C’est bien d’être phosphorescent ; c’est pratique, sympathique et chic.
Quand on y pense, êtres phosphorescent est une chance.
J’ai toujours rêvé d’être un mouton de plastique phosphorescent, d’être collé au placard de la chambre d’une muse quelconque dont je pourrais savourer les aventures, et que je pourrais aider à endormir en me faisant compter quotidiennement. Malheureusement ce bonheur m’est inaccessible.
Il existe néanmoins des solutions palliatives. On peut par exemple revêtir un apparat phosphorescent pour être vu des conducteurs la nuit sur une route de campagne où l’on déambule avec des amies à la suite d’une plongée dans l’univers paradisiaque et inextricable de l’alcool et du joint au sein d’une maison rurale dont le passé lourd de fêtes et d’excès rassure en une fraîche soirée de fin d’été . De fait, s’habiller avec des habits phosphorescents permet aux chauffards de mieux nous viser ; c’est donc utile.
Si l’on est catholique, on peut se procurer un chapelet phosphorescent ; cela permet de prier même dans le noir, afin d’éviter lors de la contemplation que nos yeux ne s’écarquillent irrémédiablement pour finir posés sur un magazine à caractère érotique négligemment oublié sur le sol. Certes, on aura de toute manière le pardon de Jésus, qui est indéniablement un type cool et également l’homme le plus Rock N Roll de tous les temps (dixit Bob Dylan, qui lui est un Dieu du Rock, alors bon). Mais je vais arrêter de crier mon amour pour Jésus ; il risque d’être gêné.
On peut se procurer plein d’objet phosphorescents toujours pratiques. Une muse phosphorescente par exemple permet d’éviter de la perdre dans le noir, et de venir se coller à elle quand on sent que notre contact lui manque.
Au reste, nous avons tous à toutes les époques de notre vie possédé des objets phosphorescents : pistolets à eau, figurines Chocapic, briquets, chouchous, beignets au pommes, cacahouètes et olives.
J’y vois là un désir de retourner à l’état de phosphorescence de nos ancêtres, un état qui fut rompu lors d’un épisode tragique de l’humanité, épisode magnifiquement relaté par le passionnant Rousseau dans son Contrat Phosphosocial ; on y retrouve son style euphorisant et léger : « Le premier qui, en se déphosphorisant, se rendit invisible aux yeux de ses congénères dans la nuit, les menant à la discorde et au chahut, à la haine et au chagrin, à l’ANPE et aux Assedic, celui-là est responsable de toutes les guerres. »
On ne peut qu’abonder dans ce sens. La haine d’Hitler envers les Juifs partait d’un point qu’il avait en commun avec eux ; tout comme eux il était invisible dans le noir. S’il les a tués, c’est juste pour être le seul homme non-phosphorescent. Une motivation compréhensible de la part d’un type qui aurait peut-être mieux fait, pour le bien de l’humanité, de réussir dans la peinture. Au moins, de cette manière, la peinture aura été épargnée. Mais passons.
Le problème de la non-phosphorescence est toujours d’actualité, avec les émeutes en banlieue. Pourquoi les jeunes sont-ils en colère ? Parce qu’ils sont ne sont pas contents ! Depuis combien de temps demandent-ils le droit à la phosphorescence ? Depuis combien de temps notre gouvernement évite-t-il le sujet avec une langue de bois honteuse ? Aujourd’hui, leur revendication est simple : ils veulent de la phosphorescence. Une luminosité qui aiderait tout le monde : ainsi les policiers pourraient mieux viser lors des courses-poursuites la nuit. Cette série d’immolations de voitures n’est-elle pas le témoignage d’une volonté de faire en sorte que les choses soit à l’origine de la lumière qui les éclaire ?
Car c’est là que réside tout le concept de phosphorescence : être soi-même la source de la lumière qui nous mettra en valeur. Le jour où les jeunes auront accès à la phosphorescence, ils pourront se sentir plus sûrs d’eux, entreprendre de grandes choses et, enfin, brûler la 607 de Sarkozy au lieu d’aller cramer la 106 de M. Mohamed qui n’a rien demandé à personne, à part éventuellement un maintien de son emploi au patron de l’usine qui l’emploie ; il n’a pas osé aborder le thème de l’augmentation alors que son temps de travail est passé à 40 heures par semaine en échange d’une baisse de son salaire. Mais voilà mon caractère syndicaliste qui ressort ; c’est pas très bon pour mon karma de riche. Enfin tout de même, vive la révolution d’octobre, moi j’dis.
Bref, la phosphorescence est un problème qui nous concerne tous, riches ou pauvres, blancs ou noirs, vieux ou jeunes.
Une société resplendissante, c’est une société phosphorescente !
Ensemble, soutenons le comité pour la phosphorescence !

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posted the 01/27/2006 at 10:42 PM by
franz