Blizzard poursuit sa campagne de communication autour de la saison 4 d'Overwatch 2, et de son nouveau personnage Vital, avec cette nouvelle bande-annonce.
Outre le contenu inédit présenté, vous remarquerez aussi l'annonce de l'événement Pride, dont les drapeaux flotteront dans les arènes du jeu à partir de juin.
Quoique nous en pensions, Blizzard assume désormais cette inclinaison affichée à l'intérieur même de ses jeux. Tant mieux pour les uns, tant pis pour les autres, dirons-nous, il nous appartient de choisir nos consommations.
Pour autant, je suis tout de même curieux de voir comment cette entreprise évoluera au fil des ans, un bon sujet d'étude qui pourrait devenir un cas d'école, d'une manière ou d'une autre.
Il s'avère que Blizzard n'est pas original en cette matière, ce mouvement touche d'autres éditeurs/studios, à l'instar d'Ubisoft. Disney est aussi concerné, dans l'industrie du divertissement, je vous laisse le soin de vous renseigner davantage, si le sujet vous intéresse, et auquel cas, vous pourrez tirer les conclusions que vous souhaitez.
Je peux seulement dire, en tout bien tout honneur, que la politique s'invite dans les jeux-vidéos par la grande porte, sans qu'aucun joueur assidu n'en ait jamais formulé le souhait.
No Man's Sky continue de s'étoffer avec une nouvelle mise à jour, nommée Interceptor, elle ajoute de nouveaux vaisseaux, de nouveaux outils et technologies, de nouveaux ennemis. Il est dit que des améliorations graphiques, et une meilleure adaptation de la VR accompagnent cette version. C'est la 25ème mise à jour majeure du jeu.
J'écris cet article sur une lancée, à vrai dire, après avoir lu et commenté un autre article d’hier à propos d'une entrevue de Kazuhiko Torishima, éditeur célèbre de mangas. Ce que j'écris ici n'est pas une affirmation, ni une prescription, c'est une réflexion ouverte que je sais sensible, voire controversée.
Vous savez, on a tous eu droit à des connaissances, des individus anonymes, ou des personnalités qui ont montré leur mépris pour des médias qu'on apprécie, naturellement on s'en offusque, on voit cela comme de la fermeture d'esprit, idiote et sans intérêt.
On se rappelle bien sûr de Ségolène Royal avec son livre à charge contre l’animation japonaise et les jeux-vidéos.
On se rappelle aussi d'Éric Zemmour (que j’apprécie par ailleurs), dire que les mangas font «ZOOM ZOOM !»
Ça ne vole pas bien haut, et pourtant, aujourd'hui je ne saurais plus défendre avec autant de ferveur qu'avant les divertissements que j'appréciais. Il faut probablement mettre ça sur le compte de l'âge, mais en y repensant, même étant plus jeune j'étais souvent contrarié par ce que je dénonce plus sévèrement maintenant. Même si c'est un schéma typique, l'ancienne génération qui critique la nouvelle, «le monde part à vau-l'eau», «les valeurs se perdent», etc...
On ne peut pas non plus dire que le divertissement ne fait jamais l’objet de critiques, non en vérité c’est le contraire, tout le monde veut prendre sa part dans le combat permanent d’un meilleur divertissement, pour le meilleur et pour le pire. Les féministes militent pour une plus forte représentation des femmes dans les films, les séries, les jeux-vidéos, idem pour les antiracistes qui veulent voir un quota racial respecté à la lettre. Dernièrement il y a eu Niel Druckmann qui nous a fait part de sa volonté de créer un jeu selon ses principes moraux personnels, à travers The Last of Us 2. Dans toutes ces situations, le divertissement littéraire, audiovisuel et vidéoludique est critiqué de manière à ce qu’il respecte de nouvelles normes, lesquelles sont : la diversité, la tolérance, le féminisme. Très bien, pourquoi pas, peut-être est-ce pour le mieux, du moins c’est que le débat est ouvert et que des changements sont possibles, certes avec pertes et fracas…
Ce à quoi nous pouvons aussi légitimement répondre : je ne veux pas que mon divertissement me fasse la morale. C’est ce que dit précisément Kazuhiko Torishima, qui se présente comme le défenseur des divertis qui n’aspirent qu’à être divertis le mieux possible. Eh oui, que c’est pénible de se faire presque réprimander moralement par une série ou un jeu-vidéo qui nous explique comment beurrer nos tartines de manière inclusive pour n’offenser personne. C’est pénible car incongru, nous nous divertissons pour bien des raisons, mais se faire admonester n’en fait pas parti, ou alors ce n’est plus du divertissement. Quoiqu’il en soit, nous voyons bien que les questions d’éthique sont sur la table, trop de sexisme, trop de racisme, trop de violence, ou trop de je ne sais quoi, le débat parfois intéressant, parfois dévoyé, met en exergue notre incapacité à discuter d’éthique, car de fait, c’est une matière profondément personnelle.
