On y est presque ! Certains d'entre vous pourront se procurer dès demain Killzone 2, et en attendant nous vous proposons une interview du Directeur Technique de Guerilla Games chargé - entre autres - du travail sur le moteur graphique. Interview longue, mais riche d'enseignements.
C'est le site psfocus.nl qui a eu la chance d'aller directement dans les locaux de Guerilla Games pour s'entretenir avec le patron de la section technique. En exclusivité sur UPS3, voici la traduction de cette interview.
- PSFocus : Quel est le rôle exact de votre fonction chez Guerilla Games ?
- Michiel van der Leeuw : En tant que Directeur Technique, je suis responsable de tous les aspects techniques du jeu, mais principalement sur le fond technologique : moteur graphique pour 50%, moteur sonore pour 20%, streaming, décompression et autres pour 30%... Nous apportons des réponses sur d'autres aspects, mais en majorité nous nous concentrons vraiment sur tout ce qui touche aux graphismes.
- Quel est le moteur graphique utilisé pour développer Killzone 2 ? L'avez vous développé en interne ou a-t-il été acheté en externe et adapté pour répondre à votre cahier des charges ?
- On a tout reconstitué par nous-même : nous sommes 7 techniciens (6 aux Pays-Bas, 1 en Nouvelle-Zélande), et nous avons créé une technologie en reprenant ce que nous avions fait pour Killzone, Killzone Liberation et Shell Shock. Nous avons récupéré des composants auprès des studios londoniens de Sony, et nous avons tout réécrit en repartant de zéro.
- Beaucoup de développeurs utilisent l'Unreal Engine, mais vous n'avez pas fait ce choix. Qu'apporte votre nouveau moteur comparé à l'Unreal Engine ?
- Il est vrai que c'est un très bon moteur car il vous permet d'obtenir rapidement un résultat probant. Mais nous voulions quelque chose de spécifique, d'unique, car nous voulions que l'apparence, le feeling et le style soient propres à notre jeu. Alors nous avons développé notre propre outil.
Le moteur graphique est le fondement de la réussite d'un jeu, et bien que nous n'ayons pas de critique à formuler envers l'Unreal Engine mais il correspond à un certain type de jeu. Prenez Bioshock : si l'Unreal Engine a permis d'en faire un jeu beau et stylé, il a amené des carences importantes sur le gameplay.
- Mais que peut apporter en plus votre nouveau moteur graphique, comparé aux autres ?
- En premier lieu, il nous permet de nous démarquer de la concurrence. Ensuite, nous sommes dans le giron direct de Sony et il est de notre devoir de contribuer à l'amélioration de l'exploitation du potentiel de la Playstation 3.
En fait, ce qui nous a plu c'est de n'avoir aucun lien avec la Xbox360 ou le PC. Le résultat que vous obtenez sur PS3 en optimisant les différents composants est vraiment unique. Ainsi, ce que nous avons fait avec Killzone 2 vous ne pourrez pas l'obtenir sur Xbox360.
- Pourquoi ? Votre technologie n'est pas transposable sur Xbox360 ?
- Dans notre jeu, certains effets de particules et certaines interactions ne peuvent pas être obtenus sur une autre plate-forme. Ces deux points contribuent à créer une atmosphère particulière tout en respectant les particularités et la finesse du level-design. C'est comme un puzzle qui se compose de dizaines de milliers de petites pièces : seul un cerveau accompli sera en mesure de le reconstituer. Et nous nous sommes appuyés sur la capacité de la Playstation 3 à simuler les effets de particule, de physique des corps et des objets, des explosions, pour arriver au résultat final.
- Votre moteur graphique est-il prêt à l'emploi pour d'autres studios de développement ?
- Il est très complexe de concevoir un moteur graphique. Nous avons développé le nôtre en fonction de notre cahier des charge sans rencontrer de problème particulier vis-à-vis de la PS3. Nous continuons à travailler dessus afin qu'il optimise encore plus le hardware de la console, et nous souhaitons qu'il ait un avenir dans le monde du jeu vidéo.
