J’ai envie de cracher sur quelqu’un. Je voudrais jeter mon dévolu sur une cible facile, et faire de celle-ci mon bouc-émissaire le temps d’un billet.
Mais alors, qui attaquer ? Les antisémites, pour être à la mode? Les juifs, pour être original ? Le racisme, pour faire croire que je suis courageux ? Milosevic, maintenant qu’il est mort ? Ma mère, qui a loupé les spaghettis de ce soir ? Toi, qui commences à geindre parce que je t’emmerde ? Moi, parce que je te fais geindre ?
Putain, Black Star de Radiohead est une super bonne chanson ; je suis surpris. Pourtant The Bends, en dépit du peu d’écoutes que j’en ai, est de leurs albums celui que j’aime le moins. Notez que j’ai pas encore essayé Pablo Honey. Plus sérieusement, la passion récente que je me suis découverte pour ce groupe contemporain me jovialise au plus haut point. Pour la première fois, je trouve des artistes dont je peux attendre la prochaine création avec impatience ; pour la première fois j’ai l’impression d’être dans le coup musicalement, sans me fondre dans un bête effet de mode. C’est sublime.
Mais vous vous en foutez certainement ; j’avoue vous comprendre. Tellement bien d’ailleurs qu’après m’être adressé à vous en te tutoyant quelques lignes plus haut, je n’ose plus te parler sans vous faire preuve du respect qui t’est dû par le biais d’un vouvoiement certes académiques mais tellement plus esthétique qu’un ‘’tu’’ qui tue toute conversation en voulant instaurer une amitié artificielle ; or on sait que d’une amitié artificielle à une inimitié réelle, il n’y a qu’un pas (bon ok, peut-être deux).
Mais je me perds dans les tréfonds de ces vacuités de langage ; j’en oublie du même coup de déverser mon spleen sur le dos d’une personne prête à recevoir ce dernier.
Allons- y pour moi alors ; je me sens prêt.
Je ne suis pas très beau ; enfin je ne pense pas l’être. Disons que je n’ai pas de défaut majeur, mais rien non plus qui justifie qu’une personne soit attirée vers moi dès le premier regard. En plus j’ai quelques boutons sur la gueule ; et ça m’insupporte. Pour détourner l’attention des gens qui me croisent dans la journée, je me concentre particulièrement, le matin, sur ma coiffure, qui généralement se barre à peine le premier pied posé dehors. Donc je tente de m’habiller convenablement ; mais je ne vous donnerai pas plus de détails, sinon ça va ressembler à une bio de Julio Iglesias (merde, je viens de trouver une personne sur qui vomir ma bile). Je suis plutôt maigre, ni grand ni petit, pas particulièrement charismatique ; autant dire que je suis d’une extraordinaire banalité. J’ai pas envie de mourir très vieux ; c’est normal puisque je suis jeune. Du haut de mes dix-neuf ans d’immaturité, je pense avoir la vie complète devant moi ; en conséquence de quoi je tente de fumer de manière à amputer mon espérance de vie d’une dizaine d’années – au moins. L’état de délabrement dans lequel j’ai vu mon grand-père y est certainement pour quelque chose. Alors évidemment, lorsque mon premier infarctus surviendra, avant la trentaine j’espère, je regretterai toute cette débauche – oui, le mot est grand. Pour combler mes regrets, je continuerai donc les pétards avec ma mie et mes amies. D’ailleurs, fumer des pétards et me saoûler avec ma mie et mes amies est mon seul projet d’avenir. Contrat Pétard Débauche.
N’ayant pour moi aucune sympathie d’ordre physique, je m’aime en faisant ce que je fais actuellement, à savoir écrire. De fait, j’ai un besoin viscéral de sentir que des gens peuvent m’aimer pour ça ; il faut que chacun de mes billets récolte au moins un commentaire positif, sinon je me pète une déprime (appel implicite à votre participation). Je ne nierai pas néanmoins que rien ne m’excite tant qu’un méchant commentaire qui vise à côté et contre lequel il est possible d’envoyer une longue, drôle et cinglante charge. Vous comprendrez qu’avec la plupart des vos avis, j’ai toutes les raisons d’avoir l’impression – certainement fausse – qu’une carrière dans la littérature est possible pour moi.
(Attendez, je me relis… « Une carrière dans la littérature est possible pour moi »… on aura tout vu.)
J’ai aussi la chance d’avoir à mes côtés, depuis six mois, une amoureuse qui m’aide à me sentir aimable. De la même manière qu’un amour solitaire peut faire sombrer au confins du désespoir et de la perte d’envie de vivre, un amour réciproque est la seule chose qui puisse, de manière durable et profonde, inscrire en soi l’idée que l’existence vaut quelque chose. Tout le reste, que ce soit l’alcool, le tabac, les jeux vidéo, le cinéma, l’art ou Dieu, n’est qu’artificialité, substitution. Je comprends alors soudainement, et de manière particulièrement violente, tous ces poncifs sur l’amour : l’amour c’est la vie, l’amour c’est beau, etc. Tout ça est vrai ; et c’est bien là mon malheur, puisque l’on ne peut plus rien dire de tout ça sans passer pour un busard niaiseux apparenté à Francis Lalanne ou à Miss France – non, ce ne sont pas une seule et même personne.
L’amour, c’est donc l’essentiel ; c’est pas du pipeau. A vrai dire, il me semblerait tout à fait logique, dès lors qu’une personne nous rend heureux, d’abandonner ses croyances spirituelles, de laisser tomber ses divertissements, d’arrêter la consommation de dérivatifs. Personnellement, je pense que ma foi en Dieu est trop intrinsèque chez moi pour que je puisse considérer qu’elle n’était, jusqu’au mois de septembre dernier, qu’une opiacée. Toutefois, I might be wrong, pour reprendre le titre du morceau que j’écoute actuellement.
Mais je me perds, et j'oublie tout simplement de cracher sur moi. Voyez-m'en désolé. Peut-être qu'au fond, je m'aime quand même bien.
Donc si vous pouviez, vous, m'avouer votre haine envers moi, me faire tous les reproches que vous n'avez jamais osé formuler à mon encontre, me dire ma bassesse et les pêchés que vous voudriez que je confesse, me dire ma prétention, ma vanité, mon outrecuidance et mon devoir d'arrêter d'écrire des conneries,ça m'aiderait beaucoup.
Merci d'avance.

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posted the 03/12/2006 at 11:04 PM by
franz
Ton style m'y fait penser.