C’est personnel, et pourtant il y a de l’éthique partout, que cela soit volontaire ou non, chaque histoire porte en elle sa vision du monde et ses valeurs, parfois juste son époque. Je dirais que c’est à plus forte raison quand il s’agit d’un divertissement destiné aux jeunes, il y a une réflexion sur ce qui doit être dit, ce qui doit être montré, et ce qui ne doit pas être dit ni montré. Quand par exemple dans une histoire le héros est courageux face à l’adversité, et qu’il valorise l’amitié par dessus tout, c’est précisément de la morale, explicite, implicite, tournée en dérision, ou par conformisme, cela reste une représentation morale. Si la moralité est toujours impliquée dans le processus de création, c’est qu’elle n’est pas si innocente et qu’elle a son importance, non ?
Comment alors ne pourrions-nous pas créer un dessin animé où des enfants de 10 ans découvriraient leur sexualité précoce dans la violence, dans l’esthétisme, et dans la recherche du plaisir absolu, avec pour mentor un homme faisant l’apologie de la pédophilie ? C’est immoral, choquant, et de nos jours cela ne passerait pas. Si nous sommes bien d’accord sur ce postulat, c’est bien que la morale intervient, et que le divertissement ne peut pas tout se permettre au nom du divertissement. Alors faut-il donc réfléchir à la morale que nous instillons, et que nous acceptons ? N’hésitez pas à intervenir sur cette question, car c’est tout l’objet de cette réflexion.
Je vous parlais de Niel Druckmann tantôt, eh bien celui-ci subit les foudres d’un certain nombre de joueurs mécontents, qui n’entendent pas subir une propagande à laquelle ils ne souscrivent pas, alors qu’ils aspirent seulement à prendre du bon temps sur la suite d’un jeu qu’ils ont apprécié. En fait, il y a comme un désir de laïcité chez ces joueurs, c’est à dire que chaque chose doit rester à sa juste place : la religion comme les idées politiques devraient rester dans le domaine du privé, et ne jamais se manifester dans le domaine public, professionnel et éducatif. Je comprends tout à fait ce raisonnement, à ceci près que je le trouve un peu naïf car il omet que l’absence d’idéologie n’existe pas, il y en a forcément une, alors quelle serait celle qui prévaudrait sur toutes les autres ?
La culture et l’époque sont prédominantes sur ces questions, pour le démontrer je me tourne maintenant vers le Japon, qui fort de son identité rayonne et résonne dans le cœur des jeunes du monde entier. Le succès des mangas et de l’animation est indéniable, tous connaissent Son Goku, Naruto et Luffy, l’influence qui en découle est elle aussi certaine. Il y a d’abord l’aspect graphique qui plaît tant, l’histoire d’un héros qui progresse toujours, des combats endiablés à suspens et rebondissements, mais n’y a-t-il que ça à retenir de toutes ces œuvres japonaises ? N’y a-t-il pas aussi une vision du monde, des rapports sociaux, une vision de l’homme et de la femme, de la famille ?
