(Idée : Dnh, de JeuxFrance)
Titre original : L'utilité croissante des marshmallows dans la société contemporaine


« Les sanglots longs des marshmallows de l'automne blessent mon coeur d'une langueur monotone », écrivait le célèbre poète Paupol Verlaine en faisant griller ses marshmallows dans le feu de joie rutilant de la cheminée, la tête de son beau Rimbaud assoupi posée sur ses genoux sensuels et orgueilleux comme des obus.

Il pouvait alors entendre les doux et mous bonbons roses fondre en larmes et en sucre sous l'effet de la chaleur ; et ces râles de souffrance lui brisaient le coeur, et pour apaiser leur douleur et la sienne il les gobait un à un en les lançant jusqu'au plafond pour les laisser choir suavement au fond de son gosier délicat.

Ce poème des marshmallows fut le point de départ de cette attraction jamais démentie des Français bisexuels poètes, donc de quelques Français, pour ces délicieuses friandises qui rendent la vie plus belle pour les grands et les petits. Concédons que les marshmallows ont de quoi séduire, avec leur tendresse, leur sveltesse et leur aptitude à se laisser fondre sur le bout de la langue, collés érotiquement contre le palais, libérant dans la bouche l'orgasme de leur chair au goût sucré.

Cette somptueuse libération d'arômes est évidemment le fruit d'une recette complexe, faite du recyclage de la graisse de femmes liposucées et d'organes de bébés morts-nés et des meilleurs tumeurs triées sur le volet.

Selon un sondage Ipsos/France Dimanche/Ici Pourri, 82% des Français appréciant les marshmallows disent « les aimer en tant que nourriture », et 18% les aimer « pour leur autre utilité ». 25% des sondés affirment « les haïr en raison de leur nom à consonance anglophone parce que les Anglais nous envahissent et achètent même nos maisons en Bretagne, non mais franchement, d'ailleurs ils en ont parlé au JT de France2 », et 39% déclarent « en avoir complètement ras le cul des sondages à la con ».

Natasha St Pier et Lorie, autres grandes poétesses, avouent adorer les marshmallows, et « en dissimuler parfois dans leur soutien-gorge pour le rembourrer » .
Quant à Evelyne Thomas, elle concède à demi-mot que la rondeur de ses joues n'est pas naturelle.

Tout le monde semble aimer les marshmallows ; pourtant leurs détracteurs sont nombreux. Nicolas Sarkozy les considère comme « un cancer », et entend bien « lutter contre eux avec la plus grande fermeté ». Il a d'ailleurs l'intention d'envoyer les marshmallows-addicts dans les hôpitaux où sont soignés, enfin, où l'on tente de soigner, les cancéreux tabagiques et autres drogués au haschisch. Il a également l'intention de faire apposer des étiquettes sur les paquets de bonbons, montrant en gros plan des gorges tuméfiées, des poumon asphyxiés et des tumeurs purulentes, à l'image de l'Angleterre qui a pris cette décision pour les paquets de cigarettes afin de faire vomir les fumeurs en sortant du tabac et de les faire culpabiliser au delà de la limite du possible tout en allant remuer le voyeurisme et l'attrait pour le mauvais goût comme de la merde dont on ne veut pas qu'elle se repose mais plutôt qu'elle diffuse son odeur partout.
Une centaine de photos différentes seront disponibles, à collectionner bien évidemment ; certaines seront même collector avec à peine 100 exemplaires imprimés. Autant dire que les échanges de ces images Panini nouvelle génération vont faire fureur à la machine à café du bureau.

Il va sans dire que M. Sarkozy se trompe de combat. Les marshmallows sont bons pour l'homme, a fortiori dans notre société contemporaine de consommation de masse.

Coluche lui-même, auquel tout le monde rend sans cesse hommage comme si ça n'avait pas encore été fait en diffusant des sketches vus mille fois mais annoncés comme inédits et que tout le monde glorifie au plus haut des cieux à un point qui confine à la bêtise pure et dure, Coluche, qui au moins n'était pas chiant de son vivant, représentait lui-même l'image du marshmallow dans toute sa splendeur avec son accoutrement et sa rondeur qui évoquaient immanquablement les délicieux bonbons roses que nous aimons tous.

Nous avons besoin des marshmallows ; ils nous sont vitaux. Ils sont notre arme, accompagnés de la cigarette, l'alcool, le Mac Donald's, la bonne bouffe et le haschisch, pour lutter contre la société d'humanoïdes aseptisés, médicamenteux, allergiques et auto-protecteurs qui se prépare insidieusement, cette société dans laquelle on pourra choisir la couleur des yeux et des cheveux de notre enfant pour se faire un joli petit aryen mitonné avec amour plutôt qu'un petit brun à l'air juif ou arabe, cette société dans laquelle on pourra sous peu acheter des chats hypo-allergéniques pour la somme de 4000$, disponibles sur le marché du chat mutant dès 2007, cette société dans laquelle tout le monde devra être beau et jeune sous peine d'exclusion définitive, cette société qui finalement se retournera contre elle, parce que comme le montre Vian dans On Tuera tous les affreux, dès 1948, une société où tout le monde est beau est une société où personne n'est beau, sauf le laid.

Mangeons des marshmallows, et nous mangerons ceux qui voudraient nous en empêcher.