Bon ma critique date d'une bonne semaine (je l'ai écrite à chaud après la séance, la frustration encore là) Bonne Lecture !
ATTENTION LA CRITIQUE CONTIENT DES SPOILERS !
Le cul entre deux chaises : Critique Rogue One : A Star Wars Story de Gareth Edwards
Ma relation avec Rogue One était plutôt tumultueuse avant sa sortie : Au début je concevais la possibilité d’un grand film de guerre mené par le très prometteur Gareth Edwards, à l’origine de Godzilla (que j’aime assez) et surtout de Monsters, mais au fur et à mesure que la sortie se rapprochait, les réécritures se succédant et les rumeurs comme quoi Edwards aurait perdu le contrôle de son film au profit d’une forme beaucoup plus conventionnelle menée par les frères Gilroy, Tony à la réécriture et à la réalisation, et John au montage, me fit perdre progressivement espoir, je reléguais déjà le film à cette fosse commune des films détruits par son studio où le cadavre encore frais de Suicide Squad gisait encore. Mais bon, une étincelle d’espoir se présenta lors des différentes réactions et critiques presses décrivant le film sombre tant attendu. Mais bon, je n’étais pas dupe, cette euphorie ambiante était présente lors de la sortie du 7, qui lui finalement est un film juste moyen.
Bref, donc l’enjeu de ce premier spin Off était de proposer un vent de fraîcheur à la saga, qui montrait des signes d’asphyxies dans le 7 malgré quelques idées, avec un ton, une intrigue, des personnages sensiblement différents des épisodes canons, le tout basé sur une idée : Le Vol des Plans de L’étoile de la mort. Ainsi, dans cette situation, le spectateur connait déjà la fin puisque que le long métrage se finit lorsque l’épisode IV commence, c’est alors que le travail des scénaristes est de rendre intéressant, cohérent et crédible tout le cheminement menant à cette fin, un peu à la manière d’une tragédie. Mais aussi ces derniers se doivent d’apporter de nouvelles thématiques et éléments qui approfondiraient l’univers de Star Wars : Une mission de taille et d’importance pour le renouvellement de la saga.
Malheureusement, la mission n’est pas remplie, le film a constamment le cul entre deux chaises (et c’est sûrement Disney qui a la plus grosse), le mot qui qualifierais au mieux le film est « schizophrénique ».
Tout d’abord, le scénario montre une volonté originelle de prendre des risques, nombreuses sont les pistes intéressantes à explorer mais elles sont rapidement avortées pour un modèle beaucoup plus classique, persuadé d’installer le film dans une zone de confort. On peut le remarquer par certains moments où les différents camps veulent être nuancés, notamment la rébellion où il est mention d’extrémistes (Saw Gerrera et sa bande, malheureusement trop peu exploités) ou encore une alliance rebelle lâche et menteuse, n’hésitant pas à se salir les mains (l’ordre de tuer Galen Erso par exemple qui est caché à l’escouade et dont Cassian doit exécuter la tâche) de là aussi on peut apercevoir une volonté de nuancer les personnages et de présenter un rapport différent à la violence, le plus intéressant de tous est sûrement Cassian, présenté au début comme un espion n’hésitant pas à tuer des informateurs devenus problématiques pour sa survie (sa première scène) et exécuter les sales besognes (tuer Galen Erso discrètement). Il est mention des méfaits de l’alliance dans une altercation entre Cassian et Jyn peu de temps après la mort de Galen, tué par un bombardement de l’alliance. Mais cette altercation tourne rapidement vers une interaction plus mécanique et fonctionnelle, faisant grossièrement évoluer les relations entre les personnages ou servant juste à faire avancer mécaniquement l’intrigue. Ainsi se fait sentir un manque d’approfondissement au niveau des personnage. Le film étant conscient que ses personnages allaient mourir à la fin, a plutôt opté pour la facilité, ne pas trop développer les personnages à part 1 ou 2 et se baser sur des archétypes prétendument efficaces, mais la mauvaise gestion de ces derniers les transforme en de simples clichés (l’homme aveugle spirituel aveuglé par ses croyances mais soutenu par une sorte de gardien qui le protège lui, leur relation aurait pu être étoffée et intéressante mais elle est vite expédiée) parfois ne servant qu’à faire simplement avancer l’intrigue (le