Quand nous voyons, dans le divertissement japonais pour les jeunes, systématiquement les mêmes ressorts comiques, les mêmes archétypes, la même morale, nous pourrions supposer qu’il s’agit d’une représentation culturelle, et que de ce fait celle-ci ne devrait pas être jugée à travers notre prisme, lui aussi culturel. Soit, mais mettons tout de même à l’épreuve ce raisonnement avec des comparaisons. Prenons comme exemple Naruto que j’évoquais dans le paragraphe précédent, le manga met en scène une particularité très japonaise : une adolescente tabasse un adolescent, sur un ton humoristique.
Alors on peut trouver ça très drôle, ou pas du tout, c’est sous couvert d’humour, une licence poétique inoffensive s’il en est, laissons chacun décider pour soi-même, en tout cas c’est monnaie courante dans le divertissement japonais à destination des jeunes, la moralité n’intervient pas pour l’interdire, ou du moins pour condamner ce comportement. Après tout c’est de l’humour, rire de tout est une liberté que certains considèrent comme fondamentale.
Maintenant, voyons un peu quels «ressorts comiques» nous avions en Occident, du temps de nos aïeuls, en images.
Oppression, patriarcat, domination masculine, femmes-esclaves ! N’est-ce pas ce que vous vous apprêtez à scander, ni une ni deux, à la vue de ce sexisme outrancier, qui n’a pourtant pas d’autre élan que l’humour, cherchant le rire gras de ceux à qui ça peut faire rire. Mais j’entends la suite des contestations : il n’est pas de bon ton de rire d’une oppression si cruelle, telle que la domination qu’exerce un mari violent sur sa femme, ou d’un maître esclavagiste sur son esclave. Oui, et vous noterez que la morale est intervenue promptement ici, contre l’humour, tandis qu’elle s’est tue dans l’exemple japonais précédent. Comment se fait-il qu’une violence soit tolérable, et qu’une autre ne le soit pas, alors qu’elles sont toutes sous couvert de l’humour ?
La raison est culturelle d’accord, mais les féministes et les antiracistes ne militent-ils pas pour s’opposer aux normes culturelles qu’ils prétendent injustes à leur égard ? Il y a d’autres postures observables dans le débat public, le fameux relativisme : si ça ne me choque pas moi, c’est que ça n’est pas si choquant, et les choqués minoritaires devraient passer à autre chose. En effet, si nous pouvions tous faire interdire ce qui nous contrarie, nous vivrions dans un monde de censure permanente. Dans ce cas, nous admettons que nous sommes peu ou prou dans une tyrannie de la majorité, concernant le divertissement, puisque c’est le nombre qui décide de ce qui est moralement tolérable et intolérable, en théorie.
Le divertissement n’a pas forcément pour vocation première d’être un vecteur idéologique, ça je l’entends bien, mais il peut être dans la quantité le reflet fidèle d’une société, en l’occurrence c’est le cas du Japon et des États Unis. Nous pouvons observer dans la quantité des récurrences, des valeurs, des modèles, des comportements, une morale, tout est culturellement lié. Il ne s’agit pas de faire un rapprochement binaire entre la représentation fictive et le réel, par exemple l’émotivité très expressive des personnages de mangas n’a rien de similaire avec l’expressivité réelle des japonais, pourtant ce sont les deux faces d’une même pièce. Comme vous le savez bien ici, le Japon souffre d’un taux très élevé de suicides, notamment chez les jeunes, d’un phénomène de réclusion sociale (hikikomori) qui prend aussi de l’ampleur, et bien sûr un problème d’identité chez les jeunes hommes qui commencent à se défier des femmes, les fameux herbivores (NHK ni Youkoso! est un manga qui traite honorablement de ces questions là). Il serait de mauvaise foi de rendre responsable le divertissement de ces malheurs, mais n’a-t-il pas une responsabilité sur la culture qu’il reflète ?
Si nous protégeons les jeunes d’une apologie immorale de la violence, de l’animalité, de la pédophilie, et maintenant du sexisme, de l’intolérance, n’y a-t-il donc rien d’autre d’immoral à combattre avec la même ferveur, quand il s’agit d’une quantité influente ? Voilà mon propos, si nous vivions dans une société où il est parfaitement toléré qu’un homme gifle sa femme pour la corriger, lorsque celle-ci s’est mal comportée, et que par la biais du divertissement cette image culturelle était représentée comme un ressort comique, que vous adhériez ou non, cela n’est-il pas une responsabilité à tenir quand des enfants y sont massivement exposés et absorbent cette réalité, pour potentiellement la digérer ?
