures d’autorité incapables de protection ou d'écoute, deuil des camarades (uniquement vu par le prisme de la mère qui guette sa fille devant le lycée ce qui représente une contradiction avec le discours tenu sur les adultes). En cela, Çaéchoue à faire de son sujet une matrice capable de le nourrir tout du long, d’offrir l’opposition de la vision des adultes et des enfants, des innocents et des coupables pour en sortir un axe fort. En outre, les seuls adultes que l’on rencontre véritablement sont les géniteurs des "ratés". Et s'ils sont caricaturaux, ils peinent en sus à donner une image solide des habitants. Il en va aussi bien du père qui abuse de sa fille que de la mère possessive. En fait, il manque les parents démissionnaires, les absents, les lâches, les rigides, les faibles, les rationnels, ceux qui se cherchent perpétuellement des excuses. Bref, à exclure les adultes ou à les renvoyer à quelques figures extrêmement simplifiées, leur regard manque non seulement pour tendre un miroir à cette jeunesse mais encore pour développer le discours et épaissir l’atmosphère d'angoisse et d'isolement.
Le clown
J'avoue être relativement partagé sur l'apparence (et non le jeu, excellent) de Grippe-Sou. D’abord parce que celui-ci me fait penser à une sorte de Pierrot-la-lune un peu poupin : des couleurs claires, unies, une recherche esthétique, des lignes douces, de bonnes joues, la bouche en cul de poule. En définitive, le personnage n’est en soi ni vraiment effrayant ni franchement clownesque. De telle sorte que la recherche artistique du maquillage diminue la tension des apparitions tandis qu'il faudra à l'acteur d'excellentes grimaces, ponctuées de très bons trucages (prothèses, SFX), pour susciter l'angoisse. En revanche, il peut avoir une attitude de séduction particulièrement intéressante mais qu’on retrouvera peu (d'abord à travers son interaction avec Georgie, ensuite avec la séance des diapositives). Finalement, alors que le Grippe-Sou du téléfilm était repoussant, comme tout bon clown qui se respecte (entre nous, c'est ignoble un clown), la nouvelle version rechigne à la laideur. Et c’est peut-être là un autre paradoxe. Car le film lui-même est très soigné avec une photo absolument magnifique et des environnements jamais vraiment laids ni répugnants (contrairement à Silent Hill soit-dit en passant). Il y a presque une contradiction inhérente à donner à un sujet d'horreur une apparence trop lisse, du moins esthétiquement. D’autant plus qu’on observe des manquement, des demi-mesures. Par exemple, le pourpre est la couleur d’annonce de Grippe-Sou. Elle fonctionne avec les ballons mais aussi avec certains éléments du décors, comme le panneau de sortie lorsque Ben ramasse les œufs. Malheureusement, cette idée d'un fil conducteur "pourpré" va finir par disparaître. Les éléments les plus identitaires, trop mécaniques et de courte haleine, finissent par s'épuiser ou se perdre au lieu de suivre le monstre et les enfants jusque dans son antre.
Années 80
Dans Ça, les années 80 font office de madeleine de Proust aussi bien pour les trentenaires et quarantenaires qui les ont connues jeunes que pour les générations suivantes qui les fantasment (bon, entre nous, c'était top). A ce titre, j’ai beaucoup apprécié l’utilisation de la musique de The Cure, sans doute le groupe qui exprime le mieux la nostalgie (In between days, Close to me, Friday I'm in Love, Boys don't cry pour ceux qui aimeraient découvrir). Le souci principal tient malheureusement dans la reconstitution idyllique de cette époque, à travers ses boys band (les New Kids On The Block), ses gadgets, son esprit mais aussi une photo trop lustrée, très lumineuse. Ici, toutes les dimensions viennent en renfort du bon vieux temps, de l'empathie, du confort. Or en refusant de présenter toute la ringardise, l’aspect malsain et hypocrite de ces années (les scandales financiers, sanitaires, la drogue, les jouets biens dégueus façon les crados), le film désamorce une partie de sa tension. En fait, et c’est là tout le paradoxe, il est question ici de biberonner le spectateur à coup de nostalgie, d’enfance, de jeunesse et de le mettre en prise avec un Grippe-Sou revêtant lui-même cet aspect presque douillet. Le tout pour retomber dans les travers du cinéma de notre époque - affadissement, recyclage - à la manière de ces films trop démonstratifs qui finissent par s’épuiser, se contentant de touches d’originalité dans des canevas trop balisés. Enfin, il me semble que cette volonté de faire revivre les années 80 autour d'une bande de copains ne devrait être pas être utilisée comme le décorum d'un Goonies certes effrayant et viscéral mais plutôt comme la matière première d'un film où les enfants seraient les proies de leur époque autant que de leurs peurs.
En conclusion,Ça est globalement très maîtrisé, efficace, mais il doit supporter le paradoxe de réussir un film d'horreur "doudou" à la gloire de l'enfance et des années 80, tout en donnant à la jeunesse d'hier et d'aujourd'hui ce qu'elle recherche désespérément : une bulle de réconfort qui n'éclatera jamais. De ce point de vue, la réussite est remarquable.
