
J'ai déjà peur
Après le mythique House of the Dead, Uwe Boll récidive en nous proposant une nouvelle adaptation bidon de jeu vidéo : Alone in the Dark. Evidemment, le résultat est une nouvelle fois catastrophique, comme nous allons le voir...
Casting du film
Réalisateur
Uwe Boll
Acteurs
Edward Carnby
Christian Slater
Aline Cedrac
Tara Reid
Commander Burke
Stephen Dorff
Agent Miles
Will Sanderson
James Pinkerton
Ed Anders
Crewman Barnes
Robert Bruce
Agent Barr
Daniel Cudmore
Producteur
Shawn Williamson
Scénaristes (oui, ils étaient pourtant plusieurs)
Elan Mastai
Michael Roesch
Peter Scheerer
Analyse de la chose
Avant de commencer à décortiquer ce film de haut-vol, je vous retranscris ici le texte déroulant qui l’introduit…
En 1967, des mineurs découvrirent les premiers vestiges d'une civilisation amérindienne de puis longtemps disparue - les Abkanis.
Les Abkanis croyaient que la planète était composée de deux mondes : un monde de ténèbres, et un monde de lumière. Il y a 10 000 ans, les Abkanis ouvrirent un passage entre les deux mondes.
Avant qu'ils aient pu le refermer, une force maléfique le traversa.
Les Abkanis disparurent mystérieusement de la Terre. Il n'en reste que quelques objets d'art, cachés dans les endroits les plus reculés du monde.
Ces objets montrent de terrifiantes créatures, qui se multipilent dans les ténèbres, en attendant le jour où le passage s'ouvrira à nouveau.
Le bureau 713, le service de recherches paranormales du gouvernement, fut créé pour percer les secrets occultes de cette civilisation perdue. Sous la direction de l'archéologue Lionel Hudgens, le bureau 713 commença à recueillir des objets d'art Abkanis.
Quand le gouvernement mit fin à ses recherches controversées, Hudgens construisit un laboratoire caché à l'intérieur d'une mine d'or abandonnée.
Il y mena d'effroyables expériences sur de jeunes orphelins pour tenter de fusionner humain et créature.
Les victimes d'Hudgens survécurent sous la forme de dormeurs, des âmes errantes qui attendent le moment d'être appelées.
Après ce limpide résumé annonçant une oeuvre intellectuellement supérieure à tout ce qui a existé et à tout ce qui existera, le film nous ramène 22 ans en arrière, à l'époque ou le méchant archéologue menait des expériences sur les pauvres petits z’enfants dans son laboratoire. Il demande à la bonne soeur qui garde l'orphelinat de dire à la police que les gamins ont tous disparus mystérieusement (20 personnes d'un coup, c'est pas suspect hein). Pendant ce temps, il les transfère vers le labo. Manque de bol, il s'avère qu'ils ne sont plus 20, mais 19; l'un d'entre eux a disparu... Le spectateur découvre dans la minute suivante qu'il s'est en fait réfugié dans une cabine à haut voltage (c'est très intelligent). Zoom sur ce garçonnet à qui on a volé l'enfance, petite musique mélancolique, le spectateur est censé être ému ; c'est le cas, mais pour d'autres raisons. On voit ensuite la bonne soeur donner une explication tout à fait crédible aux policiers mandatés, lesquels notent consciencieusement et sans se poser de question : Après la coupure de courant, je suis montée dans le dortoir des enfants... Ils avaient tous disparus... Leurs lits étaient tous vides... Comme s'ils s'étaient... évaporés ! Suit un gros plan sur l’œil du gamin, dans le reflet duquel on aperçoit une étrange créature… Le spectateur est traversé de toutes sortes d’émotions, allant du désespoir complet à l’envie de rire un bon coup.
Après cette scène effrayante, Carnby se réveille dans un avion de ligne ; on comprend que l‘enfant du début, bah c‘est lui. Le film tente à ce moment une périlleuse approche philosophique; un enfant à ses côtés, s’étant rendu compte que notre héros vient de faire un cauchemar, lui dit : Ma maman dit que c'est inutile d'avoir peur dans le noir. -Ta mère se fait des idées... Avoir la frousse du noir est justement ce qui nous maintient tous en vie, lui répond après réflexion le charismatique protagoniste. Le gamin en reste bouche bée. Nous aussi.
