Bonjour. L’heure est grave.
Le 2 octobre dernier, sur le site internet de l’hebdomadaire culturel Télérama paraissait un
article signé Emmanuelle Anizon (cliquez, c'est un lien), dont le sujet était le lancement des états généraux de la presse par le Président Nicolas Szrkoezy (faute de frappe mais je trouve le résultat charmant).
Il y avait dans cet article un passage bien plus intéressant que les autres. Le voici :
"
Et Télérama serait plus riche économiquement depuis qu'il a été racheté par le groupe Le Monde, que quand il était peinard avec sa trésorerie, son immeuble bien à lui et son actionnariat familial. C'est bien qu'il le dise parce que, spontanément, on aurait plutôt pensé l'inverse. Faut dire aussi que, dans la presse, on pense souvent faux. Il nous l'a bien répété, le président : si on est dans cette merde (ce n'est pas le mot exact qu'il a employé, mais c'est une traduction assez exacte de sa pensée), c'est de notre faute : on n'a pas voulu la modernité, on n'a pas fait assez de marketing, on n'a pas assez compris qu'on était des « marques » (il l'a répété trois fois, « marques »), on n'a pas voulu voir la réalité en face, etc."
L’extrait engraissé est un cas caractéristique d’impertinence comme on n’en voit plus beaucoup. Il m’a donné beaucoup de bonheur, j’en ai presque sautillé sur ma chaise et j’ai failli me remettre à croire en Dieu. On a ici une journaliste qui remet ouvertement en cause le rachat du journal pour lequel elle travaille par un groupe de presse obsédé par la notion de marque.
Hier matin, tout heureux d’avoir reçu mon Télérama en papier, je le déballe et je me précipite aux chiottes pour le déguster — le plaisir de lire Télérama aux chiottes est tel qu’il m’arrive de cesser toute activité excrémentielle dès le jeudi pour être sûr d’avoir l’envie qu’il faut le mardi, au moment de recevoir mon journal, et je vous assure de la souffrance aussi bien physique que morale que je ressens lorsque je trouve ma boîte à lettres vide le mardi et que je comprends qu’il faudra tenir un jour de plus avant de m’offrir le plaisir hebdomadaire auquel je prétends.
Bref.
Je lis donc mon Télérama aux chiottes, tout à fait paisiblement, sans la moindre arrière-pensée nauséabonde. Comme à mon habitude, je commence par le feuilleter pour me donner une idée du menu qui m’attend — et il m’est arrivé, à quelques occasions, de ne pas penser à lire vraiment un Télérama à force de le feuilleter pour me donner une idée du menu qui m’attend.
Je vois en page 9 l’article d’Emmanuelle Anizon cité plus haut. C’est la fête dans mon cœur mais le doute m’étreint soudain : dans quel état vais-je trouver cet article ? Il me semble peu probable que les éléments subversifs qui le nourrissaient sur Internet le nourrissent encore sur le papier, qui compte tout de même quelques centaines de milliers de lecteurs.
Eh bien (étonnant, non ? ) le passage que j’ai mis en gras plus haut a disparu. Y en a plus une trace. (Par ailleurs, ils ont remplacé le mot merde par le mot mouise, mais à la limite on s’en fout.)
Laissez-moi le dire : ça va barder. Je vais de ce pas expédier une missive assassine à Télérama et, croyez-moi, ils risquent fort de ne pas y prêter la moindre attention. Mais tant pis, je veux me dire que j’aurai demandé des explications, au moins.
Alors si j’ai des nouvelles de cette affaire, je vous tiendrai au courant.
Et en attendant, s’il y a quelque chose de pourri même au royaume de Télérama, où va le Monde ? je vous le demande putain.