Résumé de la partie 1 (à lire ci-dessous) :
En ce jour ensoleillé du mercredi 22 avril 2009, la stupeur frappe Michel : la météo a disparu des médias. Michel a décidé de réagir et de pas se laisser faire.
2.
Alors Michel se leva, bomba le torse, et se dirigea prestement vers sa chambre pour y prendre de quoi se vêtir. La tâche fut ardue : en l’absence de prévisions météo, il ne savait guère ce qu’il pouvait se permettre de porter et ce qu’il devait s’interdire. Par mesure de sécurité, craignant le froid plus que la chaleur, il conclut à la nécessité de mettre un t-shirt surmonté d’un pull en polaire et des grosses chaussettes. Il serait toujours temps de se déshabiller si le besoin devait s’en faire sentir ; en prévision de quoi il enfila le plus beau de ses caleçons.
Chaudement vêtu en ce 22 avril ensoleillé, Michel descendit dans la rue pour entamer sa mission. Ce qu’il vit le frappa d’horreur. Une centaine de personnes s’agitaient en tous sens, prises d’une panique irrationnelle. Certaines se tapaient la tête contre le trottoir. D’autres se tournaient vers le ciel, bras écartés, en appelant au retour de Gillot-Pétré, qui semblait sourd à leurs suppliques. Une cellule psychologique avait été mise en place, mais elle-même avait été gagnée par la folie et tentait de se soigner toute seule.
Michel parcourut la rue. Une femme en petite culotte poussait une poussette dans laquelle un enfant couvert d’un bonnet, de deux écharpes et d’un manteau de laine virait au rouge et peinait à respirer. Deux hommes marchaient côte à côte, s’abritant de nulle précipitation sous un parapluie. Michel pouvait entendre, çà-et-là, des conversations marquées par la peur de l’abandon et du retour de Patrice Drevet et ses blagounettes. Certains allaient jusqu’à l’accuser — sans preuve ! mais les gens deviennent fous en pareille circonstance — d’avoir provoqué ce cataclysme anti-météorologique par le simple pouvoir de son humour — une théorie qui ne manquait hélas pas de crédibilité et qui devait rapidement contaminer l’ensemble de la société.
Michel poursuivit son exploration de la ville, sans bien savoir où aller. Il croisa un groupe de vieux qui s’acharnaient sur un jeune à caquette — sans doute le membre d’une bande — pour lui prendre son blouson Sergio Tacchini. Le monde vire à l’apocalypse, s’effraya-t-il. Heureusement pour sa santé mentale, il eut l’occasion de se rasséréner aussitôt : sous un abribus, deux femmes semblaient bavarder tout à fait naturellement, sans le moindre signe d’animosité. Il les fixa un moment, elles l’aperçurent et le hélèrent : venez nous rejoindre à l’abri ! Il répondit : mais il ne pleut pas ! Elles se regardèrent effarées et il put les entendre dire pauvre fou, il a perdu la tête. Il préféra passer son chemin.
Ce qui frappa Michel au cours de ses pérégrinations urbaines désenchantées, ce fut l’absence totale de journalistes, alors que l’événement que tous vivaient constituait, à ses yeux, le plus important que la France eut connu depuis la disparition — tout aussi énigmatique que celle de la météo — des Burger King. Nulle caméra, nul appareil photo, nul micro à l’horizon ; rien que des mouvements de foule, des violences, des hommes pris de folie qui se dandinaient à poil en secouant leur zigounette. De deux choses l’une, pensa-t-il : ou bien les journalistes ne savent pas, et ce serait très étonnant ; ou bien ils savent, et je dois savoir pourquoi ils ne font rien. Nul n’aurait pu invalider ce constat. A l’heure qu’il était, tout le cortège journalistique et éditorialiste que compte la France aurait d’ores-et-déjà dû se mettre en branle. Bernard-Henry Lévy aurait déjà fait paraître un « romanquête » dans le Monde, d’où il ressortirait qu’il fallait renforcer l’OTAN pour faire revenir Evelyne Dhéliat. Christophe Barbier, directeur de l’Express, aurait déjà laissé courir son imagination féconde afin que cette dernière fît mûrir les meilleurs fruits de sa pensée et qu’il n’ait plus qu’à les cueillir pour affirmer courageusement que sans météo, l’Occident s’exposait au rythme d’une islamisation galopant aussi vite que la marée du mont Saint-Michel. Quant à Philippe Val, directeur de Charlie Hebdo, il aurait sans doute déjà analysé la situation avec la finesse qu’on lui connaît en attribuant cette absence météorologique à des relents nazis, car Sébastien Folin aurait-il eu le droit d’exercer sa profession à l’époque du nazisme ? Certainement pas. De ce manque total de journalistes, de commentateurs et de plumes pour décrypter ce phénomène, Michel tira donc tout logiquement la conclusion qui s’imposait : il allait se rendre à la rédaction locale de France 3 et voir de quoi il retournait.
A suivre…
publié le 28/04/2009 à 20:00 par
franz