Puis un vieux, qui est en fait l’archéologue Hudgens, à bord d’un bateau, parle au téléphone d'un objet que Carnby aurait en sa possession ; les objectifs sont clairs : lui voler l’objet, et le tuer… L’atmosphère est tendue.
On se retrouve ensuite à l’aéroport; une voix-off, celle de Carnby, nous explique son rôle de défenseurs des petits z’enfants, d’une manière encore une fois très philosophique : Vous pensez peut-être que je suis un salaud d’avoir effrayé ce garçon sans raison… Mais j’essaie seulement de le protéger… Vous êtes entourés par un monde que vous avez appris à ne pas voir…. Edward sors les avirons, continue de ramer; sa théorie semble de plus en plus insensée : La peur est une des uniques protections contre les choses auxquelles on ne croit pas…. J'ai appris la vérité il y a longtemps… Ce n'est pas parce qu'on ne peut pas voir une chose, que cette chose ne peut pas nous tuer... En tout cas, on comprend que ce n’est pas parce que ce que l’on voit n’est qu‘un film, qu’il ne peut pas nous assommer…
Puis dans un taxi, Carnby sort l'objet en question, une sorte de crâne... Quel est l'intérêt de ce truc, se demande-t-on ? Le film lui-même ne répondra pas à cette question; Uwe Boll a du oublier de traiter ce sujet... Pendant ce temps, un type patibulaire a pris le taxi d’ Edward en chasse…Carnby se croit obligé d’en rajouter une couche: A l’âge de dix ans j’ai perdu la mémoire… Complètement effacée… je sais que quelque chose de grave à eu lieu à l’orphelinat… Depuis je cherche des réponses. Mais rien ne vous force à me croire… Je m’appelle Edward Carnby et je suis là pour vous protéger des choses auxquelles vous ne croyez pas…, dit-il en observant son crâne en plâtre avec une vraie tête de con.
Là le chauffeur pose la question qui tue : Vous faites quoi comme job ? - Ce n’est pas intéressant… Mais face à l’insistance du jeune homme qui conduit, et aussi parce qu’il veut se la péter un peu, Edward déclare : Je travaille…comme inspecteur expert en surnaturel. On comprendrait qu’il puisse avoir honte, mais visiblement ce n’est pas le cas. Là Carnby se rend enfin compte qu’il est suivi; le chauffeur propose carrément de semer la voiture derrière. S’engage une course poursuite à dix à l’heure parsemée de dérapages piteux dans les rues de la ville, jusqu’à ce que Carnby ait la bonne idée de s’engager sur une place de marché (il va y avoir des morts…, s‘inquiète le chauffeur). Ce qui doit arriver arrive, c’est l’accident bête: un mur surgit sans prévenir, les deux voitures se retrouvent encastrées. Mais la course-poursuite continue à pied; le bad guy qui tente de tuer Ed semble doté de pouvoirs surnaturels: il fait des bonds de cabri sur les grillages, et, pire encore, il résiste au balles ! Quel suspense… Le combat continue aux poings, jusqu’à ce qu’Ed envoie le méchant se faire empaler par un pic, mettant fin à son existence.
Pendant ce temps, Hudgens, à bord du bateau de pêche, vient de récupérer ce qu’il convoitait: un tombeau, contenant des rébus. Le capitaine le prévient pourtant: On dit qu’une épave de bateau est comme une tombe…il ne faut jamais troubler sa paix... La grosse boîte est déposée sur le pont. L’équipage veut l’ouvrir, mais Hudgens hésite : Les conditions doivent être parfaites, sinon on s’expose… à des conséquences, déclare-t-il solennellement. Soudain le capitaine du bateau s’excite comme un phoque en découvrant de l’or massif incrusté dans le sarcophage. C’est alors que l’équipage enferme Hudgens dans une salle, pour s’emparer du trésor… Ils ouvrent le coffre, et que découvre-t-on avec stupéfaction ? Il y a un monstre numérique dedans ! Au même moment, Carnby qui tapotait tranquillement sur son ordinateur à la recherche d’indices sur un objet mystérieux trouvé par hasard est pris d’un violent mal de crâne; en même temps un homme se réveille en plein milieu de la nuit; on croit qu’il veut aller aux chiottes, mais non, il sort dans la rue en pyjama, guidé par on ne sait quelle force; de même, une femme qui fait tranquillement sa vaisselle sort de chez elle sans refermer la porte de sa maison: le mystère est entier: que se passe-t-il donc ? L’objet qu’étudiait Carnby s’illumine soudain, le spectateur se pose tout plein de questions : Que cela signifie-ce ? Que va-t-il se passer ? Qu’est-ce que je vais manger demain ? Pourquoi je regarde ce truc ?