Là c’est une pente glissante, peut-on rire de tout, et si la réponse est non, interdiction, censure. En soi, cela a toujours été le cas, notamment quand l’Église catholique régentait le divertissement en condamnant toute hérésie (censure de Molière, le Marquis de Sade, voir aussi le Nom de la Rose), pareillement dans le monde musulman qui punissait le blasphème et les déviations. Qu’il s’agisse d’il y a 3 siècles ou d’aujourd’hui, nous avons exactement le même motus operandi, car nous nous reposons sur un corpus moral pour établir ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas, si nécessaire par l’interdiction. Encore une fois et plus solennellement, à qui, à quel corpus moral nous référons-nous pour décider de ce qui est tolérable ou non dans le divertissement à destination des jeunes ?
Il y a encore une autre posture à présenter avant de conclure, la posture louable du libertaire qui nous dit : mais laissez donc les artistes créer ce qu’ils veulent en âme et conscience ! Ne leur imposez pas de carcans, ni de barrières qui réprimeraient leur saine créativité ! Une œuvre est une propriété intellectuelle, la vision de son auteur devrait être respectée en conséquence, c’est évident, pour autant, c’est nier que les artistes ne créent pas ce qu’ils veulent en âme et conscience, ils créent d’abord, mais si leurs créations ne correspondent pas aux normes morales du moment, elles ne seront pas acceptées par l’éditeur, le producteur, le distributeur, etc. Cela signifie qu’il faut créer une forme et un fond qui conviennent au moule prescrit. Par ailleurs, cette idée surestime grandement l’indépendance d’un artiste vis-à-vis de son milieu, car il en est le produit en vérité, ce qui crée une uniformité des œuvres en ce sens. (Ci-dessous une vidéo extrêmement intéressante de La Cartouche sur le rap français)
Maintenant il y a le point de vue du parent, puisque nous parlons ici de divertissement pour les jeunes. Admettons que je sois parent, et qu’à cette charge je souhaite transmettre à mon enfant certaines valeurs qui me semblent fondamentales, pour le guider vers l’âge adulte. (Cf : Mos Majorum)
• La dignité
• Le respect de soi
• Le respect d’autrui
• La confiance en soi
• La responsabilité
• L’honnêteté
• La justice
• La constance
• La prudence
Jusque là, rien d’anormal dans mon projet, je peux même accepter que d’autres valeurs que celles-ci soient inculquées à mon enfant en d’autres lieux, tels que le courage et l’égalitarisme. Mais voilà, je remarque avec perplexité que mon enfant est un grand consommateur d’animation japonaise, dans laquelle est mise en scène tout le contraire des valeurs que je souhaite lui inculquer. L’éducation est aussi un sujet très sensible, car là aussi très personnel, mais c’est pourtant précisément le récit que font les mères féministes qui s’indignent de voir leurs enfants exposés à une misogynie permanente, elles s’indigneraient de voir des personnages féminins giflés même sous couvert de l’humour, parce que c’est de la violence et que les enfants la digèrent. Non pas pour devenir des violents, des dominateurs pour les uns et des soumises pour les autres, mais pour absorber ces ressorts comiques comme une norme, absolument pas choquante.
Les parents sont soucieux, à raison, de ce que leurs enfants peuvent absorber. Nous sommes ce que nous mangeons, par la même, si le divertissement ne nous détermine pas dans l’absolu, il nous influence d’une manière ou d’une autre, justement par la morale véhiculée.
