Probablement le projet le plus ambitieux à venir sur PS3 il y a encore un an, Heavy Rain fut l'objet d'une présentation menée par son principal instigateur : David Cage de Quantic Dreams. Une présentation que nous attendions de pieds fermes. Alors que nous espérions tant de ce titre après ses précédentes sorties dans divers salons, Heavy Rain ne s'est malheureusement pas montré sous son plus beau jour sous le soleil de Los Angeles.
Sur scène, David Cage nous a immédiatement prévenu : la fameuse démonstration du jeu mettant en scène Madison Page dans la maison du taxidermiste était une démo technique et n'apparaîtra pas dans le jeu. Stupeur. Si le fait était déjà connu de certains, votre serviteur n'en avais jamais eu vent. Dommage car tous mes espoirs était justement nés de cette fameuse présentation. Mais alors, qu'est donc Heavy Rain ? C'est ce que David Cage avait l'intention de nous démontrer avec cette nouvelle séquence qui, elle, apparaîtra bien dans le jeu final.
Nous retrouvons donc à nouveau Madison, l'un des personnages principaux au même titre que Norman Jayden découvert dans la dernière vidéo diffusée par le studio. Photographe, insomniaque ne parvenant à trouver le sommeil que dans des motels, la jeune femme est un personnage perturbé, tout comme l'est d'ailleurs Norman Jayden, agent du FBI ancien toxicomane. Madison enquête sur l'affaire de l'Origami Killer, étrange tueur laissant des origamis dans la main de ses victimes après avoir terminé son office. Progressant petit à petit sur la piste de ce dernier, Madison se rend dans une boîte de nuit tenue par le libidineux Paco Mendez, sorte de taulier mafieux et grassouillet. Le bonhomme pourrait détenir de précieuses informations dont profiterait bien Madison.
« Le joueur doit se débrouiller tout seul à partir des indices suggérés par le jeu »
Le propos de David Cage mettait l'accent sur l'intégration de la narration au gameplay, leitmotiv guidant le développement du titre. Pour aborder sa cible, le joueur doit faire preuve d'un peu de réflexion. Ici, pas d'action clef menant à une cut-scene mettant en scène la résolution du problème. Le joueur doit se débrouiller tout seul à partir des indices suggérés par le jeu. Après avoir essuyé le refus du garde du corps de Mendez, l'attention de ce dernier se porte sur une jeune fille se trémoussant sur la piste de danse. Celle-ci est alors interpelée par le gorille qui l'emmène auprès de son patron. Voilà donc la solution. Mais David Cage nous montre que cela n'est pas si évident : Madison tente à son tour de capter le regard de Mendez mais sans succès. A partir de là, plusieurs possibilités sont offertes au joueur. Concrètement, celles-ci tournoient autour du personnage de Madison et sont chacune assignée à une touche.
David Cage fait le choix d'un petit passage aux toilettes histoire de modifier le look un peu trop sage de Madison. Une fois encore, Quantic Dreams n'a pas cédé à la facilité d'une cut-scene et permet au joueur de prendre part à ce relooking. Chaque étape est choisie par ce dernier puis entièrement jouée. Par exemple, pour souligner le regard de Madison avec un petit peu de mascara il suffit d'une manipulation au stick analogique droit. Dans ce cas précis, le rythme et l'amplitude des demi-cercle imprimés au stick ont une importance. Même le sixaxis est sollicité lorsque Madison s'ébouriffe légèrement la chevelure. Bref, sans être palpitantes à jouer, ces séquences ont clairement le mérite d'impliquer le joueur à chaque instant de l'aventure.
Enfin parvenu à se faire remarquer de Mendez, Madison accompagne ce dernier dans un endroit plus intime en usant de son charme. Malheureusement pour elle, le revolver dissimulé dans son sac ne lui sera d'aucun utilité puisque Mendez lui ôte des mains et la contraint à se déshabiller en la menaçant d'une arme. Une situation de stress intense qui ne manque pas de perturber Madison. Les actions possibles dansent alors autour du personnage de manière assez chaotique. A cette agitation vient s'ajouter des formules beaucoup plus vagues que d'habitude : idée ? crier ? fuir ? Le joueur ressent la tension de Madison. Finalement, après avoir consenti à tomber quelques vêtements et avoir trompé la vigilance de Mendez en jouant de ses charmes, Madison parvient à se saisir d'une lampe et assomme son tortionnaire. S'ensuit alors une petite séance d'interrogatoire pendant laquelle Madison prends les choses en main et c'est peu dire. Le pauvre Paco Mendez n'est pas loin de perdre ses bijoux de familles !
« On se demande si cette obstination de raconteur ne menace pas l'équilibre si fragile entre cadre narratif et liberté accordée au joueur »
La démonstration s'achève donc sur le départ triomphant de Madison qui parvient finalement à obtenir les informations qu'elle était venue chercher. Vient alors le moment de rassembler ses impressions et de porter un premier jugement sur Heavy Rain. Déception est le premier terme qui nous vient à l'esprit. Techniquement assez limite par rapport à toutes les promesses faites par David Cage, Heavy Rain n'est pas le titre éblouissant que nous attendions. Certes il ne s'agit encore que d'une version pré-alpha mais, encore une fois, comment ne pas accuser le coup devant le fossé séparant cette version de la démo technique donnée un an plus tôt ? Seuls l'expressivité et le réalisme du visage de Madison nous ont impressionné. Pour le reste, l'animation est encore assez raide, les collisions entre le personnage et la foule se trémoussant sur la piste sont un peu hésitantes et le rendu global (textures et modélisation) sans relief.
Deuxième chose : la présentation insistait sur les différentes manières d'appréhender la situation sans jamais nous montrer d'alternatives. Impossible de se faire une idée des répercussions de tel ou tel choix sur la suite de l'histoire. Enfin, l'impression d'être spectateur plutôt qu'acteur des évènements était malheureusement prégnante. David Cage nous avait pourtant prévenu, en anglais dans le texte : « Heavy Rain is not about game mechanics but story telling ». La narration, encore la narration et toujours la narration tel est l'obsession du créateur. Pourtant, on se demande si cette obstination de raconteur ne menace pas l'équilibre si fragile entre cadre narratif et liberté accordée au joueur. Croisons les doigts pour que Heavy Rain soit bien l'expérience immersive qui nous a été promise car pour l'heure, tous les doutes sont permis ...
Pour ma part je pense que se sera les deux avec esperons le plus de bonne chose que de mauvaise mais j'ai confiance!!!