J’ai envie de crier ma haine du 1er avril et de cette tradition insoutenable dite du ‘’poisson d’avril'', qui lui est consubstantielle.
Le 1e avril a donc été décrété – allez savoir pour quel motif – jour de la blague. Le 1er avril, c’est le jour où, contrairement aux autres, les journaleux de tout poil peuvent dire des conneries avec un alibi en béton pour assurer leurs arrières : « Poisson d’avril ! ».
Par exemple, si l’affabulatrice qui s’était déclarée victime d’une agression antisémite dans le RER D en juillet 2005 avait fait son coup le 1er avril de la même année, les médias, qui se sont tous précipités en chœur sur l’affaire avec cette écume labiale caractéristique de l’excitation branloteuse ressentie par les institutions lors d’un cas avéré d’antisémitisme, les médias, disais-je avant de cracher mon venin déliquescent sur eux, eussent parfaitement pu prétexter un joyeux poisson d’avril.
Au lieu de ça, ils ont été contraints, et c’était déjà trop pour eux, de publier des excuses.
Le 1er avril, c’est le jour où l’on peut tout faire, parce qu’on s’en fout, c’est le 1er avril. C’est un peu comme si moi, je décidais que désormais le 14 mai serait mon jour de liberté absolue, le jour où les autres seraient obligés du subir tous mes désirs. Heureusement, dans le cas du 1er avril, il est tacitement admis que tout le monde a le droit de faire chier tout le monde, et que tout le monde doit rire des blagues dont il est victime. Ah ben oui, sinon c’est pas du jeu.
La coutume veut que le 1er avril, quand on fait une bonne farce et qu’elle s’avère être un succès, on vienne gueuler dans l’oreille de l’autre « Poisson d’avriiiiiil ! ». Mettez-vous devant une glace, et regardez-vous éructer cette formule. Je ne crois pas que l’on puisse trouver plus belle grimace ; je ne crois pas que l’on puisse avoir l’air plus con. Et puis « poisson d’avril », quoi. Enfin tout de même. Quel est le sens de tout ça ?
Pourquoi un poisson ? Pourquoi en avril ? Pourquoi le premier ?
Pourquoi pas un pangolin ? Pourquoi pas en février ? Pourquoi pas le 12 ?
Le 1er avril revêt donc une grande part de mystère, que je m’en vais percer avec l’aide de Google.
Bon.
On apprend que jusqu'en 1564, en France, l'année commençait le 1er avril. Et cette année là, le roi Charles IX, qui se faisait un peu chier après avoir explosé toute la cour au Monopoly, décida de modifier le calendrier. L'année commencerait désormais le 1er janvier (date choisie pour des raisons que nous expliquerons aisément : le premier janvier est le jour de l’An ; il était normal de décréter que l’année commencerait à ce moment-là). Et comme les gens étaient plutôt des rigolos en ce temps-là, des crétins finis eurent la joyeuse idée d’offrir des cadeaux bidon le 1er avril, comme ça, pour se faire remarquer. On voit bien le niveau intellectuel de l’époque ; c’est juste pitoyable. Bref, les gens se sont dit « oh ben oui, faisons-nous donc des blagues, c’est rigolo, c’est rigolo les blagues ! ». Dont acte.
Mais alors, pourquoi ce cri pugiliste impliquant cet innocent animal, bien que puant, qu’est le poisson ? Parce qu’au début du mois d’avril, nous dit-on, la pêche est interdite ; est des farceurs jetaient des harengs dans les rivières en braillant sur les pécheurs « poisson d’avril ! ». Et on ose dire que « c’était mieux avant ».
Bref, ami lecteur, voici l’histoire du poisson d’avril. Ce qui n’explique pas pourquoi cette tradition est devenue mondiale, et que le 1er avril, tout le monde, riche ou pauvre, jeune ou vieux, homme ou femme, Juif ou antisémite, fait et subit des blagues dans la joie et l’allégresse.
Des drames se transforment alors en une occasion de se payer une bonne tranche de rigolade. Exemples choisis : en Afrique subsaharienne, le jeune Mohamed rentre chez lui après plusieurs jours d’absence, en disant « Maman, j’ai sauté sur une mine, et j’ai perdu mes deux jambes !… Poisson d’avril, j’en ai perdu qu’une ! » Et la mère prend alors joyeusement son enfant dans ses bras, et c’est l’occasion d’une grande fête ce soir-là.
Autre exemple : Julie couche pour la première fois avec un type, sans préservatif parce qu’il lui assure qu’il n’y a pas de risque. Après avoir effectué leur petite besogne, le type se tourne vers elle et lui lance « Poisson d’avriiiil ! en fait j’ai le Sida ! ». Mais comme nous sommes le 1er avril, Julie le prend évidemment bien, et rit comme jamais elle n’avait rit dans toute sa vie.
On voit bien là l’adoucissement des mœurs provoqué par la tradition du premier avril, et on comprend ainsi mieux pourquoi cette coutume est d’intérêt public.
Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, le 1er avril n’est définitivement la date la plus judicieuse pour faire des blagues, puisque tout le monde est méfiant vis-à-vis de tout. Ce qui peut donner lieu à des malentendus gênants. L’exemple typique est celui du gamin qui rentre de l’école, sa mère lui dit « papa est mort dans un accident de voiture », le gosse répond « poisson d’avriiiiil ! ». Et sa mère l’emmène à la morgue.
Définitivement, soutenez le comité contre les poissons du 1er avril.
Merci d’avance.
A ce propos, une assemblée générale se tiendra demain à la fac de lettres de Nancy, où un vote à main levée décidera démocratiquement de la marche à suivre. Sachez juste que des têtes vont tomber au gouvernement.
Marre des politiciens corrompus, et à bas le ministre du 1er avril !

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posted the 04/02/2006 at 09:49 PM by
franz
A, j'allais oublier: "Vive la morue!"