Superbe affaire Bigard. Pour une fois, grâce à l’humoriste déclaré préféré des Français par les médias, je me marre. Mais ça n’est pas tant Bigard lui-même que le traitement médiatique de sa sortie sur les attentats du 11 septembre qui m’amuse. Pour revenir sur les faits, Jean-Marie Bigard, peut-être mordu par une chauve-souris enragée (ça devait arriver), a déclaré vendredi dernier, dans l’émission animée par Laurent Ruquier sur Europe 1, qu’ « on est absolument sûr et certain maintenant que les deux avions qui se sont écrasés sur la forêt et le Pentagone, n'existent pas. Il n'y a jamais eu d'avion. Ces deux avions volent encore. C'est un mensonge absolument énorme » (ainsi que le site du Nouvel Obs retranscrit ses propos dans
cet article (cliquez)).
Bien sûr, ça n’a pas manqué, tout le monde lui est tombé dessus. L’article du Nouvel Obs cité ci-dessus ne manque pas de condamner l’humoriste dès son titre : « Bigard dérape sur les attentats du 11 septembre », annonce-t-il sans se demander si, en l’occurrence, ça n’est pas sa déontologie qui a dérapé pour finir dans un mur. Même condamnation du Parisien, qui titre « Quand Bigard dérape » (
http://www.leparisien.fr/faits-divers/quand-bigard-derape-09-09-2008-208460.php). Décidément, nos journalistes veillent amoureusement à la bonne tenue du débat démocratique dont ils sont censés assurer la pluralité : si par malheur quelqu’un tend à s’écarter du droit chemin, un bon coup de règle sur les doigts et la menace d’être confronté à une désaffection du public le préviendra contre les « dérapages », comme ce fut le cas il y a quelques mois pour Marion Cotillard.
Le Parisien a d’ailleurs sorti l’artillerie lourde pour décrédibiliser un peu plus ceux que l’on appelle les « conspirationistes », en publiant pas loin de cinq articles sur le sujet. Je m’attarderai précisément sur le cas de ce quotidien qui représente tout à fait l’esprit médiatique dominant, lequel s’oppose unilatéralement aux propos de Bigard et, d’une manière générale, à toute pensée mettant en cause la version communément — et facilement — acceptée des attentats du 11 septembre.
Dans un article intitulé « 11 septembre : pourquoi l’absurde rumeur persiste » (
http://www.leparisien.fr/faits-divers/11-septembre-pourquoi-l-absurde-rumeur-persiste-09-09-2008-208462.php), Damien Delseny entreprend (avec succès) de ne pas expliquer pourquoi cette absurde rumeur persiste, et encore moins d’expliquer en quoi cette rumeur est absurde. Vu le titre, on pourrait s’attendre à un article fleuve qui prendrait au moins une double page dans le quotidien et qui consisterait en un travail de fond. Au lieu de cela, on a droit à deux paragraphes dans lesquels Delseny préfère attaquer frontalement les propagandés/propagandistes de la théorie du complot — ce qui est simple et peu risqué vu qu’il y a peu de chances qu’ils lisent le Parisien. Par exemple :
« Librairies, Internet, télévisions, les promoteurs de la thèse du grand complot du 11 Septembre utilisent tous les médias pour faire vibrer la corde du doute. Et tant mieux s’ils sont boycottés ou vilipendés. Pour eux, il s’agit d’une preuve supplémentaire qu’ils sont dans le vrai.» Peut-être faudrait-il savoir : les promoteurs de la thèse du grand complot sont-ils dans tous les médias, ou bien sont-ils boycottés ? Visiblement les deux à la fois, sans le moindre problème.
