Lancés par certains membres de l’opposition (le Nouveau Parti Anticapitaliste, le Parti Socialiste par la voix de Benoît Hamon…), les appels à la démission de Brice Hortefeux m’amusent un peu. Pour rappel, notre ministre de l’intérieur, ancien ministre de l’immigration, de l’identité nationale et de la xénophobie, a fait une blagounette un peu raciste sur les bords au sujet d’un militant UMP. Ce dernier, lors des universités d’été du parti, a voulu se faire tirer le portrait aux côtés de M. Hortefeux — je ne veux pas dire, mais là je crois qu’il y a sérieusement de quoi s’interroger sur le bonhomme — lequel a déclaré que « quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup que ça pose problème ». Voici un lien vers la vidéo, si vous ne l’avez pas vue : http://www.dailymotion.com/video/xafxrd_quand-brice-hortefeux-derape_news.

Hortefeux prouve bien qu’il est une tache en expliquant qu’il parlait des Auvergnats. Il faudrait vraiment qu’il ait de sérieuses difficultés intellectuelles pour balancer une vanne sur les Auvergnats alors que tout le monde est en train de parler des Arabes. (Si j’écris maintenant « c’est un gros con », qui croira que ce n’est pas à Hortefeux que je pense ?) Et les gars de l’UMP (style Jean-François Copé, Henri Guaino…) qui volent à son secours en crachant sur Internet sont bien à la masse également, puisque la vidéo a été publiée par le site du Monde, et tournée par Public Sénat… Au passage, il est amusant de constater leur ingénuité lorsqu’ils disent que « sur Internet, on peut faire dire ce qu’on veut à une vidéo » comme si ça n’était pas le cas à la télévision.

Les appels à la démission me font marrer et me désespèrent parce que je trouve qu’il est un peu tard tout de même. Entre juin 2007 et janvier 2009, Brice Hortefeux a appliqué, en tant que ministre de l’immigration, une politique notoirement xénophobe dont l’exécution reposait sur les préjugés racistes des policiers chargés d’interpeller les personnes soupçonnées d’être étrangères. Les méthodes d’expulsion étaient (et demeurent) inhumaines (voir par exemple cet article du Monde Diplomatique (cliquez)). Pourquoi n’a-t-on pas, à l’époque, réclamé sa démission, ou si peu ? Les propos tenus par Hortefeux lors de ces universités d’été n’ont attenté à la vie de personne. La politique qu’il a menée en a détruit des dizaines de milliers. Hortefeux a fait une blague (pas drôle) que n’importe qui aurait pu faire au second degré, y compris moi-même, bien que je m’énerve à chaque fois que j’entends des prétextes pour diffamer les Arabes et/ou les musulmans (exemple : les psychoses autour d’une prétendue « menace islamiste » résultant d’une supposée propension naturelle des « arabo-musulmans » à aller vers l’ « obscurantisme »… des amalgames allègrement développés aussi bien par des journalistes de renom que par des intellectuels médiatiques et des personnalités politiques sans qu’aucun d’eux ne se scandalise). S’il a fallu attendre cette plaisanterie pour avoir la certitude que le monsieur avait des idées douteuses, j’applaudis le manque de perspicacité de ses opposants.

Comme toujours, par la grâce des médias qui tripent sur cette seule petite phrase, le jeu politique se réduit à des questions de personnes. Si Hortefeux démissionne, ça nous fera une belle jambe. Un raciste de moins au gouvernement, qu’est-ce que cela changerait ? Eric Besson, qui l’a remplacé au ministère de l’immigration, poursuit et poursuivra sa tâche avec la même ardeur. Et s’il devait être remplacé au ministère de l’Intérieur, gageons que son successeur aurait à cœur d’accomplir ce que notre Auvergnat n’a pas pu mener à son terme — une politique sécuritaire à la con. Ce n’est pas seulement d’Hortefeux qu’il faut réclamer la démission, c’est de tout le gouvernement. Et ce n’est pas pour une malheureuse blague qu’il faut le faire, mais pour toute une politique…

Bref, je suppose qu’après tout ça Hortefeux jurera, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendra plus.

(Pour compléter, un article de Sébastien Fontenelle qui prend deux pontes du journalisme et compare leurs réactions suivant que l’auteur de propos dits racistes soit Siné ou Hortefeux.)

A suivre bientôt : le derche d’un infâme éditorialiste qui mériterait un bon coup de savates, et un vilain journaliste-médias qui, voulant dénoncer un « délire », nous en sert un de son propre chef.