Au même moment, Hudgens, enfermé, entend venir de dehors des hurlements insoutenables; la créature semble faire un véritable carnage! Ouhlala, ouhlala, que d’émotions. Il parvient finalement à sortir, et là, vision d’horreur : de la sauce tomate, pardon, du sang, partout sur les murs, toute la tapisserie à refaire, enfin bon je vous raconte pas le bordel. Toujours est-il que notre ami trouve dans la boîte vide un objet qui semble parfait pour s’emboîter avec celui de Carnby, et que cette trouvaille le rend ostensiblement heureux. Il descend donc du bateau, qui a accosté comme par miracle alors qu’il n’y a pas cinq minutes il était en pleine mer…
Pendant ce temps, au bureau 713... Un jeune blond censé émoustiller n’importe quelle adolescente moyenne, Burke, semble diriger les opérations de l’agence; une de ses collaboratrices (90-60-90) lui apprend qu’elle a repéré un électromagnétisme hors-norme, même qu’elle a jamais rien vu de tel. C’est pas croyable, s’étonne le blond… Visiblement il se passe des choses pas normales. Au réveil, Ed est dérangé par un coup de téléphone; une de ses amies lui annonce que John, son mari que l‘on a vu précédemment sortir en pyjama, s’est volatilisé. Carnby, héroïque, s’engage à le retrouver, surtout que John est son ami, ils étaient à l’orphelinat ensemble, je vous le rappelle. Retour à l'orphelinat donc, pour débuter l‘enquête. Première question de la bonne sœur, ravie de revoir son chérubin : Edward, dors-tu mieux qu'avant ?. Par la suite, on comprendra que tous les orphelins ont disparu dans les mêmes conditions ; seul Carnby le magnifique semble n’avoir pas été touché…Le mystère s’épaissit. Il va donc voir une de ses anciennes amies (90-60-90 également), qui lui jette une baffe d’entrée de jeu sous prétexte qu’elle l’a cru mort. A eux deux, ils vont pouvoir éclaircir la situation… A partir de là, le film nous prouve, si cela n’était pas déjà fait, qu’il est un digne navet d’action de série Z, avec des gunfights réalisés à l’arrache, des dialogues nanardifiants et un surjeu qui semble faire partie du cahier des charges de tous les films d’Uwe Boll.
On découvrira par la suite que le méchant du début était un des 20 orphelins, un dormeur. Car pour faire fonctionner la mutation, Hudgens a implanté dans les enfants des larves de monstre, qui parasitent leur colonne vertébrale, les rendant immortels tant que la larve en question n’aura pas été tranchée, et les faisant obéir aux créatures. Carnby aussi a cette larve en lui, mais elle est morte quand il s’est réfugié dans la cabine à haut voltage, sous prétexte qu’il y a subi une électrocution (c'est ainsi qu'il a perdu la mémoire, suivez un peu). Décidément, ce scénario est de plus en plus intéressant. Ne prêtez pas attention aux incohérences qui parcourent ce texte, elles se trouvent également dans le film… A partir de là donc, on ne trouve presque que de l’action, et des scènes censées effrayer le spectateur et le faire frissonner. Ce qui ne marche jamais, évidemment. On trouvera aussi, parce qu‘Uwe Boll est un homme sentimental, une séquence torride: Carnby est au lit, sa nouvelle petite amie vient caresser les cicatrices sur son dos, puis elle lui embrasse le front; à partir de ce moment les corps excités ne peuvent plus se contrôler, et c’est le miracle de la baise; le tout avec en fond sonore la chanson Seven Seconds et son I’ll be waiting ; j’ose affirmer qu’on tient là la scène la moins loupée du film.
