Aujourd’hui papy est mort.*
Quand j’écrivais le 15 février dernier sur la mort et sur les vieux, en vous narrant l’histoire de Pierre et Gisèle, d'authentiques vieux totalement inspirés de mon grand-père et de ma grand-mère, et que je concluais par la conscientisation pour Pierre de sa mort prochaine, je ne pensais pas que j’aurais droit à l’annonce de celle-ci neuf jours plus tard.
Depuis samedi dernier, je vivais seul au logis familial, les parents et le frangin ayant quitté les lieux pour passer une semaine de vacances à la montagne. Même que ça vous gagne, il paraît. Ils devaient revenir lundi. En conséquence de quoi j’avais installé la PS2 sur le grand écran du salon, et, dans ma grande candeur, m’imaginais que je pourrais achever Shadow of the Colossus sur ledit écran avant lundi. Alors que je tournicotais tout à l’heure autour du 15e géant à la recherche d’une astuce qui pût me permettre de me hisser au sommet du monstre, mon père m’a appelé pour m’annoncer la mort de mon grand-père, et leur retour inévitable dans la soirée. Une vingtaine de minutes plus tard, c’était Gisèle qui m’appelait de la maison de retraite, pour la même raison.
Après avoir réconforté mamy, les regrets ont commencé à m’envahir. « N’était-il pas capable de tenir quelques jours de plus pour lâcher mardi prochain ? » ai-je hurlé à ma manette dont la seule réponse a été un silence ineffablement blessant. Evidemment, il n’était pas question de reprendre la partie ; qui plus est je tremblais un peu de partout.
Après quelques sms pour annuler la sympathique soirée qui s’annonçait avec mes amies et ma Muse, j’ai entrepris de ranger la maison, laissée dans un piteux état par le manque d’attention dont j’ai fait preuve envers elle depuis une semaine.
Et puis, aussi crétin que cela puisse paraître, j’ai prié. Ca faisait un bout de temps que je ne l’avais pas fait sérieusement. J’ai pris le petit chapelet qui, sur ma table de nuit, côtoie un monticule de livres parmi lesquels le courageux lecteur pourra trouver du Desproges, du Houellebecq, du Lou Reed et quelques autres connards notoires ; je me suis adossé à la fenêtre, et j’ai serré ce truc en plastique dans ma main, en caressant du bout des doigts le petit Jésus accroché sur sa petite croix. Plus encore que pour mon grand-père, j’ai prié pour ma mère ; je sais que c’est elle qui va me rendre triste. Mon cœur semblait vouloir percer ma poitrine ; je n’ai pas pu m’empêcher de me demander pourquoi ce bidule qui ne vaut pas plus de 2€ me faisait autant d’effet ; puis je me suis dit que je m’en foutais ; l’essentiel était que l’effet soit là.
J'ai alors pensé : Il faut que j’en parle sur ma page d’infortune. D’une part parce que c’est la suite logique du texte sur les vieux ; d’autre part parce que ça me permettra de jouer les malheureux et d’excuser le fait que je n’ai rien posté depuis une semaine (alors que ça n’a rien à voir) . Je me suis posé devant le clavier, ai cherché une musique qui puisse accompagner mes pensées, suis tombé sur Kid A de Radiohead, ai été choqué par la résonance que prenaient les titres des morceaux à mes oreilles, comme par exemple Everything in its right place, How to disappear completely, ou bien encore Optimistic, et me suis mis à écrire ceci.
Je n’arrive pas encore à bien cibler le sentiment qui m’a pris depuis 17h10 ; il ne s’agit pas de tristesse, ni même d’une véritable mélancolie ; j’ai juste l’impression qu’un point de non-retour a été franchi. C’est la première fois de ma vie qu’un tel événement me touche ; c’est aussi la première fois de ma vie que j’expérimente l’idée que, quoi que je puisse faire, il n’y a plus rien à faire.
* Ha ! enfin j’ai l’occasion de paraphraser Camus !

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posted the 02/24/2006 at 09:35 PM by
franz