Après avoir évoqué une «thèse qui compte des milliers de supporteurs dans le monde », Damien Delseny explique : « L’exemple le plus récent, c’est le documentaire baptisé « Loose Change », vu par plusieurs centaines de milliers d’internautes français» Alors, les supporteurs sont-ils des milliers dans le monde ou des centaines de milliers en France ? Et s’ils ne sont que quelques milliers dans le monde à défendre la théorie du complot alors qu’ils sont des centaines de milliers à avoir vu Loose Change, cela signifie que ce documentaire échoue à en convaincre une majorité écrasante. Pour autant, le Parisien ne se prive pas d’affirmer dans un autre article (
http://www.leparisien.fr/faits-divers/une-compilation-video-qui-fascine-les-internautes-09-09-2008-208463.php) que Loose Change « fascine les internautes ». Ici s’exprime, de façon à peine voilée, la méfiance récurrente des journalistes envers Internet, et plus précisément ceux qui y informent comme ceux qui s’y informent. Peu importe que « les internautes » soient un Français sur deux, et des gens de tous les âges et de toutes les classes sociales : ils constituent pour un certain nombre de journalistes une communauté incroyablement crédule prête à gober le premier mensonge venu, et à le répéter après s’être laissée « fasciner » par un bête documentaire.
On voit ici (et les exemples pullulent et s’accumulent dans tous les médias) comment les journalistes tentent de défendre leurs intérêts en cherchant à convaincre leur cible (le lectorat/auditoire/téléspectatorat des médias d’information traditionnels) qu’au cœur d’Internet émerge la face malfaisante du journalisme, prête à toutes les bassesses pour nous manipuler. Ils se font les chantres de la déontologie et de la morale et nous avertissent que si nous nous avisons de nous promener sur la toile hors des sentiers qu’ils ont eux-mêmes balisés, nous risquons de nous trouver embrigadés dans des mouvements idéologiquement vaseux, lesquels pourraient nous amener, je ne sais pas moi, à devenir altermondialiste par exemple ! Quelle horreur.
Revenons un instant, si vous le voulez bien (mais vous le voulez bien, non ?) à l’article de Delseny sur « l’absurde rumeur » : « Alors, tant pis pour les évidences, tant pis pour les victimes d’avions qui n’auraient jamais existé, tant pis pour les mois d’enquêtes et d’expertises, tant pis même pour les images que chacun a vu des dizaines et des dizaines de fois sur les écrans de télévision. Les adeptes de la grande conspiration resteront persuadés envers et contre tout qu’« on » leur a menti. Sans arguments rationnels, ce qui condamne toute réponse logique. Juste en faisant vivre quelques contradictions qui deviennent pour eux la base de tout leur discours. Ce même discours tenu par Jean-Marie Bigard dans un studio de radio, salué par des rires gênés et quelques moqueries. »
C’est ainsi que se conclut le papier, qui n’a toujours rien démontré de l’absurdité de la rumeur — tout au plus a-t-il démontré l’absurdité de son titre. Tous les médias dominants s’accordent pour nous convaincre de ne pas écouter les théories du complot, mais y en a-t-il un seul qui ait réellement ouvert le débat en toute honnêteté ? Les journalistes, qui ont le pouvoir de décider de ce dont tout le monde parlera le lendemain avec ses amis ou ses collègues, ne semblent pas avoir pensé une seule seconde que lorsqu’un sujet crée autant de controverses et «fascine » tant d’internautes, il pourrait être utile, éventuellement, d’en parler dans leurs médias, d’enquêter pour avoir le fin mot de l’histoire, et de faire débattre les tenants de chaque version. Lesquels ont mené des investigations pour savoir si Loose Change était crédible ? Une seule émission, diffusée sur Canal+ en crypté et en seconde partie de soirée, a abordé le sujet de front, en menant une contre-enquête (dont les conclusions ont d’ailleurs été reprises par le Parisien). Lesquels ont diffusé Loose Change et l’ont fait suivre d’une discussion ? Avec l’écho que connaît ce documentaire sur le net, il y aurait à coup sûr moyen de faire un bon succès en prime time. Les journalistes, si prompts à alimenter extatiquement les buzz nés sur la toile (il peut leur arriver de s’enthousiasmer pour une vidéo vue à peine 100 000 fois sur Youtube) ignorent-ils volontairement le « buzz Loose Change » ?
