Bonjour à tous,
Si le procès de la presse spécialisée est omniprésent, il serait dommage (pour la défense) de ne pas rappeler les manquements de son propre lectorat. Ainsi la forfaiture (présumée) du journalisme vidéo-ludique répond, sans aucun doute, à celle de ses lecteurs. Logique ? Absolument ! Paradoxal ? Évidemment !
Car, après tout, que souhaite le lectorat ? Une information de qualité, cela va sans dire. On n’a encore jamais entendu quelqu’un entonner l'air du « Moi ? Je veux de la merde ! ». Mais le lecteur oublie qu’il désire également lire l’information le plus rapidement possible. Et pour cause, la vitesse de publication lui donne l’illusion de la connaissance. Savoir quelque chose en premier, c’est déjà être plus informé que celui qui ne sait pas encore.
Malheureusement, l’impératif d’immédiateté ne répond pas à l’exigence de qualité. On ne citera plus ces news basées sur des informations approximatives, voire démenties quelques heures plus tard, et qui contreviennent à l’exigence de vérité (j’entends par là « vérité scientifique » et non « ontologique »). On pourrait sans doute rappeler comment certains forumeurs ont réussi à bidonner des informations pour les faire reprendre par des sites professionnels. Ou même s'étonner de voir que les sites s’ouvrent aux rumeurs en leur accordant la même place qu’à celle réservée aux informations, pourtant réputées factuelles. Qui, parmi vous, attend encore la Wii Hi-fi ?
Lorsque les lecteurs parlent de la chute de la presse papier (on y revient toujours), ils expliquent notamment sa déroute par son incapacité à concurrencer internet sur son coeur de métier : l'actualité (il y a aussi la gratuité). Ils abandonnent donc les magazines, ceux-ci ne répondant plus à leur besoin d’information. Car ce qui compte, ce n’est pas le traitement mais la disponibilité. Et forcément, son corollaire, l'immédiateté.
Plus globalement, quelle place laisse-t-on au questionnement, si nécessaire au traitement de l’information ? Car avant de livrer une actualité, il faut la vérifier. Et pour la vérifier, il faut la réfléchir. De sorte que plus la réflexion est courte, plus l’information est limitée. Mais quelle importance puisque les articles les plus lus sont ceux qui paraissent les premiers. Et que les sites qui font le travail de vérification pointent aux dernières places des classements (s'ils existent encore) ... De sorte qu'on pourrait presque ajouter un présent à la trinité saint augustienne. S'il y avait le présent du passé, le présent du présent et le présent du futur, il faudrait peut-être ajouter le présent de l'instant par opposition au présent de la durée.
En outre, les lecteurs veulent une information utile. Elle doit leur servir, alimenter leur centre d’intérêt. Seulement, l’utilitarisme entraîne une rédaction primaire, sans référence culturelle. Car la culture est un chemin détourné mais nécessaire. Ce peut être un simple rappel historique ou une démarche de contextualisation mais qui nécessite une réflexion dont il se moque éperdument. Par exemple, si vous lisez les sites de jeu vidéo, ceux-ci évoquent régulièrement des fuites sur le prix des consoles. Ces fuites proviennent souvent d’un tarif aperçu sur le site d’un distributeur (on se souvient du prix de la NGP soit disant divulguée par Pixmania). Mais savez-vous comment fonctionne le référencement dans la grande distribution ? Non. Et pourtant, il y a deux prix. Le premier correspond à une estimation totalement approximative, destiné à préparer la base de données. Il n’a pas vocation à être révélé au public. Sauf erreur de manipulation, c'est de la pure cuisine interne. En revanche, le second prix, lui, sera transmis par l’éditeur avant d'être rendu public.
Avec l'affaire du prix de la NGP, vous avez donc la caricature de ce qu'il y a de pire où le lecteur (comme le journaliste) n'a rien vérifié. Chacun s'abandonnant à sa pulsion. Les sites essayent ainsi de répondre à la soif d'informations du lectorat tout en la stimulant (on ne reviendra pas sur le modèle du clic, ni sur la concurrence qu'il entraîne). Et, de l'autre côté du spectre, le lectorat nourrit les sites tout en les stimulant. Le cercle vicieux est total.
En approfondissant, on pourrait longuement parler des raisons qui poussent les lecteurs à entretenir ce système. Ou à refuser de le changer. Personnellement, je défends l’éthique de la curiosité. « Ça ne m’intéresse pas » ne devrait jamais être une excuse. Et je pourrais sans doute faire le lien avec l’article consacré, dans le numéro Deus Ex, à la stratégie de l’isolement. Car se contenter de soi, de ses intérêts nous aliène toujours plus. Il faut accepter la stimulation, élargir ses horizons. A l’inverse, il ne s’agit pas non plus de s’abandonner à sa curiosité, de céder à ses pulsions. Lorsque celle-ci entretient un système aliénant, il faut la refuser.