En tant que parent, tant que mon enfant serait sous ma responsabilité, je n’accepterais pas qu’il soit familier à des mangas dans lesquels le héros serait une serpillière, incapable de dire non lorsqu’il ne consent pas, terrifié par les femmes, lâche, soumis, malhonnête, irresponsable et indigne, même sous couvert de l’humour. Je n’aime pas Tintin, mais même Tintin a plus de dignité que ces personnages japonais masochistes, dépourvus d’amour propre, quand l’histoire a pour seul dessein de les utiliser comme des objets, tant pour les admirer que pour les sexualiser. Je vais vous dire, une telle vision me rend malade, et c’est normal, on ne peut pas souscrire à tout, il en faut pour tout le monde, même pour les masochistes, pour les fétichistes des pieds, etc. Donc je ne suis pas ici en partisan d’interdictions vindicatives, je ne fais que remarquer des causes et des effets, que je regrette sincèrement pour le Japon. Cette vision du monde uniformisée, unilatérale et tellement normée me fait comprendre à quel point l’éthique dans le divertissement est un sujet maltraité, et dévoyé à des fins le plus souvent commerciales.
Je ne mets évidemment pas tous les mangas et dessins animés dans le même panier, comprenez bien. Je trouve le sujet passionnant parce qu’il n’est pas intuitif, il révèle notre rapport au divertissement, et même nos propres valeurs, ce que nous tolérons et ce que nous tolérons pas. Peut être aurez-vous un constat très différent du mien, toujours est-il qu’aujourd’hui il ne suffit plus de s’agréger à une masse pour faire valoir une idée, il faut un argumentaire, et de fait une réflexion personnelle pour l’articuler.
Star Wars a beau être un univers mondialement apprécié à travers les générations, pour sa richesse, son esthétique et son intemporalité, les films qui racontent son histoire en revanche n’ont jamais fait l’unanimité. Forcément en 40 ans, et avec une telle audience aussi diverse que variée, il n’est tout simplement pas possible de satisfaire chaque individualité qui revendique cet univers pour elle-même, tant il fait rêver de façon personnelle. Il me semble donc juste et approprié de faire un modeste bilan d’une partie de cette saga, puisque celle-ci achève sa troisième trilogie et que le chaos règne toujours dans les petits ressentis personnels que chacun se renvoie à la figure. Je vais tenter ici de faire l’avocat de la préquelle, non pour défendre mes préférences et dédaigner celles des autres, mais pour expliquer ce qui a pu autant plaire dans ces films. J’avoue moi-même chercher ce genre d’explications quand je ne comprends pas le succès d’une histoire, c’est parfois édifiant.
Que j’aime ou que je n’aime pas, mon « classement perso », franchement on s’en moque comme de mon dernier slip. Eh oui j’aime la moutarde mais je n’aime pas la mayonnaise, intéressant n’est-ce pas ? Dites-vous que vous faites exactement la même chose quand vous montrez vos fameux classements minimalistes, demandez-vous ce que ça vaut en vérité. C’est sûrement pénible à lire, mais c’est la raison pour laquelle j’écris cet article, montrer qu’une lecture peut avoir du poids quand elle est développée avec un argumentaire, une lecture qui donne un regard différent voire opposé, et qui peut donner lieu à un débat fort intéressant dans le désaccord raisonné. Dernier point avant de commencer, il ne s’agit pas de « se prendre la tête » avec des fictions comme c’est souvent perçu, il s’agit de comprendre comment ça fonctionne, forcément ça demande un peu d’analyse. « On peut pas ranger tous les gens qui réfléchissent dans le camps de ceux qui se prennent la tète. » Alexandre Astier.
ÉPISODE 1
Les défauts reprochés au film : c’est un film ennuyeux, assez lent. Des personnages considérés comme étant insupportables, Jar Jar Binks et Anakin en tête de liste. Une intrigue politique qui s’oppose à l’action, des péripéties inconséquentes sur Naboo qui donnent peu de frissons. Tout cela accompagné d’un humour très lourd voire pénible. Une armée droïde assez ridicule qui ne résiste à pas grand-chose. Et pour finir, les midi-chloriens introduits dans cet épisode, qui démystifient la Force en lui donnant une dimension scientifique.
Les points forts du film : Deux scènes cultes magistrales. La course de modules, en plus d’être totalement maîtrisée (George Lucas a déjà filmé des courses de bolides étant plus jeune), c’est aussi une démonstration de talent en termes de conception sonore, la musique laisse place à toute une gamme de bruitages qui rythment la course avec nervosité. Les pilotes aliens sont à peine présentés, ils sont caractérisés dans l’action et ça fonctionne à merveille.
