Renaud Revel, le « journaliste médias » de l’Express, n’est pas un type que je tiens pour trop bête. Il lui est même arrivé de dire des choses intéressantes et intelligentes. Mais parfois, sans que je comprenne bien ce qui lui passe entre les deux oreilles, il se pique d’un truc et en fait tout un fromage. Il n’y a pas loin d’un an, Revel avait été scandalisé parce que Jean-Luc Mélenchon (du Parti de Gauche) avait osé dire que Jean-Marc Sylvestre, propagandiste de l’économie de marché à l’œuvre sur TF1, était ce qu’il est — c’est-à-dire un propagandiste de l’économie de marché à l’œuvre sur TF1. (Voir
l’article que j’avais rédigé à l’époque (lien).)
Cette fois-ci, Renaud Revel est vénère parce que Frédéric Taddeï, qui anime l’émission Ce soir (ou jamais !) sur France 3 a eu le malheur de laisser un de ses invités aller au bout d’une argumentation.
Dans son émission du 15 septembre dernier, Frédéric Taddeï invitait ses intervenants à discuter, entre autres thèmes, de l’utilité de débattre sur le 11 septembre. L’animateur partait du constat que ces questions étaient très peu traitées dans les grands médias. Mathieu Kassovitz, cinéaste, prenait alors la parole ; je vous propose de regarder
la séquence (lien).
Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais à mon sens Kassovitz ne dit ici rien de grave. Il n’est même pas aussi catégorique que Bigard l’an passé. Mais c’en est déjà trop pour Revel, qui nous pond un article intitulé
« 11 septembre : Kassovitz délire et Taddeï laisse dire » (lien). Et là, le journaliste de l’Express nous sert un festival : après avoir d’abord qualifié les propos de Kassovitz de « diatribe révisionniste », il affuble le réalisateur du sobriquet de « Faurisson du 11 septembre » (pour rappel, Robert Faurisson est un type qui a estimé, par exemple, que quarante mille juifs sont morts durant la seconde guerre mondiale ; non pas par la faute des chambres à gaz mais par celle du typhus… et quelques-uns se sont étouffés avec des bretzels, également). Il y a un peu plus d'un an, dans
un article (lien) sur la réaction outrée des médias faisant suite aux propos de Jean-Marie Bigard concernant le 11-septembre, j'écrivais ceci : "Interrogez-vous sur ces attentats, et vous voilà immédiatement rangé auprès de Faurisson et des négationnistes de la Shoah." Certes, Revel ne m'a sans doute pas lu - et quand bien même, ça n'aurait sans doute rien changé - mais il est effarant qu'il cède, comme d'autres, à cette facilité déshonorante.
Tout à sa dénonciation du « délire » de Kassovitz, Renaud Revel ne semble pas conscient de celui dont il est victime. Kassovitz n’a même pas nié que 3000 personnes soient mortes ce jour-là ; il a simplement émis des doutes sur ce qui est habituellement admis. Le traiter de « révisionniste » et l’assimiler à Robert Faurisson est en dessous de tout. Mathieu Kassovitz a d’ailleurs décidé de porter plainte contre Revel, rappelant qu’ « une grande partie de [sa famille] a été décimée dans les camps de concentration ». Comparer le descendant de victimes du nazisme à un bonhomme qui crache sur leur mémoire, je trouve ça assez maladroit de la part de Revel, à la place de qui je me sentirais mal… Allez, accordons-lui qu’il ignorait sans doute le passé de la famille Kassovitz.
Mais ce n’est pas tout. Non content d’insulter Kassovitz, Revel sermonne Taddeï : « J’aurai [sic] simplement voulu entendre à un moment Taddeï dire à Kassovitz: « Il faudrait peut être arrêter le délire ». Renaud Revel a une étonnante vision du rôle d’un journaliste. Au nom de quoi Taddeï aurait-il dû qualifier les propos de Kassovitz de « délire » ? Et au nom de quoi aurait-il dû l’arrêter ? On voit ici que Revel soutient l’idée d’une toute puissance du journaliste, seul autorisé à décréter qui peut dire quoi, unique détenteur d’un espace (la télévision publique) où il serait pourtant normal que tout un chacun fasse part de réflexions qui concernent un nombre non négligeable de personnes (comme c’est le cas avec le 11-septembre).
On le voit, Revel conçoit la liberté d’expression d’une façon pour le moins étriquée… Mais le plus drôle est que lorsque Kassovitz porte plainte contre lui pour diffamation, Revel en appelle… à la liberté d’expression. Voici ce qu’il écrit dans
son dernier post (lien), sur son blog : « Suite à un post publié dernièrement, où je critiquais le discours tenu par Mathieu Kassovitz, sur le plateau de Frédéric Taddeï, à propos des évènements du 11 septembre, le réalisateur a décidé de déposer plainte contre l’Express et ma personne. […] Et le réalisateur a fait savoir, par le biais de son avocat, que d’autres poursuites seraient engagées. Dont acte. De la liberté d’expression à géométrie variable… »
« De la liberté d’expression à géométrie variable… » (Une phrase maintenant supprimée, suite à la salve de critiques qu’elle a values à Revel ; mais le post original est disponible
ici (lien))
Visant Kassovitz, Revel n’aurait su mieux dire à son propre propos. Réclamant qu’un journaliste interdise à quelqu’un de s’exprimer, le pauvre pleurniche lorsqu’on lui reproche d’avoir recouru à des comparaisons infâmantes pour pourrir un homme. Peut-être ne serait-il pas vexé si on le rapprochait, lui, de Faurisson ?
Comme l’année dernière avec l’affaire Bigard, on observe ici les convulsions qui s’emparent de certains journalistes dès que quelqu’un a le malheur de discuter du 11-septembre… Des convulsions qui ne peuvent avoir d’autre effet que d’accréditer les thèses du complot. Pourquoi est-il si difficile d’aborder ce sujet sans faire face à une bande de Renaud Revel outrés ?
En attendant, Kassovitz jurera peut-être, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendra plus.