Plus généralement, on peut se demander si l’information a pour fonction d'alimenter la névrose consumériste du lectorat. Y’a-t-il une nourriture pour l’esprit en dehors de tout utilitarisme ? Le fait que la plupart des tests répondent à des considérations mercantiles, que les lecteurs désirent des guides d’achat, n’a rien de satisfaisant. Parlera-t-on de ces forumeurs qui hurlent parce que la note n’est pas assez haute ? Ou trop basse ? Et qui n’attendent, en réalité, que la confirmation de leur vision ? Voire un déclenchement de leur pulsion d'achat ? Hé quoi ? Il faudrait en plus que le critique valide leurs fantasmes, en mode autopersuasion ? Enfin, évoquera-t-on la médiocrité de beaucoup de commentaires ? D'une majorité de blogs ? Pourtant, ce sont bien les joueurs et les lecteurs qui s'expriment.
Alors oui, pour éviter d’alimenter ces névroses, il faudrait certainement ne plus mettre de note. C’est pourquoi, il n'y en a pas dans Icare. Cela dit, soyons honnête, en arrêtant la notation, n’importe quel site majeur ferait faillite dans le mois. J’en prends le pari. Et pourtant, il le faudrait. Cela stérilise la critique. Tout comme l'espèce d'organisation débile où chaque secteur est passé en revue, en strates successives, depuis le scénar jusqu'aux graphismes.
Enfin, si on rencontre le lectorat sur internet, et que le jugement peut parfois être sévère, je dois bien reconnaître que les commentaires ne volent pas beaucoup plus bas que ceux des journalistes sur la page facebook consacrée aux professionnels du milieu (n'hésitez pas à vous inscrire, un blog suffit). Aussi quand je vous dis que la forfaiture des lecteurs répond à celles des journalistes (ou l’inverse), c’est peut être parce que ceux qui font la presse sont tout simplement d’anciens lecteurs ? (je ne fais volontairement pas de distinction, tout le monde sait qu'il y a des nuances).
Petite anecdote, je me souviens d’un confrère qui m’expliquait qu’il ne lisait pas le magazine parce que l’information était « froide » (chaud=actu, froid=périmé). Il était alors dans la position du lecteur. Et le magazine ne l’intéressait pas puisqu'il avait eu le malheur de sortir 8 mois après Human Revolution. Pourtant, la qualité de l’information était-elle moindre ? Non. Au contraire, sortir le magazine plus tôt aurait eu un effet négatif. Certes, je ne doute pas qu’il aurait mieux marché mais il n'aurait pas été de qualité. L'exemple est donc cruel. Et le journal, comme ses ventes, a fini au rayon surgelé.
En conclusion, comment un public qui recherche, majoritairement, des informations simples, utiles, immédiates et, disons-le, faciles, pourrait initier un journalisme de qualité ? Or cette problématique est au moins aussi importante que celle de l'éthique. Ne faut-il pas inviter le lectorat à bouleverser ses habitudes plutôt que de les conforter ? Évidemment oui. Car, après tout, la presse ne doit pas seulement s'affranchir des éditeurs mais aussi de ses lecteurs.
Malgré tout, à propos d’indépendance, il faut bien avouer que le lectorat a pris ses libertés. En effet, soit il ne nous lit plus (pour la presse papier), soit pas vraiment (pour les sites internet - il faut voir le temps passé sur une page ainsi que les habitudes de lecture -). Bref, le lecteur s'est envolé : pour la grande joie des éditeurs qui peuvent les tirer à vue. Quelque chose comme le balltrap du marketing !!
- sauvegarde de l'article daté du 23/11/2012 et copié/collé de mon blog sur gamekult puisque la plateforme blog va fermer.
Ps : la problématique du traitement ne date pas d’hier. Souvenez-vous :
posted the 10/21/2015 at 04:04 PM by
icaremag
Faut arrêter d'en faire tout un roman , tu regardes certains bons sites qui savent bien noter avant d'acheter un jeu et il n'y a pas d'entourloupe
sauf qu'aujourd'hui aucun site ne peut vivre et subsister sans les pubs, étant donné que 95% des internautes ont des bloqueurs de pub désormais certain site sont dans l'obligation de créer des abonnements payant pour vivre comme gamelkult par exemple.
Mais le internet "tout gratuit" c'est une chimère ou plus simplement une très mauvaise habitude qu'on a donné aux internautes qui ont pris goût à cette gratuité qui n'est pas de fait et qui est un modèle d'utilisation d'internet qui a long terme ne peut de toute façon pas être tenable (et ne le sera jamai). D'où le fait que les plus grands sites d'info de jeux vidéos peinent à survivre aujourd'hui (sans parler de centaines de milliers d'autres sites sur plein de domaines différents qui se retrouvent dans ce cas également)
Alors ensuite quand viendra le moment fatidique où on se rendra compte qu'on ne peut pas continuer à utiliser internet ainsi que ferons nous? ça, reste avant tout une prise de conscience collective et pas dit qu'elle se fera, et si elle se fait a mon sens cela ne sera pas sans douleur.
Disons à la base si tu choisis ce type de boulot , tu choisis pas quelque chose de simple justement pour le coté salaire , que ce soit internet ou papier. Donc bon , ça tourne en rond le sujet.
A qui la faute si tu fais des choix impliquant de la complexité