pilote impérial par exemple), pire, cela nuit à certains autres, en tête Orson Krennic, joué d’une main de fer par Ben Mendelsohn. Cette mauvaise gestion est le résultat de plusieurs facteurs : tout d’abord des réécritures en masse qui ont clairement affecté la présentation, le destin et le caractère de certains personnages pour rentrer dans une forme plus classique, par exemple l’histoire d’amour naissante entre Cassian et Jyn (j’y reviendrais après) ou la mort de certains personnages comme celui de l’aveugle, mais aussi la médiocrité de la plupart des dialogues, d’autant plus dommage car malgré l’importance des actes (surtout dans un film qui a une ambition guerrière), les mots le sont d’autant plus, rendant certaines scènes ridicules comme la confrontation Krennic et Jyn à la fin, la faute à des dialogues clichés. Parfois même, ils mettent en lumière les problèmes relationnels du film, quand le gardien de l’aveugle dit à Jyn « Je suis avec toi petite sœur », c’est assez drôle car les personnages se sont parlés au maximum 3 fois en tout et sont devenus, en très peu de temps, assez proches. Tout ceci fragilise vraiment la construction très classique du film en 3 actes, d’ailleurs sa prévisibilité ôte toute tension dans certaines scènes et ne procure jamais de surprises, rendant le film le moins captivant possible. L’humour aussi est bien trop forcé voire hors propos, comme si il avait été ajouté de force dans le film, le seul personnage qui fonctionne dans cette veine « comique » est probablement K-2SO. Le fan service est aussi un peu trop présent, certes moins que dans le 7, par exemple un Tarkin en image de synthèse assez dégueulasse (même si sa présence est justifiée) malgré un Dark Vador bien iconisé par la mise en scène d’Edwards et ouvrant une petite parenthèse propagande/communication encore ici pas explorée (la scène où Vador explique à Krennic qu’il doit masquer le test de l’Etoile de la Mort aux yeux des autres).
Après le film souffre de cette schizophrénie d’un point de vue visuel, qui se veut un style documentaire plus sec et immersif mais parasité par les problèmes de reshoot étalés sur le net. Le film à certains moments conserve le style cher à son réalisateur, c’est-à-dire un style documentaire avec beaucoup de caméra d’épaules, assez proche des personnages et n’hésitant pas à se balader, et un jeu perpétuel sur les échelles, avec par exemple la scène du star destroyers, emplissant l’écran, qui sort de l’ombre de l’étoile de la mort,qui est encore plus gigantesque dans le plan d’après ou encore ces scènes d’actions à échelle humaine où les soldats combattent ou fuient les At-At pendant la bataille sur Scarif. Mais d’autres moments sont en totale rupture avec la patte d’Edwards. A l’apparence sitcomesque, les scènes de dialogue sont d’une grande mollesse, enchaînant les simples champs contre champs. Dans un meilleur état, nous avons la première scène de combat dans la ville de Jedha qui est malheureusement mollement montée malgré une mise en scène qui fait le travail. Le montage est l’élément qui efface les intentions d’Edwards, ne voulant, par exemple,jamais faire durer ses plans. Ce combat visuel interne est encore plus évident quand on regarde de plus près les Bandes Annonces du film, en effet une bonne partie des plans présentés dans les différentes vidéos ne sont pas présents dans le montage final, notamment les plus intéressants qui montraient notamment la présence de prisonniers rebelles, escortés dans la ville de Jedha par des Stormtroopers (ce qui illustre les différents rafistolages du scénario en prime), mais pire encore qui nourrissaient le travail sur les échelles d’Edwards (ça ne serait pas du sabotage ?) comme une course désespérée, à échelle humaine,sur une plage de Scarif centré sur une escouade composée de Jyn, portant les plans, Cassian, et de soldats se faisant canarder par un gigantesque At-At, les soldats mourant un par un dans la course, ou encore un plan sur un minuscule vaisseau volant au-dessus d’une gigantesque statue de Jedi ensevelie dans le désert de Jedha. D’un point de vue visuel et personnel, je trouve le style d’Edwards plus abouti et efficace que celui d’Abrams même si ce dernier est différent et bénéficie d’une cohérence tout au long que Rogue One avait certainement besoin.
