(Le titre est copyright MC Warriors (lien)
Si je n’avais, aujourd’hui, qu’un coup de savate à donner au derche d’une seule personne, ce serait sans nul doute à celui de Christophe Barbier pour les propos ignominieux qu’il a tenus, sur LCI, en réaction à la « mode des suicides » chez France Télécom (copyright Didier Lombard, PDG de l’entreprise visée). Avant d’en venir au fait, une courte présentation du personnage s’impose.
Non content d’être le directeur de la rédaction de l’Express, hebdomadaire dans lequel il ne fait rien d’autre que donner son avis et se réserver les interviews de son amie Carla Bruni-Sarkozy, M. Barbier se fait fort d’aller jouer les experts partout où l’occasion se présente. Rien n’est jamais assez pour cet amoureux des métaphores filées comme une onctueuse barbe à papa (1).
Ainsi, la page d’accueil de l’Express dispose, en bonne position, d’un encadré intitulé « l’analyse de C. Barbier ». Cette dernière se veut éclectique puisque M. Barbier ne se contente pas d’écrire ce qu’il pense : il le déclame également, face caméra, en déambulant dans la rue ou en se promenant sur le toit d’un immeuble. Une
mise en scène (lien) dont on se demande bien quel poids elle peut apporter au propos de l’individu — propos, il est vrai, souvent insipide.
Mais ce n’est pas tout. Comme tout bon journaliste de terrain, M. Barbier a ses sources. Et il tient à nous en faire part dans son espace Netvibes, où l’on retrouvera, selon ses termes, «une sélection de [ses] sources d'information web». Je vous propose de jeter un œil à
celui-ci (lien). Si l’on se demandait pourquoi le contenu de l’Express était à ce point insignifiant, voilà un début de réponse : près de la moitié des sources revendiquées (sept sur quinze) de Christophe Barbier sont en lien direct avec son propre journal. Mieux encore, trois de ces sources sont… lui-même, à travers son blog, ses éditos vidéo et ses interventions sur LCI.
C’est précisément l’une de ces interventions qui me donne envie de lui botter les fesses. Le 15 septembre 2009, M. Barbier intervenait au sujet des suicides chez France Télécom. Et là, il faut bien le dire, il nous a sorti le grand jeu. Regardez
cette séquence (lien).
M. Barbier ne craint pas de dire des énormités. Il n’a d’ailleurs aucune raison de le craindre, puisque les autres journalistes présents ne sont là que pour lui servir la soupe. Après avoir expliqué que France Télécom transite entre le public et le privé et que cette « mutation » se fait difficilement, voilà donc Christophe Barbier qui pérore, répondant par avance aux dingues qui proposeraient une renationalisation de l’entreprise : « L’Etat ne doit pas renationaliser ! Évidemment, l’Etat ne doit pas créer des contraintes qui ralentiraient cette mutation ; au contraire, cette mutation il faut l’accélérer pour sortir le plus vite possible de ce tunnel insupportable ! »
A ce moment, l’autre lui demande euphémiquement comment il se fait que la transition soit si « douloureuse » pour France Télécom (vingt-trois suicides en dix-huit mois c’est un peu douloureux, en effet). Adepte de théâtre et de théâtralisation (il se produit également sur les planches) Barbier jubile en voyant que son faire-valoir connaissait sa réplique. Il assène la réponse dans une somptueuse tirade : « C’est la faute de l’Etat ! L’Etat, socialement, a trop protégé ses troupes, ses fonctionnaires ! Pas de mutation au mérite, ou d’avancement au mérite ; le tranquille avancement de l’ancienneté ; la sécurité de l’emploi bien sûr ; la culture de la fonction publique à la française ! […] L’Etat amène dans le privé des gens qui ne sont absolument pas préparés à la vie un peu plus rude, un peu plus violente dans le privé. »
Quelque secondes plus tard, ce n’est pas une métaphore mais une comparaison que nous sert Christophe Barbier pour bien nous faire comprendre l’erreur de l’Etat : « L’Etat, c’est un peu comme un éleveur d’agneaux qui les lâcherait dans la forêt sans avoir dit qu’il y a des loups, et sans avoir mis des grillages autour de la fosse aux loups ».
C’est tout simplement fabuleux. On pouffe déjà lorsqu’on entend que la transition du public vers le privé se ferait sans heurts simplement, tranquillou, en posant des grillages. Mais on s’esclaffe lorsque le bonhomme nous dit que l’Etat devrait pousser ses agneaux encore plus vite dans la fosse aux loups, alors que les grillages ne sont toujours pas installés et que le troupeau n’est toujours pas prévenu !
Plus sérieusement, Barbier fait ici preuve d’un cynisme libéral effrayant. La sécurité de l’emploi ? C’est de la merde ! Le confort du fonctionnariat ? Aux chiottes ! Rien de tel que les mœurs du privé pour apprendre aux salariés la dure loi de la vie dans un monde ultra-concurrentiel. L’absurde atteint ici ses limites : on ne sait pas pourquoi, mais il faut balancer les salariés de France Télécom dans une forêt bondée de loups ; et on ne sait pas pourquoi non plus, mais il ne faut surtout pas qu’ils mènent une vie pépère avec un emploi protégé. Il faut qu’ils en chient. C’est cela, l’accomplissement de la vie d’un Homme. Eh bien moi j’enverrais bien Christophe Barbier se faire bouffer le cul par une meute de loups, comme ça, sans raison, juste pour le plaisir de le voir pleurer.
En attendant le jour où cela arrivera, les suicidés de France Télécom jureront, mais un peu tard, qu’on ne les y prendra plus.
(1) En voici une pour l'exemple, tirée d'un mythique édito contre le syndicat SUD : "La société française est un immense chaudron toujours au feu, où nagent en grumeaux les restes des classes sociales d'hier dans le jus amer des inégalités d'aujourd'hui, et dans lequel touillent en se disputant les marmitons de la contestation comme les bougnats du conservatisme. Sur cette tambouille, la crise économique est jetée tel un couvercle de plomb." De la poésie pure !