Les médias dominants ont l’art d’ouvrir, de fermer et de rouvrir les débats comme des tubes de ketchup à bouchon propre. Il y a trois mois, le 27 juin, on annonçait la création du fichier Edvige. Pourquoi a-t-il fallu attendre la semaine dernière avant que les médias remplissent leur rôle en posant la question du bien-fondé de ce fichier ? Vers le milieu du mois d’août, un type handicapé de 24 ans s’est suicidé après avoir demandé l’euthanasie à Nicolas Sarkozy. Le lendemain, France Inter et Europe 1 déclaraient rouvert, suite à ce suicide, le débat sur l’euthanasie, comme on déclare ouvert le Festival de Cannes. Mais une fois le débat déclaré rouvert, qui a débattu ? Personne. Au bout d’une semaine, l’affaire était oubliée ; il avait suffit de déclarer le débat rouvert pour ne plus avoir à s’en préoccuper. Depuis 7 ans, des gens mettent en cause la version gouvernementale américaine, relayée par nos médias sans le moindre recul au nom de la solidarité avec les victimes (« Nous sommes tous Américains », devions-nous clamer en choeur au lendemain du drame), des attentats du 11 septembre. Qui a ouvert le débat sur ce sujet ? Personne. Il est refermé avant même qu’on ait pu en discuter, car il est hors de question d’en discuter. Et pour cause : interrogez-vous sur ces attentats, et vous voilà immédiatement rangé auprès de Faurisson et des négationnistes de la Shoah. Et si les négationnistes de la Shoah n’ont pas droit à la parole dans les médias, pourquoi d’autres négationnistes y auraient-ils droit ?
Face à ce silence imposé, qui s’étonnera que les rumeurs courent et que l’on crie au complot ? Les médias dominants ont eux-mêmes créé le contexte idéal pour que ces théories voient le jour et qu’elles prospèrent ; et, mieux encore, ils les alimentent en refusant de les évoquer posément, sans sortir aussitôt leur Manuel de morale à l’usage des auditeurs/lecteurs/téléspectateurs naïfs auxquels ils croient s’adresser. Mais qu’ils se rassurent : ils ont gagné. Bigard s’est excusé (
http://www.leparisien.fr/international/11-septembre-bigard-demande-pardon-09-09-2008-210832.php) ; on n’en parlera plus avant un moment et la morale est sauve.
Je ne résiste pas à l’envie de poster cette vidéo tirée de l’émission Morandini! diffusée sur Direct 8 et animée par Jean-Marc Morandini (quelle surprise). Jugez vous-mêmes.
Je me régale encore du commentaire final de Valérie Benaïm : « C’est étonnant de la part de ce garçon qui pourtant… » Qui pourtant quoi ? Sa phrase a été coupée mais permettez-moi de la compléter : ce garçon qui pourtant a toujours été suffisamment consensuel et assez faussement provocateur pour qu’on l’adore. Bigard a dérapé mais avant de déraper, il a toujours parfaitement suivi la route droite et sans culs-de-poules que le système médiatique avait tracée pour lui. Il a distillé quelque chose de pourri dans le royaume si propre et si gentil des journalistes qui ont décidé une bonne fois pour toutes qu’il y avait des sujets sur lesquels il ne faut pas s’interroger.
Alexkidd> tout simplement parcequ' affirmer que les USA controlent le monde DIRECTEMENT tent a les représenter comme une puissance occupante, si tu voit ce que je veux dire. De ce fait, toutes les absurdités de notre société, c'est la faute des méchants ricains qui détiennent le pouvoir sur les pauvres petits européens. C'est bien plus vicelard. L'idéologie impérialiste s'est répendue partout, y compris dans nos pays. Les journalistes du monde entier sont imprégnés des idéaux américains. La faute incombe donc en partie aux USA, mais aussi en partie a nous, qui nous laissons infiltrer par cette culture de merde.
Perso je pense : oui
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Voilà ou mène le racisme.