Il y a plein de choses dont je voudrais causer mais aucune ne m’inspire assez pour en faire un billet complet, donc voici en vrac quelques trucs parmi ceux ce que j’ai dans la tête.
Lorsque TV Magazine interroge des journalistes ou des patrons de chaîne sur le journalisme, il y a de quoi rire. Un exemple avec cette interview de Thomas Hugues dans le numéro daté du 14 septembre dernier, à l’occasion du lancement de son émission hebdomadaire « Médias, le magazine », sur France 5. L’entretien semble se dérouler normalement — la première question, Pourquoi avoir quitté I-télé pour France 5, est vide d’intérêt, et la réponse l’est également — quand soudain Patrice Gascoin, qui recueille précieusement les propos de Thomas Hugues, ose demander à ce dernier, attention tenez-vous bien :
Décrypter les médias quand on a soi-même présenté le 20 heures, n’est-ce pas révéler les secrets de fabrication de l’info ?
Quelle insolence. Je me demande encore comment Thomas Hugues est parvenu à prendre sur soi et à répondre. Personnellement, j’aurais quitté la pièce. Prenons les choses dans l’ordre, car il y a pas mal de choses à dire sur cette question.
1° « Décrypter les médias » : Patrice Gascoin a parfaitement gobé la communication de France 5 autour de cette émission présentée comme un magazine de « décryptage des médias », mais qui ne décrypte rien du tout, comme l’explique très bien cet article de Télérama (cliquez) qui dit mieux que moi ce que j’en pense.
2° « Décrypter les médias quand on a soi-même présenté le 20 heures, n’est-ce pas révéler les secrets de fabrication de l’info ? » La question se donne l’air impertinent. On sent que Gascoin le reproche presque à Thomas Hugues, de vouloir « révéler les secrets de fabrication de l’info ». Il ne faudrait surtout pas, en effet, que le public sache comment travaillent les journalistes, à quelles pressions ils sont soumis, de quelle façon ils doivent bâcler leurs reportages pour les rendre à l’heure, et pourquoi ils sont obligés de brasser du vent presque tout le temps. La magie doit continuer d’opérer, car que se passera-t-il si on se met à vraiment révéler les secrets de fabrication de l’info ? Plus personne ne regardera les JT. Dans la tête de Gascoin, il semble en aller de l’info comme du Nutella ou de la sauce du Big Mac : la recette doit être tenue secrète. Les journalistes peuvent tout à fait révéler les secrets de fabrication de la Vache qui rit, ou entrer avec une caméra cachée dans les « boîtes de nuit les plus branchées de Miami », ou encore investiguer sur les yachts des milliardaires et « décrypter le business Florence Foresti » ; mais enquêter sur eux-mêmes, grands dieux non. On ne peut pas informer sur l’information. Que Gascoin se rassure : comme montré plus haut dans l’article de Télérama, « Médias, le magazine » se garde bien de le faire et il entretient parfaitement la magie. J’en veux pour preuve l’extrait suivant, où Thomas Hugues et PPDA défendent chacun une interprétation des audiences du JT de Laurence Ferrari. Une discussion qui pourrait tout à fait s’être tenue dans une émission de Jean-Marc Morandini, lui-même obsédé par les audiences.
Dans le même numéro de TV Mag, Elisabeth Perrin, lors d’un entretien « service de soupe » avec Nicolas de Tavernost, président de M6, pose une autre question tout à fait intéressante. Au sujet du 20 heures que M6 prévoit de mettre en place prochainement, elle demande s’il s’agira d’un « vrai journal avec un présentateur ». Bien sûr, un vrai et bon journal ne saurait se passer d’un présentateur. Comment l’information pourrait-elle être juste et rigoureuse s’il n’y avait pas une star télévisuelle pour nous la présenter ? Inimaginable !
Demain, ou après-demain, enfin dans pas longtemps, je posterai un documentaire de Pierre Carles sur Charlie Hebdo et Philippe Val, ce qui me permettra de revenir rapidement sur les histoires de théorie du complot et de faire de la pub pour le Plan B.
D’ici-là, portez-vous bien, et n’oubliez pas qu’il y a quelque chose de pourri dans ce royaume — vous ne devriez pas l’oublier si vous lisez ce lamento du Figaro.fr (cliquez) regrettant que la loi antipiratage basée sur le rapport Olivennes soit « vidée de sa substance ».
Savoir dissocier l'information de la communication devient de plus en plus difficile, et pourtant tellement évident. Très bonne réflexion sur un domaine dont on parle peu mais que l'on voit partout.