Ca y est, on l’a eu aussi, à Nancy, notre chauffeur de bus agressé. Certes c’est une agression de loser, faite au cutter et même pas préparée ; ça n’a rien à voir avec la classe du guet-apens incendiaire de Marseille. Chez nous, c’est un type qui devait être un peu nerveux qui a donc blessé le chauffeur à la main — quoiqu’il visât le visage — pour une raison qui doit lui être tout à fait personnelle, dans la mesure où la logique de l’acte n’apparaît pas clairement. Au vrai, le chauffeur a commis l’irréparable erreur de louper l’arrêt où le type voulait descendre ; ce dernier a sûrement hurlé du fond du bus, en conséquence de quoi le conducteur l’a déposé quelques mètres plus loin. Et là le type, au lieu de sortir normalement, va à l’avant et, sans adresser la moindre parole au chauffeur, qui ne voit par conséquent rien venir, il brandit sur lui un cutter.
Personnellement je ne m’en étonne nullement : quand un chauffeur oublie de s’arrêter à un arrêt ou d’ouvrir les portes, mes covéhiculés adoptent la plupart du temps des comportements étranges. On les croirait pris au piège d’un train dont le terminus serait Auschwitz ; ils jettent des regards inquiets de tous les côtés, marmonnent « mais il s’arrête pas ! », paniquent totalement, et hurlent de toutes leurs forces LA PORTE ! ou bien se précipitent à l’avant pour sermonner le chauffeur en n’oubliant pas de pousser tout le monde sur leur passage. Y aurait-il une bombe prête à exploser dans le véhicule, qu’ils ne se comporteraient pas autrement.
Donc que ce mec-là en soit venu au cutter, je trouve ça normal. C’est vrai, c’est scandaleux que les chauffeurs loupent des arrêts et nous obligent le cas échéant à marcher cent mètres de plus ; il faut leur donner des bonnes leçons.
Evidemment, eu égard au contexte tendu qui sous-tend les transports en commun de France et de Navarro, l’Est Républicain, notre glorieuse presse régionale, n’a pas manqué de faire la Une sur l’événement, quitte à expédier la réouverture de notre marché couvert dans la colonne de droite.
Dans l’article consacré au sujet, quelques témoignages valent le détour, comme celui de Justine, 15 ans, Lycéenne, qui déclare avec virulence : « Je trouve qu’il est inadmissible de se faire agresser pendant son travail ! » Et c’est vrai que ce chauffeur aurait dû trouver un autre moment pour se faire agresser. Qu’il se fasse cutteriser chez lui, pourquoi pas, mais au boulot, interrompant le trafic pour la journée, ça non !
Janine, retraitée, sans âge donc, trouve tout ça inquiétant, et comprend que les chauffeurs se soient mis en grève l’après-midi (le trafic est resté bloqué toute la journée).
De son côté, Thomas, 21 ans, exprime son soutien aux chauffeurs : « Je comprends cette grève. Et d’ajouter ce qui m’intéresse : « Moi je l’aurais même faite pendant une semaine ! » Précisons que Thomas est étudiant, ceci expliquant cela. Je ne serais d’ailleurs pas étonné qu’il se soit lui-même mis en grève pour un mois, au nom des chauffeurs.
Vous l’aurez compris, cette agression fut un petit séisme pour la paisible ville de Nancy. Personnellement j’en tire les conclusions qui s’imposent en continuant de dire bonjour avec le sourire au chauffeur en montant dans le bus.
Puisque j’ai l’Est Républicain en mains, il est tentant pour moi de faire une revue complète du journal, qui recèle toujours des perles.
En vrac, si vous voulez savoir tout ce qu’il s’est passé d’important à Nancy ces derniers jours, un octogénaire s’est cassé la gueule, une nana a percuté un sanglier avec sa voiture, des bouteilles de gaz ont été cambriolées sur le parking d’Intermarché, un scooter a été incendié, Pierre Noël dit Maouss a lâché son dernier ronronnement.
Bienvenue à Sin City.

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posted the 11/15/2006 at 08:56 PM by
franz