Bonjour à tous,
Je viens de lire un édito de pc inpact qui m’a interloqué, notamment parce qu’il s’adresse aux médias :
http://www.nextinpact.com/news/78457-edito-sexisme-chez-geeksjoueurs-aux-medias-montrer-exemple.htm
J'aimerais commenter quelques extraits.
Commençons par le premier :
Les principales solutions [au sexisme] sont l'identification du problème (ne pas faire l'autruche), l'intervention systématique en cas d'agressions caractérisées, témoigner du soutien aux femmes agressées, avoir des règles strictes dans les communautés (forums, etc.) et ne pas hésiter à utiliser les outils mis à disposition (signalement, etc.).
En effet, je suis étonné par un tel mélange des genres. Ainsi l’auteur semble oublier que la presse n’est ni un tribunal, ni un commissariat, ni une école. Son rôle consiste à informer dans les meilleures conditions. Ni plus, ni moins. Elle n'est pas sommée d’intervenir systématiquement en cas "d’agression caractérisée". Dans ce genre d'affaires, elle doit informer du caractère de l’agression lorsque celle-ci cadre avec la ligne éditoriale. Surtout, quel site de jv pourrait s'imposer une rubrique "faits divers" au nom de la lutte contre le sexisme ?
Enfin, j’aimerais rappeler l’emploi du conditionnel. Je ne voudrais pas qu'on oublie que les journalistes sont faillibles et les apparences, trompeuses. Quant à la pertinence d'inciter ses lecteurs au signalement, je reste dubitatif.
Plus généralement, le journalisme compassionnel n’a jamais été de grande qualité. C'est oublier que la réalité est complexe, qu'elle ne se confond pas forcément avec des cas particuliers, que le rôle du média n’a jamais été de "soutenir les victimes". Ainsi, le seul soutien me paraît venir de la justice (reconnaissance et réparation du préjudice), des associations, des proches et, bien sûr, de soi-même (la capacité à surmonter son épreuve). En outre, je rappelle encore une fois que la précaution est de rigueur en matière d’information. De même quant aux exemples choisis :
Dans cette optique, Gameblog, visé par le billet (comme la plupart des médias de jeux vidéo), a immédiatement réagi. Grégory Szriftgiser (RaHaN), l'un des fondateurs du site, a ainsi fait la judicieuse remarque via son compte Twitter : « 1e étape, donc : reconnaître qu'on fait partie du problème. »
Je trouve en effet la déclaration particulièrement hypocrite. Gameblog s'est toujours positionné dans le cadre d'un journalisme sensationnel :
http://www.gameblog.fr/actualite/sexe-jeu-video/ Et ça peut se comprendre. Car la presse est une économie. Il y a des actionnaires, des investissements, souvent des impératifs de profitabilité. Le fait est que tout ce qui a trait au « sexe » fait cliquer, pour des raisons certes culturelles mais aussi biologiques (cf neuro-marketing et fonctionnement du cerveau). C'est donc un moyen pour la presse de gagner facilement de l'argent dans un contexte éminemment difficile.
Enfin, histoire de terminer sur une note un peu réaliste, voici ce qu’on pouvait trouver sur le site 5 jours après cette prise de conscience :
Malgré tout, et pour élargir le débat, y’a-t-il lieu de cacher les babes ? De ne pas en parler ? Le journalisme, c’est une vision, un traitement, une ligne. Il n’y a pas de sujets tabous par principe, ou alors c’est la négation du métier. Sans même parler de son plus grand risque : l'autocensure. Par ailleurs, je trouve étonnant le mépris affiché pour ces fameuses « babes » (rien que le terme). Voilà donc un excellent témoignage recueilli par jeuxvideo.com et qui apporte quelques nuances :
http://www.jeuxvideo.com/reportages-videos-jeux/0000/00000000/les-babes-qui-sont-elles-vraiment-00108045.htm.
Enfin, quel est le problème, très exactement ? Est-ce la présence de modèles féminins, dégradant par nature ? Ou, au contraire, le peu d’esthétisme de la présentation qui tient plus de l’étalage que de l’élégance ? Et si les modèles tiennent du sexisme "patriarcal", faudrait-il boycotter le stylisme, les magazines (presse féminine et masculine), la photographie, la peinture (cf "nus artistiques"), les catalogues (que deviendrait La Redoute ?) jusqu'à la formule 1 ... Au-delà de cette problématique, la question sociale est plutôt bien résumée par le reportage de jv.com : payer ses études en faisant du mannequinat est-il moins gratifiant que de servir des frites au MacDonald ?
Je laisse la question en suspens, je ne prétends pas y répondre et je reprends les citations :
« Si les médias high-tech ne peuvent pousser les femmes à se rendre en masse sur leurs sites ou leurs magazines, ils peuvent au moins déjà s'attacher à ne pas les faire fuir et à ne pas les forcer à se cacher comme si elles étaient dans des zones de guerre. Plusieurs solutions pourraient être mises en place : »
Donc les femmes se sentent en milieu hostile dans le jeu vidéo ? Ce serait la guerre ? Bien. Mais comment se fait-il que le public ne cesse de se féminiser ? N’est-ce pas un signe positif ? Le marqueur d'une évolution ? On peut tout à fait voir le verre à moitié plein et considérer les explosions sexistes comme le signe d'une résistance devant une mutation profonde. Et conclure qu'il faut toujours un temps d'adaptation (y compris pour ces vendeurs qui tentent de vous refourguer Alexandra Lederman alors que vous êtes là pour acheter God of War).
