Première partie
Le 27 janvier 2010, un événement incommensurable dans l’histoire des femmes se déroule à Lille : le magazine Elle lance les « Etats généraux de la femme ». Nous sommes à la Chambre du Commerce et de l’Industrie (CCI), bâtiment prétentieux à l’extérieur comme à l’intérieur. C’est ici que le magazine Elle a réuni une cinquantaine de ses lectrices. Réparties dans quatre salles, elles discutent avec des journalistes de Elle des quatre sujets qui comptent dans la vie d’une femme moderne : travail, famille, corps et amour. Le but : « recueillir leur parole ». Ces Etats généraux doivent se tenir plus tard à Lyon, Marseille et Paris. On en tirera un « livre blanc » qu’on enverra au président de la République en espérant qu’il y prêtera attention.
C’est ainsi que le magazine Elle voit la lutte des femmes pour obtenir l’émancipation : des bavardages organisés dans une institution œuvrant au développement économique de la région. On ne voit pas bien le lien entre la Chambre de Commerce et d’Industrie et le combat des femmes. A la limite, c’est même un poil contradictoire, de discuter ces choses-là dans un tel lieu. Un peu comme si le siège de l’OTAN recevait un colloque sur le développement des pays pauvres.
Travail, famille, corps et amour : ce peuvent être quatre sujets importants pour les femmes, je veux bien le croire. Mais il en manque un qui recouvre tous les autres : les médias et leur vision de la femme. Et tout particulièrement les publications du genre de Elle, qui se donne le beau rôle aujourd’hui. Avant de m’attarder sur le cas de ce magazine, je rappellerai ce que relevait le
rapport sur l’image des femmes dans les médias remis en 2008 par Michèle Reiser : « Les femmes sont toujours moins présentes dans le contenu et dans l'expression ou le temps de parole. Les femmes présentes dans les médias "sont plus anonymes, moins expertes, davantage victimes que les hommes" ».
C’est un gros problème. Un énorme problème. Pourtant, à travers ces Etats généraux de la femme, le magazine Elle ne semble pas s’en préoccuper plus que cela. Il faut dire que réfléchir sur la place des femmes dans les médias impliquerait de s’interroger sur la façon dont Elle représente et se représente les femmes.
Revenons aux états généraux de la femme. A 12h30, les tables rondes s’achèvent. Les lectrices se retrouvent dans l’énorme salle du rez-de-chaussée pour une grande photo de groupe avant de se bâfrer un buffet bien mérité en picolant un super bon pinard (ou, à tout le moins, qui se donne l’air super bon). Une journaliste de RTL, chargée de faire le « ménage » [1] aujourd’hui, tente de regrouper tout ce petit monde en bas des marches pour prendre la pose. Je profite de ce moment légèrement bordélique pour parler avec quelques lectrices.
Il y en a deux, là, qui doivent avoir la soixantaine. Je leur demande : « Est-ce que vous pensez que Elle aide les femmes à se libérer ? » La première hésite franchement, ne sachant visiblement pas quoi dire : « Pfff…. Il donne des infos. Je pense que ça peut être un bon début. Un bon début de piste… » Quant à la deuxième, elle renchérit : « Oui, il donne bien des infos. C’est vrai qu’il peut progresser encore ; peut-être qu’on attend plus d’infos encore sur l’évolution de la femme, les progrès… »
Je pose la même question à une autre lectrice, un peu plus vieille que les deux précédentes, dont voici la réponse : « C’est un journal qui est utile parce qu’avec le choix des articles au cœur des problèmes actuels, ça fait avancer les choses. J’ai toujours été fidèle à Elle parce que ça m’a toujours donné le reflet de la vie féminine et répondu aux questions que je me posais. »
Puis j’ai l’occasion de parler quelques minutes avec Valérie Toranian, actuelle directrice de la rédaction de Elle. Je lui fais remarquer que son journal est rempli de pubs, de pages people, mode, psycho, etc. « Si vous lisiez bien Elle, vous verriez qu’il y a de la beauté, il y a de la mode c’est vrai, il y a de l’astro mais il y a aussi beaucoup de sujets de société », me répond-elle.
J’ai bien lu Elle : à ces Etats généraux, j’ai récupéré le numéro du 22 janvier 2010. Et en effet, il y a des sujets de société… Neuf pages sur 126, pour être précis. Ce sera l’objet du prochain article : l’image qu’Elle donne de ses lectrices à travers ce qu’il leur propose de lire. A très vite, donc...
[1] Faire le ménage n’a ici rien à voir avec les tâches ingrates que l’on continue de réserver bien souvent aux femmes ; il s’agit en l’occurrence d’une pratique consistant, pour un journaliste, à vendre sa notoriété pour animer un événement. Exemple : Christine Ockrent a fait le ménage des universités d’été du Medef.
rectification d'emmerdeur, le batiment c'est la "Chambre de commerce de Lille", qui acceuille la "Chambre de commerce et d'industrie du Grand Lille" , voila j'ai fais mon chieur, ah et puis tu touches pas a ce batiment hein, moi je le trouve tres joli, en plus dedant y a un carillon, c'est le befroi quoi ! (je suis Lillois, ceci explique cela ! ^^)
sinon Elle, bah c'est du caca
bisou