On notera un petit clin d’œil à Matrix; Hudgens va chez quelqu’un et lui fait ingurgiter, comme Smith avec Neo, une sorte de bizarrerie, celle-la même qui s’agrippe à la colonne vertébrale des gens. Et là, le mec se zombifie, parce qu’il fallait bien se servir des boîtes de maquillage non utilisées sur le tournage de House of te Dead. Pendant ce temps, Ed et son amante finissent par trouver l’emplacement d’où sont contrôlés les monstres, qui n’est autre que l’orphelinat. Mais à ce moment, les lumières se mettent à clignoter… Carnby sort son flingue (quelques minutes après avoir rangé l’autre), et tombe sur John, devenu lui aussi un zombie ! Edward se voit - ô drame - obligé de le tuer (il précisera d‘ailleurs c‘était un de ces monstres.. Ils devaient contrôler son esprit…, et sa connasse de rajouter sur un ton compréhensif, pour lui donner bonne conscience : T’avais aucun autre choix alors… ). A ce moment plein d’autres zombies débarquent, ainsi que des bestioles numériques, en même temps que les troupes du bureau 713, qui sont sûrement rentrées parce qu‘elles ont vu de la lumière, en tout cas on ne sait pas ce qu‘elles foutent là... C’est là que le talent d’Uwe Boll nous apparaît majestueusement : à la 52 eme minute, exactement comme dans House of the Dead, on trouve ce qui doit être la marque de fabrique de Boll, à savoir une longue et ennuyeuse scène de gunfight, tellement bien réalisée qu'elle rend la crise d'épilepsie presque inévitable, même pour quelqu‘un de normal. Le film devient vite un mix entre House of the Dead et Starship Troopers, avec un soupçon d'Alien pour rendre le tout bien indigeste. On constate qu’Uwe Boll sait s'entourer d'acteurs fidèles; on retrouve ainsi - dans un petit rôle certes, un des héros de HoD, qui ne s'est d’ailleurs pas amélioré dans l'actorat depuis cette autre bouse. Au final, le blond ex-ennemi de Carnby finira par se sacrifier pour sauver la planète en faisant exploser la grotte où se trouvent tous les monstres (grotte située sous l’orphelinat, n’est-ce pas). Le spectateur pleure toute les larmes de son corps en pensant aux sommes dépensées pour produire cette daube.
Mais ce n’est pas tout; AiD est bourré d’incohérences ridicules, par exemple ce moment étonnant: le blond débarque sur les lieux du combat, sort son talkie-walkie, demande où est-ce qu'on en est ?, et remballe son appareil dans la seconde, sans avoir écouté la réponse... Autre grand moment, avec le premier bug de doublage de l’histoire, et cette réplique d'un des persos, que je vous reproduis textuellement : Et fiable, est-ce que vous l'êtes, vous, Fisher ? Sinon je vous vire de l'unité, comme ça vous et Car... (ses lèvres se sont arrêtées de bouger depuis une seconde) Sinon je vous vire de l'unité, comme ça vous et Carnby vous pourrez faire tout ce que vous voulez.
Verdict
3/10
Accumulant avec brio tous les poncifs, Alone in the Dark est donc une merde de plus à mettre au compte de Uwe Boll: scénario bidon et insensé, actorat ni fait ni à faire, maîtrise de la caméra inexistante; bref, on tient là un gros navet. Un navet dont l’utilité du titre m’échappe encore, puisque personne n’est jamais Alone, et encore moins In the Dark…Tout comme le précédent film du même réalisateur, AiD est un mauvais nanar, mais il prendra sûrement du goût avec l’âge. En attendant, on constatera tout de même que Boll s’est très légèrement amélioré depuis HoD, Alone étant tout de même moins effarant. Peut-être aussi que le sujet se prêtait un peu mieux (ou un peu moins mal) à un film…

Là normalement, vous devriez sursauter, ou au moins tressaillir.