Medias
Aujourd’hui les amis, je vous propose de vous détendre quelques instants à peu de frais grâce au journal Nord éclair et à la journaliste « femme du XXIe siècle » (vous voyez, c’est déjà rigolo) Claire Chazal. Dans son édition de vendredi, le journal ne consacre pas moins de quatre pages à celle qu’il appelle « la souveraine ». Vous admettrez avec moi qu’à Nord-Eclair, on pèse ses mots.
Ainsi, Claire Chazal s’est rendue dans les locaux de Nord éclair pour y rencontrer quatre lecteurs et cela constitue pour le journal un « événement » suffisamment important pour y consacrer la Une, les deux premières pages intérieures et un portrait en quatrième de couverture.
C’est d’ailleurs sur ce portrait que je vais m’attarder afin de vous détendre un petit peu en ces temps de troubles sociaux qu’il vaut mieux ignorer — comme le fait admirablement Nord éclair. Le titre du portrait, je l’ai déjà évoqué, est donc : « Claire Chazal, la souveraine ». Ca promet.
Dès la première phrase, on n’est pas déçu : « Elle arrive dans nos locaux, silhouette de sylphide […] ». Silhouette de sylphide. L’emploi de ce terme incitera au moins le lecteur à ouvrir son dico pour en découvrir la définition, qui est, pour résumer, « femme gracieuse ». Bon, c’est aussi une marque de fromage industriel, mais l’auteur du portrait n’y pensait sans doute pas. Ironiquement, les journalistes de la presse locale (Voix du Nord et Nord éclair, donc) qui viennent, à l’école de journalisme où j’étudie, nous apprendre à écrire afin d’être compris par tous les débiles, ne cessent de nous rabâcher que l’emploi de mots compliqués ou rarissimes est prohibé si l’on ne veut pas « perdre le lecteur ». Mais visiblement, quand il s’agit de frimer pour flatter une journaliste, tous les termes sont autorisés.
« La poignée de main est franche, le regard déterminé et accueillant, le sourire mutin. Elle mâche un chewing-gum avec discrétion. » Sourire mutin est le terme journalistique par excellence. Plus cliché, tu meurs. Enfin non, il y a aussi « air goguenard » et « regard chafouin ». Un jour, j’aimerais lire dans un portrait quelque chose comme : « La poignée de main est molle, le regard torve et défiant, le sourire idiot. » Ce que je peux vous dire, c’est que, profitant de son passage à Lille, Claire Chazal est venue à l’école cette semaine, entourée des trois rédacteurs en chef des JT de TF1. Et qu’elle n’avait ni le regard déterminé et accueillant, ni le sourire mutin. Elle était d’une totale transparence.
Les gens de la presse locale (déjà évoqués plus haut) qui viennent à l’école pour nous apprendre à écrire des portraits nous rabâchent que c’est « l’exercice le plus plaisant du journalisme », car « on peut se lâcher ». Effectivement, ils se lâchent et on sent que ça leur plaît. Mais le plus souvent, c’est ridicule.
Plus loin dans le portrait de Chazal, on lit qu’elle « montre un intérêt non-feint aux questions de nos lecteurs ». Alors là, je dis chapeau Mme Chazal. Parce qu’il faut voir la tronche des questions posées en pages 2 et 3 par les lecteurs de Nord éclair : Comment êtes-vous devenue journaliste ? Comment en êtes-vous arrivée à la télé ? Quels ont été vos modèles ? Quelle est la « touche Chazal » ? Vous regardez la concurrence ? Vous sentez-vous libre et indépendante sur TF1 ? Le genre de questions qu’on lui a déjà posé des centaines de fois…
Revenons au portrait, qui suit son cours, pépère, jusqu’à cette belle maladresse : « On a le sentiment de parler à une amie. Pourquoi ? Parce que Claire Chazal donne l’impression d’avoir été vendue avec le poste ou l’écran plasma ». A trop vouloir en faire…
Bon, je ne vais pas non plus me taper tout l’article phrase par phrase, on n’en sortirait plus. Et puis, après ce départ en fanfare, ça devient de moins en moins drôle. On sent qu’après la lèche classique du premier paragraphe, l’auteur du portrait a eu du mal à trouver des choses intéressantes dans la vie de Claire Chazal.
Pour conclure, je citerai juste ce passage savoureux, vers la fin : « Elle résiste à la guerre des blondes montée en épingle par les médias. Seulement l’une — Laurence Ferrari — peine à s’installer tandis que l’autre reste sur son piédestal. » Ou comment, en deux phrases qui se succèdent, dénoncer quelque chose pour y participer aussitôt soi-même…

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posted the 05/16/2010 at 11:19 AM by
franz
putain ca c'est vraiment LE passage fort, du gros n'importe quoi, j'adore :P
la voix du nord ca pue, c'est un Lillois qui le dit.