Surtout, je doute très fortement que la bêtise de certains puisse décourager massivement les joueuses. Le milieu du jeu vidéo est si vaste, les communautés si nombreuses, les héroïnes si diverses qu'il y en a pour tous les goûts. Sans oublier la virtualité, l'éloignement des rapports : un commentaire sexiste ne reste qu'un commentaire. Il faut savoir se blinder. Nous vivons dans une société hostile, qui propose son lot d'environnements toxiques. Il suffit de voir les commentaires dans les forums ou sous les vidéos youtube : on ne pardonne rien. A personne. Femme ou non. Il faut donc une part de fatalisme et accepter la bêtise de certains comme un mal incurable. Également la fuir pour s'en préserver.
Mais passons aux solutions proposées :
Arrêter de relayer tous les contenus rabaissant de façon explicite les femmes, des publicités (photos) aux slogans douteux, en passant par les babes des salons et les jeux vidéo volontairement sexistes. Cela aura aussi pour impact de forcer les publicitaires, les organisateurs de salons et les éditeurs de jeux vidéo à revoir leurs politiques vis-à-vis des femmes, mais aussi des hommes. Cela leur fera ainsi peut-être prendre conscience que leur cible (les hommes généralement) ne pense pas qu'avec son sexe, et qu'elle a donc aussi un cerveau accessoirement.
Heureusement, c'est encore le rédacteur en chef et le lecteur qui décident. Le premier en fixant les principes de sa rédaction, le second en choisissant de lire ou d'arrêter.
Par ailleurs, l'économie est implacable. Les éditeurs ne reverront leur politique que lorsqu'ils feront face à une baisse des profits. Et puisqu'ils ne le font pas, c'est que le système actuel maximise leurs gains. Il faut bien comprendre qu'il n'y a pas de sexisme en économie (au contraire, les femmes sont des consommateurs comme les autres). La capitalisme, c'est la rationalisation de l'individu. L'homo economicus. Et, dans le cadre spécifique du jeu vidéo, j'ajouterai que les femmes jouent à tout, qu'elles consomment des jeux gamers comme d'autres plus ciblés. Il n'y a donc pas lieu de bouleverser les codes puisque l'offre satisfait la demande. En fait, seuls la proportion, l'âge et le milieu social varient. Ainsi les femmes comme les hommes sont divisés en une multitude de cibles auxquels on vend tout ce qu'on peut. Et si les solutions féministes permettaient de gagner plus d'argent, nul doute que les éditeurs s'en seraient déjà emparés. Car ils éditent pour faire des profits. Et ce depuis 40 ans. Dans un département marketing, ce sont les chiffres qui décident : que ce soit une femme ou un homme à sa tête. Je crois que ça répond à la question de savoir si l'offre fait la demande ou l'inverse.
Enfin, il y a une proposition plus commune :
Avoir une modération des commentaires plus dure sur tout ce qui porte aux insultes sexistes (contre les femmes, contre les homosexuels, etc.), même quand ces insultes peuvent paraître anodines et ne suscitent aucune réaction. Le but ici est de lutter contre une banalisation des commentaires.
Deux cas de figure : soit ces commentaires sont insultants alors il est normal de les supprimer (l’injure relève du délit ou de la contravention). Soit ces commentaires ne le sont pas et ils ont toutes leur place dans le cadre de la loi. La presse n’a pas à choisir les bonnes et les mauvaises idées, opérer la promotion de certaines et la censure d'autres. Elle doit respecter la législation, certainement pas l'outrepasser.
En conclusion (et je passe sur d'autres points plus que discutables de l'édito de pc inpact, comme le propos pas vraiment assumé sur la discrimination positive), oui il y a besoin d'une prise de conscience (et l'article de Mar Lard est intéressant sur ce point). Comme il y a besoin de pédagogie pour tenter de résoudre des problèmes bien réels (par le dialogue et non la censure). Il y a aussi besoin d'informer sur la réalité de la problématique sans tomber dans la collection de faits divers et les comparaisons douteuses. Il y a encore besoin de trouver d'autres sources de financement pour la presse (le modèle du clic est un cancer). Enfin, il y a besoin de sanctions. La sanction sert d'exemple. Et ce n'est pas à la presse d'y procéder. C'est aux organisateurs (lorsqu'il y a des débordements dans les salons) et à la justice (lorsqu'il y a des agressions). Au-delà, on ne va pas surveiller chaque joueur pour savoir s'il sort des horreurs ni chaque journaliste pour vérifier s'il éduque correctement. Surtout, on ne va pas rentrer dans cette insupportable concurrence victimaire qui voudrait qu'on oppose les hommes aux femmes.
Cela dit, et quoiqu'il advienne, aucune solution (si solution il y a) ne devra entraver ni la liberté d'expression, ni la liberté de la presse. Même dans un secteur aussi déconsidéré.
- sauvegarde de l'article daté du 25/03/2013 et copié/collé de mon blog sur gamekult puisque la plateforme blog va fermer.
Ce cliché ambulant de l'activiste féministe.
Quand au reste de ton article, je suis plutôt d'accord (en particulier avec ça : l’auteur semble oublier que la presse n’est ni un tribunal, ni un commissariat, ni une école. Son rôle consiste à informer dans les meilleures conditions.).
Moi je dis les vrais bons joueurs qui aiment jouer avant tout il n'y a rien a eduquer.
En tout cas, bienvenue ! Je ne savais pas que tu étais sur gamekyo avant cet article