(Veuillez noter que cet article a subi une légère modification avec ajout d'un paragraphe sur l'appareil dentaire, tout comme le billet sur le collégien.)
Partie II : le lycéen
Durant toute sa scolarité, le collégien n’attend qu’une chose : le lycée. Plus de liberté, plus de maturité, plus de respect ; tout est censé le réjouir dans cette dernière ligne droite avant le bac.
En seconde, le lycéen n’est qu’un troisième même pas évolué. Qui plus est, il vient de perdre son statut de Roi du Collège pour se faire attribuer celui de Petite Bite du Lycée. Pour cette raison, le lycéen de seconde est un cas atypique. Engoncé dans ses certitudes de troisième, il tient à les réaffirmer ; bien vite cependant il se rend compte qu’il n’ira pas très loin ; il prend alors conscience qu’il va lui falloir évoluer rapidement. C’est donc là qu’il commence, petit à petit, à chercher des habits qui ne le différencient pas seulement des vieux, mais aussi des autres jeunes. Parallèlement, sa mentalité reste tout de même fixée sur une attitude aveuglément rebelle et sur laquelle la société n’aura jamais, le lycéen en est certain, le moindre pouvoir.
S'il n'a pas de chance, le lycéen garde son appareil dentaire jusqu'à la fin de la seconde ; c'est une douloureuse prolongation du drame de la condition collégienne. S'il est vraiment maudit, il aura un appareil jusqu'en terminale. Il gardera aussi son acné, mais ça gêne moins.
Dans sa quête de trucs à raconter pour dire qu’on est maintenant un grand, le lycéen aime à évoquer sa découverte de la cigarette en cinquième, et celle du pétard en troisième. A partir de la seconde et jusque le début des études, la consommation de haschich constitue pour le jeune la plus flagrante preuve de sa maturité, de sa capacité à déconner, de son indépendance vis-à-vis de cette société de merde qui nous exploite, bref de sa surpuissance. Inégalable est le sentiment de fierté que l’on connaît quand on confie à des personnes pas forcément très intimes, au cours d’une conversation, qu’on a fait une soirée avec des potes et des pétards, et plein d’alcool – encore que l’étudiant s’avère bien plus porté sur sa consommation d’alcool que le lycéen.
Dans sa première année de lycée, notre sujet d’observation n’est pas tout à fait sorti de ses habitudes collégiennes. C’est donc en seconde qu’il regarde le plus de films érotiques ou pornographiques. La pratique a toutefois quelque peu changé : auparavant il le faisait pour s’en vanter auprès de ses potes ; aujourd’hui il le fait pour sustenter sa verge. Le lycéen aime beaucoup msn. D’une part parce que le lycée ne lui laisse absolument pas le temps de fréquenter des personnes pouvant exister hors de l’établissement scolaire et du cadre familial ; d’autre part parce qu’msn, contrairement au téléphone, lui permet de parler à loisir de cul avec ses potes sans que ses parents puissent le soupçonner de quoi que ce soit.
Vers la première, le lycéen décide de faire du passé table rase, et de se mettre sérieusement en quête d’une copine. Ayant compris, à force, que ce n’est pas en insultant les filles sur leur poitrine qu’il obtiendrait d’elles de la douceur, il préfère vouer sa confiance à des techniques de drague réputées plus efficaces. Avant tout, il a ouï dire que les femmes appréciaient l’humour. Son premier objectif sera donc d’arracher des rires à la femelle qu’il convoite. S’il y parvient, il se dira qu’il a une ouverture, qu’elle l ‘aime certainement, et rêvera d’elle toutes les nuits. Son second objectif est d’en jeter. S’il possède enfin le scooter qu’il avait tant désiré au collège, le lycéen pense que c’est gagné. Il lui faut tout de même agrémenter son rôle de baroudeur-Piaggio de choix vestimentaires judicieux ; il comprend enfin que le survêt et l’apparence sportive ne séduisent personne. C’est donc le casque à la main, des Sparkos aux pieds et la blague à la bouche que le lycéen aborde, avec l’aide de ses lunettes de soleil, la femme de ses rêves. Avec de la chance, il arrivera à sortir avec elle ; d’autant plus que pas mal de lycéennes n’attendent qu’une occasion de rire pour donner des espoirs aux mecs. Hélas, le lycéen, comme le collégien qu’il fut, reste guidé par sa bite ; son objectif à terme est donc de connaître avec sa conquête l’extase d’une relation sexuelle, et ce dès la première semaine. Pour la garder, il sait néanmoins qu’il suffira de lui envoyer tous les soirs un petit sms du type : ‘’Je t’M. Bizz @+ loool’’. Car le lycéen a rarement conscience de la laideur que revêt le langage sms, et de la crétinité qu’il laisse transparaître, parfois à tort, auprès du récepteur. Encore que le lycéen n’ait finalement pas besoin de se préoccuper de ce problème ; il s’avère que la lycéenne est encore pire que lui dans ce genre-là.
