Bon, ben c’est Michel qui rentre chez lui un soir après s’être trouvé à une fête où il y avait des gens et de l’alcool. Mais il n’a pas trop bu. Il roule dans sa Twingo en écoutant France Info. Un flash d’actu se conclut : France Info il est 2h34, prochain rendez-vous avec l’actualité à 2h37, et en attendant un rappel des titres avec la qualification de Fabrice Santoro pour la finale de l’Open d’Australie (ceci est une fiction, bien sûr).
Michel habite en bordure de la ville, dans une résidence avec des arbres un peu partout. Des gens aisés y vivent, chaque famille a deux voitures, il n’y a pas toujours assez de place pour tout le monde. En conséquence de quoi Michel se voit obligé, à son grand désarroi, de se garer assez loin de son immeuble. Une place apparaît sur la droite, il s’y faufile en exécutant un créneau. Il descend de voiture et glisse sur quelque chose qui ressemble, sous sa semelle, à une branche plutôt molle. Le voilà donc qui choit lourdement sur la chaussée en s’exclamant merde merde merde. Il relève alors la tête et constate que ce qu’il croyait être une branche se trouve en réalité être un bras. On imagine son effarement. Il jette un œil sous son auto et qu’y découvre-t-il ? Un homme, allongé sur le dos. Ce dernier tourne son regard vers Michel et lui dit vous m’avez fait mal.
Michel, d’un ton qui appelle la clémence : J… je suis désolé, je ne vous avais pas vu.
L’homme : Ce n’est pas grave, mais vous auriez pu me tuer.
Michel : Oui, je m’en rends bien compte, rien que d’y penser, brrr, j’en ai la chair de poule (côt côt codec). J’espère que je ne vous ai pas fait trop mal
L’homme : Au contraire, vous ne m’avez pas fait assez mal. Je voulais que vous me tuassiez.
Michel : …
L’homme : Oui, je me suis allongé ici en espérant que ma tête exploserait sous les roues de la première voiture venue. Ca fait deux heures que j’attends et j’ai envie de pisser. En plus il fait froid, vous ne trouvez pas que ça s’est rafraîchit ces derniers jours ?
Michel : Euh… Oui, peut-être un peu, oui. Mais pourquoi voulez-vous mourir ?
L’homme : Oh, c’est une longue histoire, j’espère que vous êtes prêt à l’entendre.
Michel : Bien sûr, et si cela peut vous aider à reconsidérer votre geste, ce ne pourra être que bénéfique (qu’est-ce que je parle bien, ne peut-il s’empêcher de penser).
L’homme : Eh bien ce matin, au réveil, j’ai écouté la matinale de Marc-Olivier Fogiel sur Europe 1, avec l’édito politique de Claude Askolovitch et l’interview de Jean-Pierre Elkabbach. Je tenais le choc grâce à Nicolas Canteloup, qui passe à 8h37. Et puis j’ai écouté l’émission de Michel Drucker de 9h30, dans laquelle Drucker avait invité un de ses amis. Je survivais en pensant que ça se terminerait à 11 heures. Mais à 11 heures… (il étouffe un sanglot) à 11 heures… (longue respiration) … il y a eu Jean-Marc Morandini, et… j’ai cru que j’allais craquer. Savez-vous comment Morandini décrypte l’actualité ? En demandant à ses auditeurs d’appeler pour dire s’ils sont pour ou contre les grèves ! Et il les laisse parler vingt secondes ! Et il réinterprète leurs propos une fois qu’ils ont fini de parler ! (Il sanglotte).
Michel (lui tend un mouchoir usagé afin qu’il puisse sécher sa morve et moucher ses larmes, ou l’inverse, moi-même je dois dire que je suis troublé par son récit) : Continuez, ça vous fait du bien d’en parler. Que s’est-il passé ensuite ?
L’homme : Ben ensuite il y a eu Café Crimes, de Jacques Pradel, ce qui m’a permis de faire une sieste bien méritée. Et puis (des larmes remontent au coin de ses yeux)… à 15 heures une voix mielleuse m’a réveillé. C’était Faustine Bollaert qui introduisait son émission par une chronique nulle à un point que même Dieu ne peut pas imaginer. Et dire qu’elle fait ça tous les jours… Et vous savez comment s’appelle son émission ? Et si c’était ça le bonheur ! Et vous savez quel était le thème aujourd’hui ? Les bienfaits du chocolat ! Et elle avait un invité, elle lui coupait la parole tout le temps pour lui faire dire des banalités. C’était odieux. Alors j’ai coupé la radio, et j’ai décidé de me suicider.
Au terme de ce récit accablant, Michel ne peut contenir ses larmes à son tour. L’histoire de son interlocuteur l’a visiblement ému. Ecoutez, lui dit-il… moi aussi je veux me suicider maintenant. Que diriez-vous de le faire à deux ?
La proposition enchante l'homme. Michel l’aide à se dégager de sous la voiture, et les deux s’en vont chercher une place libre où s’allonger en attendant la prochaine automobile.
Et bon, ben ensuite c’est moi qui rentre chez moi après m’être trouvé à une fête où il y avait des gens et de l’alcool…
Nous sommes donc trois à attendre la mort désormais, et vous êtes invité à nous rejoindre.
PS : Vous aurez compris, au passage, et grâce à cette histoire (vraie) ce qui se passe dans la tête du bonhomme dans ce clip de Radiohead.