Chers lecteurs, amis de la nature et ennemis de la culture, adorateurs des fleurs et détracteurs des pollueurs, amateurs de pique-niques et niqueurs de réacteurs nucléaires, pédaleurs de l’extrême et piétons anti-pollution, ce message s’adresse à vous.
Il est temps d’en finir avec cette tradition qui veut, depuis le siècle des Lumières, lesquelles ont éteint toute l’intelligence de l’humain en luttant contre la bêtise du divin, que l’on doive, parce que l’Homme est supérieur à tout et est au centre du monde (sauf le noir et le juif évidemment), tenter de prendre de la hauteur vis-à-vis de la nature, et donc des pâquerettes, végétal innocent qui ne demande rien de mieux que l’épanouissement de ses pétales quittant leur position fœtale dans une chorégraphie matinale accompagnant gracieusement le lever du soleil dardant de ses rayons les champs de coquelicots que la campagne offre à nos regards émerveillés tandis que nous pétaradons sur la RN 5 au volant de notre vieille Safrane Diesel, et que nous disons à notre enfant qui, en sept ans de vie, n’a rien connu d’autre que les scooters slalomant entre les voitures de la rue Mon Désert et les clochards de la rue Saint Jean et les pots d’échappement à hauteur des narines et les cigarettes de ses parents et la violence de ses camarades et les dessins animés de TF ! et sa peluche de renard, son seul compagnon de tendresse, que la nature est belle à l’aune de la lumière de l’astre autour duquel gravite notre système, et alors il nous demande ce que c’est que l’astre autour duquel gravite notre système, et nous lui répondons que c’est le soleil, que c’est le plus grand des astres, et qu’il ne faut pas confondre avec l’humanité, qui est le plus grand désastre, et j’ai paumé le début de ma phrase alors merde je l’arrête ici.
La pâquerette est douce, mélancolique, et belle. Elle est la fleur des amoureux. Le destin d’une pâquerette est donc simple : tôt ou tard elle sera arrachée à la terre par un adolescent ou sa version féminine, qui s’emparera de ce petit soleil et de ses pétales pour les lui arracher un à un en récitant un rituel particulier consistant à dire, dans un état de contemplation face à ces délicates petite feuilles blanches, « elle m’aime un peu ; beaucoup ; à la folie ; pas du tout », certainement dans l’espoir que la personne qu’il aime l’aime aussi, et que le fait de tomber sur « à la folie » lui ouvre les portes de l’amour et du bonheur. La pâquerette, en voyant ce boutonneux réciter à travers son appareil dentaire ce chapelet amoureux, se fout généralement de sa gueule ; il faut être sacrément con pour s’imaginer qu’elle, pauvre pâquerette perdue au milieu d’un pré ou d’un jardin public encombré de merdes de chiens, saura lui dire si oui ou non la fille de ses rêves est en mesure de recevoir son amour et de le lui rendre. Donc la pâquerette pouffe. Elle pouffe moins quand elle se retrouve nue, et encore moins quand son dernier pétale correspondait à « pas du tout », auquel cas l’adolescent la plie et l’écrase dans sa main avant de l’envoyer derrière son épaule au pleurant (c’est vous dire à quel point il est con).
Nous considérons les pâquerettes avec trop de fatuité, mes amis. Car effectivement, la pâquerette détermine notre vie amoureuse à travers le rituel que je viens de décrire. C’est elle qui rend les cœurs amoureux, et c’est elle qui rend ou non la personne que vous désirez amoureuse. Il suffit d’y croire. Personnellement j’y ai cru et me suis quand même pris un râteau, mais il n’en reste pas moins que selon un sondage Ipsos 90 % des Français sont « satisfaits des résultats proposés par les pâquerettes ».
Le secret pour qu’une pâquerette donne un résultat exact ? Rester à son ras. De fait, la pâquerette ne supporte pas de nous voir à deux mètre au dessus de sa petite tête jaune. Imaginez un peu la vision : des jambes, infinies, un bassin, énorme, et des narines profondes ou une poitrine dont la fleur craint qu'elle tombe (pour résumer). Alors que si l’on se met au ras des pâquerettes, c’est nos yeux que nous leur offrons, et c’est notre âme, et c’est là que la pâquerette nous aime et nous aide.
Donc les amis, gardez en tête mon conseil : restez au ras des pâquerettes, au lieu de vous mettre au pas du racket.

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posted the 05/22/2006 at 09:59 PM by
franz