Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street
Réalisateur
Tim Burton
Avec
Sweeney Todd Johnny Depp
Madame Lovett Helena Bonham Carter
le Juge Turpin Alan Rickman
le Bailli Bamford Timothy Spall
Adolfo Pirelli Sacha Baron Cohen

• L’histoire
Après avoir croupi pendant quinze ans dans une prison australienne, Benjamin Barker s'évade et regagne Londres avec une seule idée en tête : se venger de l'infâme Juge Turpin qui le condamna pour lui ravir sa femme, lucy, et son bébé, Johanna. Adoptant le nom de Sweeney Todd, il reprend possession de son échoppe de barbier, située au-dessus de la boulangerie de Mme Nellie lovett. Celle-ci l'informe que Lucy se donna la mort après avoir été violée par Turpin. Désormais, rien n’arrêtera Benjamin Barker dans sa vengeance, égorgeant les clients les uns après les autres, jusqu’à tuer sa principale cible : le Juge Turpin.
• Le film
Tout commence dans un brouillard, épais et lourd, le même qui aveuglera
Benjamin Barker (aka Sweeney Todd) tout au long du film. Ce film, tiré d’un opéra célèbre, met en avant la vengeance et l’aveuglement que celle-ci peut produire sur un homme ayant tout perdu. Persuadé que le monde lui a détruit sa vie, il va alors détruire le monde. Cet aveuglement sans limite du personnage camper par un exceptionnel
Johnny Depp, comme à son habitude, lui donne un côté ambiguë, voire malsain. En effet, son plan machiavélique d’égorger quiconque se présentera chez lui jusqu’au Juge Turpin, mené par une attitude des plus cyniques donne à ce film une acidité rare, que l’on retrouve notamment dans
Sleepy Hollow mais à moindre mesure. Ici, le polar glauque n’est jamais loin, mais jamais atteint grâce/à cause des musiques, qui ponctuent le film. Celles-ci, omniprésentes, amènent une réelle profondeur dramatique des personnages et de certaines situations, et renforcent même parfois la noirceur de certains actes.
Les musiques sont toutes très bien arrangées et l’orchestration très envoutante, interprétées par des acteurs très en formes,
Johnny Depp le premier, qui chante divinement bien
(surement coaché par sa femme) et la musique
Epiphany restera surement sa meilleure interprétation en tant que chanteur, mais aussi en tant qu’acteur car la scène dévoile ici toute la haine du personnage. Cependant, ces musiques peuvent être aussi le point faible du film tant celles-ci sont redondantes pour certaines et exécrables pour d’autres
(Johanna par exemple) en plus d'être omniprésentes. En effet, nous sommes ici dans une tragédie, un mélo, un opéra, le tout réuni sous la houlette de
Burton l’expressionniste. Si vous pensiez tomber sur un simple comédie musicale comme les récents
Moulin Rouge,
Chicago ou encore
Hairspray, vous serez surement déçus. Peu de dialogues nourrissent le film contrairement aux grands classiques du genre.
Burton surfe plutôt ici sur les limites de l’opérette et du film tragique. On aime ou pas, mais on est en tout cas captiver par l’esthétisme toujours époustouflante des films de
Burton.
Encore une fois, il donne à son film cette noirceur dont il a le secret, tant dans la lumière, noire et intrigante, que dans la couleur du sang, d’un rouge vif, presque sorti d’un rêve. Toute l’ambiance du film, d’un grisâtre terne, fait ressortir ce rouge à chacune de ses apparitions. Petite critique sur le générique de début, qui montre un sang numérique un peu trop jurant. On voit clairement le numérique et ca rend l’effet un peu kitsch. Avec un peu de chance, ça pourrait être désiré par le réalisateur. Bref, tout le film est une réussite de ce point de vue.
Pour les autres acteurs
(car il ya clairement Johnny Depp et les autres dans ce film, comme souvent dans les films de Burton),
Helena Bonham Carter s’en sort bien, mais énerve par moment.
Sacha Baron Cohen excelle dans sa courte apparition, spécialisé dans les rôles à nationalité étrangère
(il campe un français dans Roi du circuit, un kazakh dans Borat, et un italien dans ce film) . En revanche, les rôles des jeunes premiers
(tout les jeunes) sont exécrables, et vraiment énervant. Mais il s’agit là plus du rôle que de l’interprétation. Ils auraient peut-être mérité une petite réécriture pour les rendre moins
« cul ».
• Conclusion
Le dernier film de Burton a clairement des armes pour séduire. Encore faut-il apprécier un genre trop rare au cinéma, et pas toujours mis en valeur. Certains sauront faire abstractions de ces petits défauts devant ses grandes qualités : un esthétisme époustouflant, des acteurs en grande forme, et un scénario des plus inattendus, surtout pour la fin
(pour qui ne connaît pas l’opéra, bien entendu). Le destin bien sombre de
Sweeney Todd démontre la volonté/l’aveuglement de l’homme à vouloir exterminer ce qui l’a détruit, à tort ou à raison. Le fait que le
Juge Turpin soit un pourri renforce cette fausse idée que la fin justifie les moyens dans ce film. Mais cela est plus une question de fond que de forme qui n’empêchera pas beaucoup de gens d’apprécier le film. Surement un chef d’œuvre du genre.