Toi qui écrit, j'ai toujours trouvé la partie adulte de Ça bien moins intéressante. Et même si j'ai adoré le film, j'ai quand même très peur de ce qui risque de sortir pour le second chapitre en 2019.
Concernant le cast, perso j'ai trouvé que Beverly s'insérait bien, et je n'ai pas vraiment senti de décalage avec les autres membres de la bande. L'attirance manifeste qu'elle exerce auprès de tous les mâles, notamment ses amis est montré sans trop insister lourdement dessus, mais est forcément très évocatrice quand on sait ce qu'il se passe dans le roman.
En revanche oui, Mike est relativement transparent, d'abord pour ma part parce que j'ai justement trouvé l'acteur pas terrible, ensuite parce que les scénaristes pour des raisons que j'ai du mal à comprendre lu ont retiré aussi son rôle "d'historien" pour l'attribuer à Ben.
Pour la partie horreur pure, globalement d'accord avec toi, il y a du bon et des facilités. En fait j'ai trouvé que plus on avançait, et moins ça fonctionnait, le point d'orgue (ou plutôt le basculement) étant effectivement tout la séquence dans la maison, qui limite ressemble à un train fantôme.
Sans compter certains effets, tels le clown qui fonce face caméra, que j'ai trouvé assez nanardesques.
Concernant les adultes, partiellement d'accord; le caractère passif, le déni est quand même souligné, par des signes plus ou moins appuyés, à travers cette personne qui voit Ben se faire agresser mais qui l'ignore et passe son chemin, à travers cette télé ou tu comprends que Ça a une espèce d'emprise sur toute la ville.
Personnellement, j'attendais quand même bien plus de ce film, qui, malgré quelques images et une photographie plutôt réussies, se montre finalement assez banal, et est encore loin du coté viscéral du roman, en cherchant davantage à surfer sur ce qui a fait recette ces dernières années.
Et puis il manque aussi pour moi un élément crucial : l'alternance entre les deux époques.
greil93 Malheureusement, je n'ai pas lu 3 romans de Stephen King. En revanche, dans le téléfilm, j'avais trouvé la partie adulte moins réussie. Du coup, je ne sais pas vraiment à quoi s'attendre pour le film mais je pense lire les livres.
terminagore Merci. Pour Beverly, j'ai eu plusieurs retours de spectateurs pensant la même chose que moi à son sujet. Elle paraît beaucoup plus agé que les autres mais je peux comprendre qu'on apprécie. C'est pas non plus un truc qui ruine le film En revanche, c'est vrai que c'était l'historien dans le téléfilm.
Sinon pour ce qui est adultes, j'ai vu les signes de dénis mais je trouvais ça bcp trop ténu. C'est dommage. A voir dans la partie adultes.
icaremag Il n'y a qu'un seul roman en réalité. C'est juste qu'il s'agit d'un très beau bébé du coup il existe 150 versions en terme d'édition, dont certaines nous propose l'histoire en deux ou trois volumes.
Qu'est-ce que tu en penses ?
Concernant le cast, perso j'ai trouvé que Beverly s'insérait bien, et je n'ai pas vraiment senti de décalage avec les autres membres de la bande. L'attirance manifeste qu'elle exerce auprès de tous les mâles, notamment ses amis est montré sans trop insister lourdement dessus, mais est forcément très évocatrice quand on sait ce qu'il se passe dans le roman.
En revanche oui, Mike est relativement transparent, d'abord pour ma part parce que j'ai justement trouvé l'acteur pas terrible, ensuite parce que les scénaristes pour des raisons que j'ai du mal à comprendre lu ont retiré aussi son rôle "d'historien" pour l'attribuer à Ben.
Pour la partie horreur pure, globalement d'accord avec toi, il y a du bon et des facilités. En fait j'ai trouvé que plus on avançait, et moins ça fonctionnait, le point d'orgue (ou plutôt le basculement) étant effectivement tout la séquence dans la maison, qui limite ressemble à un train fantôme.
Sans compter certains effets, tels le clown qui fonce face caméra, que j'ai trouvé assez nanardesques.
Concernant les adultes, partiellement d'accord; le caractère passif, le déni est quand même souligné, par des signes plus ou moins appuyés, à travers cette personne qui voit Ben se faire agresser mais qui l'ignore et passe son chemin, à travers cette télé ou tu comprends que Ça a une espèce d'emprise sur toute la ville.
Personnellement, j'attendais quand même bien plus de ce film, qui, malgré quelques images et une photographie plutôt réussies, se montre finalement assez banal, et est encore loin du coté viscéral du roman, en cherchant davantage à surfer sur ce qui a fait recette ces dernières années.
Et puis il manque aussi pour moi un élément crucial : l'alternance entre les deux époques.
terminagore Merci. Pour Beverly, j'ai eu plusieurs retours de spectateurs pensant la même chose que moi à son sujet. Elle paraît beaucoup plus agé que les autres mais je peux comprendre qu'on apprécie. C'est pas non plus un truc qui ruine le film
Sinon pour ce qui est adultes, j'ai vu les signes de dénis mais je trouvais ça bcp trop ténu. C'est dommage. A voir dans la partie adultes.