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Lorsque Michel se réveilla vers 11h30 ce mercredi 22 avril 2009, il était loin d’imaginer, empli de la candeur qu’on lui connaît, les incroyables phénomènes auxquels il serait confronté dans la journée. En écoutant Jean-Marc Morandini décrypter l’actualité sur Europe 1, il ne remarqua d’abord rien. Il ne remarqua rien non plus sur sa page d’accueil, Yahoo.fr. Et ce n’est qu’au moment d’allumer son téléviseur et de regarder TF1 à 13 heures, pour accompagner son repas, qu’il fut frappé par la stupeur. En effet, Jean-Pierre Pernaut avait entamé son journal télévisé par les chutes de neige qui avaient couvert les Pyrénées la veille. Mais de prévisions météo, aucune. Pourtant, Jean-Pierre Pernaut avait pour habitude d’ouvrir son JT, et ce quelle que soit l’actualité, par les « prévisions météo d’Evelyne Dhéliat ». Et pour Michel, c’était un rituel. Sans elles, comment savoir quels habits revêtir ?
Il eut à peine le temps de prendre conscience du séisme médiatique auquel il venait d’assister qu’une clameur s’éleva de dessous ses fenêtres. Il passa la tête dehors, le soleil brillait vivement ce jour-là, et quelle ne fut pas sa stupeur lorsqu’il vit des dizaines de vieilles dames sortir de chez elles à toute allure et se regrouper sur la chaussée. Il peinait à distinguer leurs conversations mais pour ce qu’il pouvait en voir, elles semblaient pour certaines surexcitées, pour d’autres effondrées. Dans le brouhaha, il entendit les mots météo, Pernaut, Evelyne Dhéliat, mais quel temps fait-il alors ? y a plus de saisons, jean a fait un malaise cardiaque.
L’émoi suscité par l’absence de météo était énorme et méritait à lui seul que les JT du lendemain y consacrassent au moins les trois quarts de leur temps. Mais pour Michel, il convenait d’abord de vérifier si les dégâts ne concernaient que TF1, ou si cette absence de prévisions s’était étendue comme une gangrène à l’ensemble des médias. Il avait les miquettes. Il alluma la radio : rien sur Europe 1, pas une trace de Laurent Cabrol ; rien sur RTL ; rien non plus sur BFM, Nostalgie, Virgin Radio ; et sur France Inter et France Info, aucune trace ni de Jacques Kessler ni de Joël Collado qui partagent pourtant le même accent du sud, lequel réchauffe le cœur de l’auditeur lorsqu’en hiver la conjoncture météorologique est déprimante. A la télévision, rien non plus : sur France 2 Elise Lucet poursuivait son JT en s’adressant toujours à ses téléspectateurs comme à des débiles et ne semblait pas s’inquiéter une seule seconde de l’angoisse dans laquelle le pays tout entier devait être plongé. Sur Internet, dernier espoir, le site de Météo France était inaccessible. Il n’y avait plus aucun moyen de connaître le temps qu’il faisait. Michel était mortifié. Tout suffoquant, et blême, il s’agenouilla, prostré, sur le tapis de son salon.
Mais Michel n’était pas du genre à se laisser abattre par la première billevesée venue. Il l’avait déjà prouvé, il pouvait être un héros dans son genre (confer les exploits déjà relatés sur cette page). Encore marqué par le choc, il ferma les yeux ; alors lui revinrent en mémoire les moments de gloire passés dont il aimait se souvenir lorsque la vie lui opposait des coups durs. Il se rappela la fois où, en CE2, il avait sauvé la fille qu’il aimait des mains de l’ennemi lors d’une partie de loup. Il l’avait prise par la main, il l’avait emmenée avec lui, et ensemble ils avaient parcouru la cour tout entière, serpentant entre les adversaires subjugués par toute sa félinité. Et alors qu’il se laissait porter par ces images défilant au ralenti devant ses yeux, la vérité s’imposa à lui : il lui incombait de lever le mystère de la météo disparue, et plutôt deux fois qu’une car tant va la cruche à l’eau, qu’en la fin elle se brise. Il pouvait le sentir tout au fond de son cœur : le regretté Alain Gillot-Pétré serait fier de lui. Il leva les yeux vers le ciel ; il lui apparut que Gillot-Pétré-le-dieu-météo veillerait sur lui comme un anticyclone sur le Massif central(cf. illustration 1).

Illustration 1 :
De son air rassurant, M. Gillot-Pétré veillerait sur Michel comme un anticyclone sur le Massif central...
A suivre...