Le duel final avec Dark Maul est aussi excellent, porté par l’une des meilleures musiques de John Williams, « Duel of the fates ». Si certains découpages sont carrément fait à l’arrache, c’est surtout la symbolique de la scène qui tient en haleine, le combat inévitable entre deux philosophies anciennes, la mort du maître ou la mort du père, le jeune élève encore immature se voit priver de son mentor dont il a finit par saisir la sagesse, trop tard hélas. Dark Maul l’assaillant sith est aussi un personnage très iconique, tant dans son apparence que dans son mutisme, sa manière singulière de combattre au double sabres, il incarne la véritable menace physique du film.
J’ajoute Qui Gon Jinn parmi les qualités de ce film, car il est certes un jedi dans la pure tradition stoïcienne, mais il est davantage un philosophe hétérodoxe qui cherche la Force en s’émancipant de l’ordre. Peu de choses sont dites dans le film sur la voie qu’il préfère, mais son ambiguïté a donné matière à beaucoup d’interrogations chez les amateurs, il est notamment question de jedi gris, et c’est une thématique très intéressante de par les questions morales qu’elle soulève. Ce qui m’amène à un autre point fort, c’est la première apparition de l’ordre jedi dans la saga, et celui-ci n’est pas forcément montré comme une force du bien. Non les jedi du temple sont montrés comme de vieux sages passifs qui attendent, partisans de la patience, enfermés dans leurs traditions et leurs dogmes. L’ordre est présenté comme une église qui s’apprête à subir un schisme, cela est induit avec Qui Gon dans le premier épisode, avec Dooku et Sifo-Dyas dans le deuxième. Ce que j’évoque là est un sous-texte rarement mis au crédit de cet épisode, alors qu’il ajoute cette profondeur.
Conclusion : Cet épisode est peut être le moins aimé de toute la saga, car ses défauts sont réels et légitimement reprochés, cela dit, ce que ce film apporte à cette saga est inestimable. Pour mieux résumer, c’est un mauvais film pour enfants quand il se ridiculise, mais il devient un très bon film pour adultes quand il parle de philosophie, de politique, de religion, quand la musique raconte l’histoire tandis que les personnages se taisent, finalement toute sa force réside dans tout ce qu’il ne dit pas, et c’est là je pense qu’il perd beaucoup de monde. Si l’on fait fi des gamineries et que toutes les thématiques abordées nous parlent, la finalité n’est certes pas le divertissement, mais c’est le plaisir de découvrir les fondations d’un univers pas tout à fait manichéen, le début d’une saga riche de sens et de références.
Non comptabilisé : Je n’ai pas même pas parlé des relations nouées avec Anakin, car le personnage n’a pas encore de subtilité dans cet épisode, mais les liens créés sont tout de même intéressants pour la suite. Anakin est présenté comme un bon samaritain qui fait preuve de charité et d’hospitalité, il risque sa vie, c’est un enfant héros basiquement naïf, ses dialogues n’apportent pas grand-chose, hormis une scène qui n’est pas anodine, l’abandon de sa mère, qui est un événement traumatisant pour le personnage. Qui Gon le prend pour disciple, mais Anakin le voit comme un père, Obiwan comme un frère, Padme comme une sœur, car c’est un enfant résolument abandonné ayant longtemps vécu sans père. Lors des funérailles de Qui Gon, l’enfant qui a abandonné sa mère esclave doit faire le deuil de celui qu’il voyait comme un père. Que cela touche ou pas, ça raconte quelque chose.
Factions en présence : (ce sera utile pour le bilan) Naboo, la Fédération du Commerce, la République Galactique, l’ordre Jedi, les Siths, le Grand conseil des Hutts.
Références : République romaine, Ben-Hur, le stoïcisme, l’hybris, le Nouveau Testament, le bouddhisme, le bushido, Akira Kurosawa (La Forteresse Cachée, Les Sept Samuraïs, Le Château de l’Araignée, Ran).