On va arriver au plus gros problème du film, l’émotion et l’empathie : Elles sont clairement absentes dans le film, ce qui nui aux séquences les plus réussis malgré une volonté de faire nous faire ressentir quelque chose. Ainsi la principale cause de ce problème est le fait que les personnages ne sont pas attachants, on nous donne pas le temps de s’attacher à eux, et comme je l’ai cité précédemment, ce sont des clichés sur pattes servis par de ridicules dialogues et qui sont au service d’une histoire (et non l’inverse), le plus gros enjeu du film était notamment de créé des enjeux et de nous attacher à ces personnages en quête de rédemption, mais l’exécution est très maladroite, ne prenant peu de risques et voulant préserver la zone de confort des spectateurs, satisfaire leurs envies, à l’image de cette honteuse histoire d’amour entre Jyn et Cassian, concentré dans une scène finale certes belle esthétiquement et assez forte au niveau de la symbolique mais complétement ridicule de par le cheminement, le pathos bien appuyé de la musique et du montage. (j’ai été dans le déni jusqu’à la sortie de la salle, je ne voulais pas croire à cela…) Ce sont les fantômes d’une précédente version qui aurait été charcuté et réécrite… Ainsi sans empathie pour eux, les enjeux s’amoindrissent et toute la force d’une séquence peut être détruite par ce simple détail. Ce sont notamment les séquences d’Idoo et Scarif qui souffrent des carences du scénario, malgré une belle mise en scène et une réalisation efficace, le décor d’Idoo, avec sa nuit, sa pluie et ses rochers est très intéressant à exploiter niveau mise en scène mais les incohérences, (le vaisseau s’écrase non loin de la base mais aucun radar ne le repère ? La sécurité est très discutable.), les facilités et le manque d’empathie et d’émotion pour les personnages nuisent vraiment, la mort de Galen aurait pu être déchirante mais malheureusement ne l’est pas, elle est juste ridicule. La séquence sur Scarif, généreuse et plutôt bien fichu souffre du même problème, dans un décor qui rappelle un peu le Viêtnam, c’est vraiment ce moment où on en ressent la guerre, le désespoir, le chaos ambient, l’accoutrement des soldats, la crasse, les explosions, les trous dans le sable qui servent de couvertures, la caméra mobile, proche, immersive. Ainsi cette volonté de procurer des émotions se ressent à travers le score muscial de Giacchino, vraiment moyen, qui veut forcer le pathos à pleins de moments et qui reste une sous copie du style de Williams, ne cherchant jamais à s’affranchir et créer un style particulier pour le film, plus en accord avec son ambition de Spin Off.
Pour finir, je parlerais du côté film de guerre, ambition originelle du film, souvent absent mais parfois présent. Absent de par le manque d’enjeux tangibles, d’émotions et d’empathie qu’on a pour ces soldats suicidaires, mais aussi à cause du côté manichéen, les camps ne sont pas troubles, aucune remise en question de leurs valeurs et principes, aucun questionnement sur la notion d’humanité (Une veine humaniste doit être sacrément intéressante à explorer dans un tel univers), le film ressemble plus à un film d’aventure typique qu’un sombre film de guerre. Les seuls moments où j’ai ressentis ce côté désespéré c’est dans la bataille de Scarif comme je l’ai expliqué plus haut mais surtout, pour moi, la meilleure partie du film, tout le début jusqu’à Jedha. Là j’ai ressentis un instant le film de guerre, d’occupation, avec les mouvements extrémistes (certes très peu exploités), les attentats, une rencontre pour instaurer une alliance etc… Mais aussi des petits éléments, comme sur Idoo le sniper embusqué, le bombardement, les dommages collatéraux. C’est à ces seuls petits moments que j’ai ressentis ce côté film de guerre, vestiges d’une vision détruite et reconstruite par Disney.
Personnellement j'ai essayé d'articuler ma réfléxion autour du sentiment "schizophrène" que j'ai ressenti, en quoi j'ai trouvé qu'il avait le cul entre deux chaises.
Je pense que le film peut décevoir si on apprécie les dialogues et les personnages avant tout. En terme de spectacle il se défend bien. Et puis il manque l'aura des jedi à cette histoire.
compare mes critiques de films aux tiens tu verras !