- Il ne restera donc pas dans sa forme actuelle ?
- Oui, pour partie nous le travaillons encore avant de le proposer à la communauté des développeurs. Certains éléments figurent déjà dans le dernier SDK Playstation, mais pour le reste nous voulons qu'il soit plus accessible aux développeurs Third Party.
- Envisagez vous que la communauté de joueurs puisse créer du contenu ?
- Pas vraiment. La complexité de notre moteur ne rend pas la création de contenu accessible à tous, et nous travaillons sur un package à destination des studios Third Party uniquement. Notre système d'animation a été conçu avec les équipes de Sony London sur la base de nos attentes. Baptisé "Edge Animation", nous allons également le mettre à disposition des Third Party.
Ainsi, tout le code n'est pas forcément touché de notre copyright, mais à notre demande nous aurons le droit de le publier. Comme nous l'avons retourné dans tous les sens pour mettre sur pied Killzone 2, le livrable aux studios tiers sera optimisé.
- Le développement de Killzone 2 aura été un long process. Beaucoup de studios se sont exprimés sur la grande difficulté à développer sur Playstation 3, certains renonçant même à y consacrer de trop gros budgets. Avez vous rencontré des obstacles propres à l'architecture de la PS3 ?
- Je vais vous répondre en tant que Programmeur Playstation 3. Bien sûr qu'il y a des obstacles et des problèmes que vous rencontrez tout le temps. Si il était facile de développer un bon jeu, ça ne servirait à rien de chercher en permanence les meilleurs développeurs de la planète.
Prenez la Xbox360 : c'est un super matériel avec de très bons outils qui a une excellente place sur le marché. Mais une fois qu'un studio a développé un jeu sur une base Xbox et souhaite le porter sur Playstation 3, il va forcément rencontrer des problématiques différentes - et finira par râler. Mais ça leur donne une bonne excuse de dire que la PS3 ne peut pas le faire ou est trop complexe. En un sens ça leur permet de se dédouaner de leurs limites en rejetant la faute sur le matériel.
Je dirais qu'il est même plus facile de développer sur PS3 que sur PS2, bien que l'architecture hardware soit moins conventionnelle. La particularité de la PS3 est de ne pas pouvoir faire tourner de simples portages PC. Enfin c'est possible, mais pas du tout optimisé. Mais sa force vient de l'architecture du processeur CELL. Le CELL est en avance sur son temps et bien plus performant que la plupart des processeurs PC. Alors il faut se creuser le cerveau pour bien l'exploiter, mais de là à dire "difficile" ça me semble très éxagéré.
- Donc pour vous, tout le monde devrait pouvoir y arriver ?
- Oui, en tous cas la plupart des développeurs - peut être pas les moins bons. Un jour, j'étais à une réunion Recherche et Développement Sony où étaient également présents des développeurs de studios tiers travaillant sur d'autres plate-formes. J'ai discuté avec eux, alors que nous venions de sortir un trailer In-game à l'E3 2007, et ils me disaient : "on vous admire". Je leur demande pourquoi, et ils m'expliquent que chaque fois qu'ils écrivent un jeu pour Xbox 360 et PS3, ils se retrouvent avec une version PS3 minable à 10 fps. Il n'existait pas d'anti-aliasing, et tous ont dit que Sony avait foiré. Ils étaient tous prêts à dire que la PS3 n'était pas un bon produit... Et d'un coup Heavenly Sword et Killzone 2 sont apparus en version jouable à l'E3. Et tous ont fini par réagir positivement, reconnaissant qu'on pouvait faire quelque chose de la Playstation 3.
Ce sont les patrons des studios qui ont réagi en premier : "quoi ? vous me dites que la PS3 ne sait pas le faire et ces gars l'ont fait !". C'est là que les choses ont commencé à évoluer, et qu'ils ont regardé de plus près la PS3 sans se satisfaire de portages boîteux.

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posted the 02/22/2009 at 12:02 PM by
kira93