[GROS SPOILERS ALERT]
Je viens de finir The Walking Dead de Telltale, quel incroyable jeu. Il me faudra du temps, je pense, pour bien comprendre toutes ses implications sur ma façon d'aborder habituellement les jeux. C'est une oeuvre qui redéfinit totalement le rapport du joueur au héros, et du héros aux autres personnages, un peu comme ont pu le faire Bioshock (en pointant la servilité volontaire du joueur obéissant aveuglément aux ordres de "la voix", celle qui nous dit comment vaincre le jeu dans tous nos jeux) et Braid (en renversant, dans son tableau final, tout le sens de ce pour quoi on croyait se battre).
The Walking Dead est un long travail, un travail en profondeur sur le joueur qui prend tout son sens dans le dernier épisode, lorsque vient le moment où un homme (et, en fait, le jeu lui-même) connaissant tous les choix cruciaux que l'on a fait, nous demande d'en répondre, et bien sûr lorsque vient le moment d'abandonner le héros à son sort en faisant en sorte que Clementine s'en tire le mieux possible.
A ce moment, le jeu interroge son propre dispositif en nous demandant de donner des ordres à Clementine à travers Lee : concrètement, cela ne change rien dans le gameplay, et c'est justement cela qui compte : nous avons eu l'impression d'incarner quelqu'un, Lee, que nous avons façonné à notre image autant que nous nous sommes conformés à celle que nous lui avons construite, et voilà que le jeu montre que contrôler Lee ou contrôler Clementine, finalement, cela ne change rien pour le joueur. Cela consiste toujours à pointer quelque chose avec un curseur et à cliquer pour qu'il se produise un truc, à donner un ordre à un personnage de façon directe ou indirecte. Cela pose en définitive la question de la place du joueur au sein même du jeu. Qu'ai-je été jusque là ? Un spectateur construisant petit à petit la série qu'il voulait voir ? Ou bien un héros, un homme, qui s'est attaché à une gamine et qui veut tout faire pour la sauver ? Mais cet homme, le jeu nous le dit, n'a plus que quelques instants à vivre avant de basculer dans un autre monde. Quel a été mon rôle jusque là, et que contrôle-t-on, en tant que joueur, quand on contrôle un cadavre en puissance ? Ce sont toutes ces questions qui ont surgi, ou plutôt qui se concrétisées après avoir traîné tout le long du jeu, à ce moment là.
J'évoque aussi rapidement la question des choix, qui est bien sûr au coeur de The Walking Dead. Il était question ici ou là du fait que ces choix n'ont finalement pas tant de conséquences que cela sur la suite du jeu. Mais ce n'est pas cela qui compte. Les conséquences, qu'il y en ait ou pas, ce n'est pas le plus important : ce qui compte, c'est les choix qu'il a fallu faire et le fait qu'il ait fallu les faire, et ils étaient souvent déchirants. Dans la vie, beaucoup de choix n'ont pas de conséquences mais on l'ignore, alors il faut les faire. The Walking Dead transgresse ce qui rend le jeu vidéo unique par rapport aux autres arts : le fait de pouvoir mesurer les conséquences de chacun de nos actes directement, et de pouvoir choisir de changer notre façon de faire pour provoquer d'autres conséquences. Pour bien jouer à The Walking Dead, et le jeu nous y incite en limitant les sauvegardes et en nous empêchant de passer les cinématiques, il ne faut pas revenir sur les décisions que l'on a prises, recharger la dernière sauvegarde pour changer une réponse : on a simplement fait ce qu'on pensait juste, ou on n'a pas eu le temps de choisir car la situation n'en laissait pas le temps, mais ce qui est fait est fait. Le jeu ne nous sanctionnera pas en étant plus dur ou plus facile ; c'est à nous de nous demander pourquoi l'on a agi comme ça.
On se demande parfois, devant un film ou une série dans laquelle les personnages doivent prendre des décisions cruelles, ce qu'on ferait à leur place, et l'on frissonne un peu car ce serait affreux et en même temps quel bonheur de ne pas avoir à les prendre là, maintenant. Eh bien The Walking Dead nous prend au mot et nous dit : voilà ces affreuses situations et maintenant prenez une décision. Et à ce moment là, il n'est pas question dans notre tête de savoir si le jeu sera plus facile ou pas après ; il n'est question que de savoir ce qui serait le mieux pour survivre en pareille situation, savoir à qui l'on tient le plus, qui il va falloir abandonner, les principes qu'il va falloir oublier ou au contraire défendre aussi longtemps que possible. Bref, des dilemmes moraux dans tout ce qu'ils ont de cruel, loin, très loin, de la perversité qu'ils dissimulent souvent dans d'autres jeux comme Bioshock (tiens, le revoilà), où il s'agit avant tout de choisir en fonction de ce que cela nous permettra ou non de faire ensuite.
Voilà les choses que je voulais écrire un petit peu en vrac après avoir fini The Walking Dead.

tags :
posted the 12/26/2012 at 08:46 PM by
franz
J'ai adoré de bout en bout aussi pour ma part
Un très grand jeu.
la série télé évite, j'ai vraiment pas aimé
et clair les musiques sont superbes, telltales à vraiment fait du bon boulot, j'espère que la saison 2 saura égaler la première
mais bon ca reste relativement facile, le jeu est intégralement sous-titrés anglais (sauf pour les conversation qui se passent pendant que tu dois faire un choix, genre les autres perso qui se disputent et t'as toi juste les 4 choix qui s'affichent)
Get the boxed Full game & STFU!