A ce propos, évoquons rapidement cette dernière, qui se résume par les magasins qu’elle fréquente. Pour la lycéenne, il est primordial de posséder, dès la seconde, un sac à main et des chaussures à talon. Même si ces deux éléments constituent un handicap total pour se déplacer au sein de l’établissement. Il est également très important pour elle de n’être habillée comme aucune autre, d’être à la pointe de la mode, et de fustiger les éventuelles copiteuses qui pourraient avoir l’idée de plagier son look. La lycéenne fashion, si elle s’avère en plus être jolie – c’est rarement le cas–, est bien souvent une vraie connasse, trop consciente de l’avantage qu’elle possède sur ses camarades pas encore touchées par le virus Dior pour leur faire ignorer son succès auprès des mecs. Constamment dans l’idée d’apparaître sous les traits d’une femme allumeuse mais distante et pour laquelle il faudra se battre, la lycéenne fashion oublie juste d’être elle-même. Elle a donc deux alternatives : soit sa froideur tend à repousser les garçons, et c’est un échec total ; soit elle en séduit des paquets et commence à avoir l’habitude de n’être qu’un coup tiré le soir pour être lâché le matin à la vue de son visage démaquillé, auquel cas c’est également un échec total. Dure est l’existence de la lycéenne qui, on ne sait pourquoi, s'acharne à en faire un calvaire.
Le problème du lycéen amoureux d’une fille qui ne l’est pas de lui est qu’il ne peut plus décemment se branler. Premièrement, parce qu’il est presque impossible de le faire en pensant à la femme qu’on aime. Deuxièmement, parce qu’il aurait l’impression de la tromper avant même d’être avec elle s’il s’excitait le pénis par la vision d’autres femmes. Troisièmement, parce qu’il prend peu à peu conscience du côté humiliant de la chose ; il se rend compte que le problème de ce plaisir solitaire est justement la solitude ; décidément, non, sa bite ne doit pas être faite pour ça ; elle doit avoir une autre utilité. Se masturber, c’est s’abaisser à l’assouvissement des plus primaires désirs ; c’est se rendre esclave de sa queue ; le lycéen ne peut pas supporter cette idée.
Pour cette raison et d’autres encore, le lycéen célibataire a toutes les chances d’être dépressif. Comme si cet arrêt soudain du plaisir de la branlette et cette solitude amoureuse ne suffisaient pas, on emmerde ce jeune malheureux du début de la seconde à la fin de la terminale avec ce qui constitue le but de tous les efforts qu’il est censé avoir fourni depuis la primaire ; ce vers quoi convergent toutes ses souffrances scolaires : le baccalauréat. Car il ne fait aucun doute que sa vie sera piteuse s’il ne possède pas le fameux diplôme, et ses professeurs ont un talent fou pour le lui faire comprendre. La terminale symbolise donc l’idée d’une véritable pressurisation à la limite du chantage (’’si t’as pas ton bac, etc’’).
Pire encore, que le lycéen bosse ou pas, il sait qu’il passe environ neuf heures par jour à étudier ou à y faire croire. En clair, le lycée, c’est sa vie. Il lui est impossible d’espérer avoir la moindre existence extrascolaire ; il ne peut pas créer d'autres relations que ses camarades ou ses rencontres internet.
Le drame du lycéen, c’est qu’il n’est qu’un lycéen, et qu’on ne saurait tolérer qu’il soit autre chose que ça.

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publié le 22/03/2006 à 21:59 par
franz
Ensuite le passage de la troisième à la seconde n'a eu aucun effet sur mon attitude. Ni "petite bite" ni "grand caïd" et aucun poid sur les épaule de quelque mannière que ce soit concernant tout ça.
Mais bon, c'est vrai que j'en vois pas mal de ces energumènes que tu décris.